« 30 ans après la création de l’éducation prioritaire, on dit que cette méthode n’a pas marché. Mais en réalité on ne donne pas davantage à ceux qui ont peu », affirme Vincent Peillon le 16 janvier. « Le système éducatif donne plus de moyens à ceux qui sont bien pourvus et pas assez à ceux qui sont dans la difficulté sociale ou scolaire. C’est sa question centrale ». Rarement on n’aura entendu un discours aussi clair sur la nécessité d’un rééquilibrage des priorités dans le système éducatif. L’Ecole entre-elle vraiment dans une nouvelle ère ?
Dans son discours, le ministre ne manque pas d’arguments. Il peut s’appuyer sur plusieurs rapports qui apparaissent incontestables. D’abord celui de la Cour des comptes qui dès 2010 a mis en doute le soutien du ministère à l’éducation prioritaire. Alors que celui-ci estime le surcoût de l’éducation prioritaire à un milliard, la Cour pense que » le coût pourrait aussi bien être inférieur de 10% à celui des autres établissements », parce qu’on affecte dans ces établissements du personnel débutant et donc moins onéreux que celui des établissements de centre ville. Il y a Pisa 2012 qui établit le très fort lien entre inégalités scolaires et sociales en France. Un mois après la publication de PISA, le discours ministériel prend la forme d’une réponse.
Car Vincent Peillon annonce rien moins qu’une inversion des perspectives. Le souci de justice sociale est affirmé par le ministre. Répondant aux propos de la présidente de la Peep, il déclare : « Nous ne voulons pas de programme différents selon les écoles. Pas de différenciation précoce. On ne veut pas d’une école à deux vitesses. On ne veut pas d’une école pour les pauvres. On veut l’inverse ! ». V Peillon rappelle que les système éducatifs efficaces arrivent à la fois à avoir un fort taux d’élèves très bons et un très faible taux de faibles. Il n’y a pas besoin d’écraser une partie des élèves pour construire une élite. L’exemple français, où l’élite stagne alors que le taux d’élèves faible double confirme l’hypothèse. Alors le ministre annonce sa volonté de faire tourner la machine à l’envers. Sur le plan budgétaire, « nous sommes à moyens constants. Mais nous faisons de la redistribution. Nous suivons le constat de la Cour des comptes, de l’OCDE. Nous en tirons les conséquences… Plusieurs centaines de millions vont se déplacer, entre 300 et 400 ». Et on se plait à imaginer que le ministère récupère des moyens dans les établissements les plus huppés pour les flécher là où les besoins sont immenses.
Mais des incertitudes demeurent. Derrière les propos ministériels, on n’arrive pas à voir clair dans le plan de financement. L’épisode des CPGE où le ministère a échoué à remettre en question un système où chaque élève, majoritairement issu d’un milieu favorisé, coût 4 fois plus cher qu’un collégien de ZEP, est dans les mémoires. Sans aucun doute, le ministre va orienter les créations de postes, qui sont déjà budgétées, vers les zones prioritaires. C’est dans les REP et les REP+ que seront affectés les 7000 maitres surnuméraires (plus de maitres que de classes) au primaire. L’ouverture de nouvelles maternelles dans les quartiers absorbera aussi des postes; Enfin les décharges des enseignants du collège et du primaire se traduiront aussi par des postes. Là dessus le ministre est crédible. Sur d’autres points, comme l’augmentation des primes, le ministère reste dans le flou. Personne ne sait où ces moyens, estimés à quelques centaines de millions, seront pris si ce n’est que ce ne sera certainement pas en CPGE… Le ministre ne s’attaque pas non plus à la procédure d’affectation des enseignants débutants en zep. » Il n’y a pas de raisons de penser que de jeunes enseignants ne soient pas de bon professeurs d’éducation prioritaire », dit V Peillon pour écarter le problème…
Si l’engagement de Vincent Peillon est sincère, le ministre fait la politique du possible. Dans un pays où le choc Pisa n’a pas soulevé le poids des lobbys, le ministre fait ce qu’il peut. L’action politique se nourrit d’idées mais celles-ci se forgent dans le combat quotidien.
François Jarraud
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