La question de l’efficacité de l’éducation prioritaire se pose dans des termes nouveaux depuis la publication de PISA 2012. L’étude de l’OCDE a mis en évidence le lien entre inégalité sociale et scolaire en France et, en même temps, le doublement du nombre d’élèves très faibles dans le pays en 10 ans. La France apparait comme un pays où le système éducatif est particulièrement inefficace et particulièrement injuste, deux caractéristiques qui sont à l’opposé des ses valeurs officielles. Mais pour y remédier comment faire ? Dans quelle mesure le plan Peillon peut-il apporter une réponse ?
Stabiliser les équipes une première priorité
« Le prioritaire , c’est une sorte de purgatoire pour les enseignants ». La formule d’Agnès van Zanten décrit bien le turn over perpétuel dont souffre le prioritaire. On y affecte les enseignants disposant de peu de points, c’est à dire les débutants. Ceux-ci quittent le plus tôt possible les établissements d’autant plus difficiles que ces jeunes enseignants ne sont aps formés à y enseigner et ont peu d’expérience. Selon les statistiques éducation nationale, seulement un tiers des enseignants en éducation prioritaire ont plus de 5 ans d’ancienneté sur leur poste. Les statistiques ne disent pas combien ont plus de 5 ans d’ancienneté tout court… Le turn over empêche toute constitution solide d’équipe. Il limite la réalisation de projets interdisciplinaire. Il nuit aussi à la discipline et rend le travail de tous plus pénible.
Comment y remédier ? Aucun ministre n’a envisagé de revoir le dispositif de nomination et mutation… Luc Chatel a tenté d’apporter une réponse avec la mise en place de postes fléchés dans les réseaux Eclair. Cette mesure se heurte à une opposition tenace du Snes qui pourrait obtenir de V Peillon sa suppression. Il est vrai qu’elle a échoué à trouver les enseignants nécessaires aux réseaux prioritaires même à une époque où les suppressions de postes rendaient les mutations très difficiles. La stratégie de V Peillon semble plus efficace. S’inspirant visiblement des idées de l’OZP, le ministre veut encourager le développement du collectif dans les établissements et pour cela décharge les enseignants dans les 350 réseaux les plus difficiles.
Diminuer les classes ou encadrer davantage les enseignants ?
Mais comment améliorer l’enseignement dans les établissements prioritaires ? Le ministre a fait le choix de privilégier le primaire. Mais comment passer de 3 à 30% des enfants scolarisés avant 3 ans ? Cela suppose un effort sans précédent pour des municipalités qui ont déjà des moyens limités. Encore faudra-t-il convaincre les parents car dans les quartiers populaires la demande est moins forte que dans les zones privilégiées.
Comment rendre l’enseignement plus efficace ? En 2006, la célèbre étude de Piketty et Mathieu Valdenaire a calculé l’effet qu’aurait une réduction importante du nombre d’élèves sur la réussite scolaire. La grande force de ce travail c’est de s’appuyer sur une méthode incontestable. Elle joue sur les effets de seuil qui font que de façon aléatoire certaines classes sont éclatées en deux groupes classes. A l’école primaire, aujourd’hui, l’écart entre une école prioritaire et une non prioritaire est de deux élèves. L’étude a calculé l’effet de la suppression d’une diminution de 5 élèves en zep. » La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait, dans notre hypothèse basse, à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée ». Si l’impact est très faible au lycée, il est majeur à l’école. L’efficacité est facile à établir. Même si les enseignants ne tirent pas le maximum de profit de cette opportunité pour personnaliser l’enseignement, la réduction du nombre d ‘élèves change le climat dans la classe et augmente le temps consacré réellement à l’enseignement. Mais cette réduction a l’inconvénient d’être couteuse, non pour l’Etat, qui pourrait affecter moins de postes dans les quartiers favorisés et davantage dans les défavorisés. Mais pour les communes défavorisées qui devraient déjà faire face à la demande de classes de maternelle.
Vincent Peillon a fait un autre choix. Le rapport réalisé pour le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique a souligné le fait que réduire d’un ou deux élèves par classe l’effectif classe aurait peu d’effet. Ce qui l’amène le rapport à écarter cette perspective et à privilégier l’investissement dans un réseau de formateurs. Cette stratégie suppose d’avoir les formateurs et la capacité d’animation nécessaires. Il n’est pas certain que le ministre en dispose.
François Jarraud