« Il faut veiller à ce que les ruptures ne se transforment pas en fractures ». Ces propos de Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique, ont conclu, le 23 janvier, le congrès national du Snceel, le syndicat des chefs d’établissement du privé. Fidèles à leur histoire, les établissements privés sont aussi bousculés par la refondation de V. Peillon. Les deux journées du congrès ont permis aux personnels de direction de réfléchir à leur relation avec elle et de repartir plus confiants en l’importance de leur rôle.
Philo ici comme ailleurs
Principal syndicat des personnels de direction du privé, le Snceel représente près de 2500 écoles et établissements privés, soit un millier de collèges, près de 700 lycées et 700 écoles. Ces établissements scolarisent 850 000 élèves dont 200 000 en Ile-de-France, 100 000 en Rhône-Alpes et 120 000 dans le grand ouest. Dans un système éducatif privé composé d’associations autonomes, le Snceel est un des rares points communs qui organisent le système. Les 22 et 23 janvier, à Issy-les-Moulineaux, son congrès est placé sur le thème du pilotage « entre ruptures et cohérences ». Le Snceel a invité Edgar Morin et le nouveau secrétaire général de l’enseignement catholique.
Pascal Balmand c’est le Vincent Peillon de l’enseignement catholique. Pas seulement par la fonction. Comme Vincent Peillon c’est un excellent orateur. Et comme le ministre, un philosophe. Certes les références ne sont pas les mêmes. Saint Augustin remplace Ferdinand Buisson et l’Evangile, Jules Ferry. Mais les chefs d’établissement du privé sont noyés eux aussi sous la philosophie, décidément alma mater de l’Ecole en cette année difficile. Pour Pascal Balmand, l’Ecole doit « préparer à l’usage du monde »; le chef d’établissement doit apporter un message de confiance et d’espoir. C’est lui qui doit ouvrir l’élève à la beauté du monde. C’est lui aussi qui doit faire société. « La question pour nous c’est faire en sorte que les gamins de Versailles aillent plus loin que Saint Germain en Laye et connaissent un peu Saint-Denis. Et que les enfants d’Aulnay partagent quelque chose avec ceux de Versailles ». Comme dans l’ouest parisien la ségrégation sociale est à son maximum dans les établissements catholiques, le message du secrétaire général sonne comme un rappel à l’ordre.
Quelle fracture avec le public ?
L’enseignement catholique prend-il le risque de se ghettoiser ? Non pense Didier Retourné, secrétaire du Snceel. « L’enquête du CNRS sur les inscriptions des élèves dans les établissements privés a suscité une réaction du secrétaire général », déclare D Retourné. « Il y a une impulsion pour être toujours plus associé au service public d’éducation ».
Mais le Snceel a ses problèmes particuliers. A commencer par la crise du recrutement des futirs enseignants, plus forte dans le privé. « Les structures de formation restent différentes du public. On croit beaucoup plus à la formation par les pairs, à l’alternance », explique-t-il. « Les médias ont mis en lumière des enseignants en difficulté. Mais le métier commence à être mieux perçu. La nouvelle formation permettra aux jeunes de revenir vers ce métier ».
Les rythmes sont une autre pierre d’achoppement. « Chaque établissement est autonome », continue D Retourné. « Certains sont restés aux 4 jours et demi d’avant 2008. D4autres vont rester aux 4 jours de X Darcos. Nos adhérents sont jaloux de leur autonomie »
Le métier est-il différent dans le privé ? « L’autonomie dont on dispose est jalousée par les collègues du public », explique D Retourné. On fait le même métier mais nous avons en charge en plus l’immobilier. Tout repose sur nous ». Interrogé sur leur identité, D Retourné inverse les priorités par rapport au public. « Nous sommes des managers avec en charge aussi la pédagogie ».
François Jarraud