Pour l’Observatoire de la vie numérique des adolescents, la sociologue Joëlle Menrath analyse dans un très intéressant article les usages quotidiens d’un réseau social encore peu connu des adultes et dès lors très investi par les jeunes : ask.fm. Le principe en est simple : sur sa page, on répond à des questions posées par des interlocuteurs anonymes (sauf s’ils choisissent de s’identifier), la plupart d’entre elles traitant de sexualité, d’amitié, d’amour.
« Dans cette version numérique du jeu « Action ou Vérité », matinée des standards de la télé réalité, de nouveaux marivaudages s’expérimentent, où l’intimité de chacun se dessine sous les yeux d’un public choisi. ». Dans ce « petit laboratoire moral », à l’écart des adultes, des normes se fabriquent par l’expérience des transgressions (« l’obscénité ne doit pas empêcher d’être respectueux »), l’intimité est une conquête (« c’est sous les regards de leurs pairs que les adolescents définissent, chemin faisant, ce qui ne les regarde pas ») et la honte se met au service de l’individuation (« sorte de rappel à l’ordre narcissique, qui préviendrait à la fois contre des fantasmes de toute-puissance et contre l’effondrement »).