L’enseignement prioritaire est un continent particulier de l’Education nationale. L’éducation prioritaire concerne un collégien et un écolier sur cinq. On compte 301 collèges et 2139 écoles, soit 5% de l’effectif total des élèves, dans les réseaux Eclair qui regroupent les établissements qui ont le plus fort taux d’élèves défavorisés. En réseau Eclair, 73% des élèves ont des parents ouvriers ou inactifs (35% dans le hors-prioritaire). 22% des élèves sont en retard à l’entrée en 6ème, soit le double du taux moyen hors prioritaire. Les Réseaux de réussite scolaire (RRS) scolarisent environ 15% des collégiens et 12% des écoliers. On compte 781 collèges et 4 457 écoles dans ces réseaux. 56% des élèves sont issus de familles défavorisées. 18% des élèves sont en retard à l’entrée en 6ème.
Une histoire de gauche
Entre la gauche de gouvernement et l’éducation prioritaire, les liens sont puissants. Crée en 1981, la politique d’éducation prioritaire a plusieurs fois été remaniée. Mais les espoirs mis dans ce programme s’éloignent sans cesse. Lancée en 1981, la politique des zones prioritaires ne devait durer que 4 ans ? Plus de 30 ans plus tard, on en est toujours à réfléchir à la délimitation des zones prioritaires. Sur cette période on est passé d’un collégien sur dix en zone prioritaire à deux sur dix. En même temps, la politique d’éducation prioritaire a cherché à concentrer ses moyens sur un nombre d’établissements plus limité. Sans que les résultats suivent. Le pilotage, fort lors du lancement dans les années 1980, s’est délité avec le retour de la droite au pouvoir. Les objectifs sont tombées dans le flou entre le sécuritaire et le pédagogique, le territorial et la personnalisation. Le travail de remise en ordre que doit mener V. Peillon est aussi un travail de clarification des objectifs et de redéfinition des critères.
Pourquoi le niveau baisse-t-il ?
Selon une étude de la DEPP (Direction des études du ministère de l’éducation nationale), « entre 2007 et 2012, la proportion d’écoliers en Éclair qui maitrisent les compétences de base en français et mathématiques reste stable. Au collège, l’écart se creuse de manière significative, avec une diminution significative des résultats des élèves en éducation prioritaire » . L’étude confirme le faible écart en termes d’encadrement entre les établissements prioritaires et les autres. A l’école il y a en moyenne 22 élèves par classe en RAR et Eclair contre 24 hors éducation prioritaire. Au collège, l’écart est un peu plus important : 20 élèves par division en RAR et Eclair contre 25 dans les collèges non prioritaires. Elle montre aussi que « les collèges en éducation prioritaire sont plus touchés par l’absentéisme et remontent plus d’incidents graves. Les élèves perçoivent le climat scolaire de manière moins favorable qu’hors éducation prioritaire mais ne se sentent pas plus victimes de violences ». Enfin la jeunesse des enseignants dans les établissements prioritaires est confirmée par l’étude. Mais l’écart est moins important que ce qui est souvent avancé. 31% des enseignants des établissements prioritaires sont en poste depuis moins de 2 ans dan le collège contre 28% pour la moyenne des collèges.
En 2012, un rapport demande la « remise à plat » de l’éducation prioritaire
En 2012, un rapport de l’Inspection générale sur « l’élargissement du programme CLAIR au programme ECLAIR », coordonné par Michel Hagnerelle, Alain Houchot et Simone Christin, dresse un tableau très critique de la réforme des Eclair imposée au pas de charge par Luc Chatel . » Globalement, malgré des réussites ponctuelles qu’il convient de saluer, les effets du programme ECLAIR sont très modestes dans les écoles et les établissements. La plus-value éducative et pédagogique est limitée », note le rapport. « La démarche se révèle inadaptée pour impulser une dynamique de changement dans le système éducatif ». En proclamant que » ECLAIR constitue une réponse inadaptée aux grands défis de l’éducation prioritaire » malgré la qualité des équipes « motivées » des réseaux, le rapport invite à une « remise à plat de l’éducation prioritaire ».
La réflexion relancée en 2013
Mi juillet 2013, Vincent Peillon a fait de la réforme de l’éducation prioritaire un des trois grands chantiers de l’année 2013-2014. Durant l’été 2013, un rapport réalisé pour le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique demande nettement à restructurer l’éducation prioritaire c’est à dire déjà à diminuer le nombre des réseaux. Il invite à mettre l’accent sur le primaire puisque « toute la scolarité repose sur l’écrit. Maitriser l’oral d’abord, puis la lecture et l’écriture dans toutes les disciplines est essentiel ». Le rapport veux aussi axer les moyens sur les coordonnateurs de réseaux et la formation. » Il ne serait pas pertinent de travailler sur le nombre d’élèves par classe en le faisant varier encore d’un ou deux élèves… Si l’on veut renforcer la qualité de l’enseignement en éducation prioritaire, compte tenu du nombre plus important de jeunes enseignants qui y sont nommés, investir dans la formation initiale est tout à fait pertinent, mais il ne faudra pas négliger également la formation continue et l’accompagnement des enseignants par exemple par des formateurs de centres de ressources chargés de faciliter l’appropriation des données de la recherche par les praticiens. Il y a à cet égard un important investissement à consacrer à la formation de formateurs ».
Ce sont ces idées que l’on retrouve dans le plan Peillon de janvier 2014. Il lui reste à trouver les formules pour mettre en place cet accompagnement et assurer les sorties de l’éducation prioritaire d’un nombre important de réseaux.
François Jarraud