« On a encore beaucoup à faire ». A l’occasion des voeux, Vincent Peillon montre sa détermination à aller au bout de la refondation. Pourtant il n’est que de comparer les vidéos des voeux 2012 et ceux de 2013 pour constater à quel point l’atmosphère a changé et 2013 a été une année difficile. 2014 verra-t-elle l’aboutissement ou l’enterrement de la refondation ?
Il ne faut pas oublier que 2013 a été aussi une année de succès pour le ministre. Il a excellé à faire voter par une majorité large au Sénat, assez large à l’Assemblée, la loi d’orientation. A cette occasion il a montré de grandes qualités politiques, trouvant le point d’équilibre exact entre les composantes de la majorité, voire en allant au-delà de la frontière droite – gauche. Un autre succès notable a été la mise en route des Ecoles supérieures de l’éducation et du professorat (ESPE) en un temps record malgré un débat acharné sur la formation des enseignants. Certes toutes ne fonctionnent pas encore correctement, mais, avec la ministre de l’enseignement supérieure, il a su faire en sorte qu’elles ouvrent et accueillent une masse d’étudiants. Et c’est un troisième grand succès que d’avoir réussi à relancer les inscriptions aux concours d’enseignant. Enfin il a mis en place les différents conseils prévus par la loi d’orientation (à l’exception d’un seul) et lancé de nombreuses réformes comme l’évolution du métier enseignant.
Mais en 2014, on retiendra surtout la réforme des rythmes. Et là il faut bien dire que V. Peillon semble en échec. D’autant que la campagne électorale devrait faire monter les enchères politiques sur ce terrain et aggraver la situation. Mais l’éventail des possibles de la refondation nous semble restreint par d’autres forces encore plus pesantes.
Et d’abord par le poids des représentations scolaires dans l’imaginaire collectif. La France continue à rêver son École dans les formes des pères fondateurs. Denis Meuret le rappelle dans son dernier livre. Et Vincent Peillon, qui situe toujours son action en référence à Jules Ferry et Ferdinand Buisson, entretient d’une certaine façon cette nostalgie. Comment refonder l’École quand on met en exemple l’École de la IIIe République ? Malgré la violence de l’annonce (la France championne de l’inégalité sociale à l’Ecole, la croissance du nombre d’élèves très faibles), le choc PISA a fait pschitt ! Dans sa grande crise d’angoisse collective, la France continue à défendre le sauve qui peut individuel, les filières les plus sélectives et l’injustice sociale. L’élitisme reste la valeur dominante de la société même si ses ravages sont de plus en plus visibles. Le ministre semble bien seul à vouloir porter les valeurs de la réussite pour tous et de la réduction des inégalités sociales à l’école.
Un autre frein est économique et budgétaire. Comment impulser des réformes profondes, qui obligatoirement vont nécessiter des efforts, quand on n’a rien à donner en échange à des personnels pressurés depuis une décennie ? Or l’aggravation de la situation budgétaire pousse inexorablement le gouvernement à ne plus faire de l’École une priorité. Combien de temps V. Peillon réussira-t-il à sanctuariser le budget de l’Éducation nationale, quand tous les autres ministères connaissent des coupes claires ? Il n’est que de lire les voeux du président de la République pour comprendre que les exigences économiques sont maintenant en tête des objectifs présidentiels. François Hollande annonce une réforme de la décentralisation et une réorientation de sa politique budgétaire avec une baisse des dépenses publiques. Autrement dit , une autre politique avec une autre équipe qui devrait suivre de peu les élections municipales et européennes. L’avenir de la refondation pourrait bien se jouer dans les urnes. Combien de villes perdues du fait de la réforme des rythmes ?
L’avenir de la loi de refondation va se jouer en 2014. Non dans sa lettre définitivement fixée. Mais dans sa réalisation. Elle ne sera pas la première. Rappelons nous la loi d’orientation de 2005 dont l’application fut savamment sabotée par une partie de la majorité qui l’avait votée. Qu’est il advenu du socle commun , de l’approche par compétences…Aux aguets de la reconquête du pouvoir, la droite a appris grâce à la gauche une chose. « La réforme de l’école doit être préparée en amont. Les grandes réformes il faut les faire dès la première année au pouvoir avec des ordonnances » (JF Copé)….
François Jarraud