A quelques jours du 8 mars, la délégation sénatoriale aux droits des femmes a spectaculairement rappelé ses objectifs jeudi 28 février en s’emparant d’un symbole masculin : un lycée du bâtiment parisien. Pour la délégation une nouvelle étape dans l’émancipation des femmes s’engage avec la conquête de nouveaux métiers. Et c’est dans les lycées et les procédures d’orientation que son avenir se joue. Vincent Peillon devrait bientôt être interpellé sur cette question.
Doit-on dire « tailleur de pierre » ou « tailleuse de pierre » ?
La loi impose la féminisation des emplois. Mais jeudi 28 février, les jeunes filles élèves tailleurs de pierre du lycée Hector Guimard à Paris, un lycée du bâtiment, rejetaient l’appellation féminisée. C’est que le féminin comporte une connotation sexuelle d’autant plus lourde que 90% des élèves du lycée sont masculins. Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional d’Ile–de-France en charge des lycées, raconte une autre anecdote révélatrice. Selon elle, la nouvelle rectrice de Créteil se faisait appeler « Madame le Recteur » en arrivant en poste. « Dès qu’on a un poste important on hésite à le féminiser », explique H Zoughebi. « On ne se pose pas cette question pour une femme de ménage ou une sage-femme ».
Ce sont ces stéréotypes que la Délégation sénatoriale aux droits des femmes, conduite par Brigitte Gonthier-Maurin, entend poursuivre. « Dans notre rapport annuel nous mettons en évidence le fait que les femmes sont contenues dans 12 familles de métiers sur 87, toutes issues des anciennes tâches féminines domestiques ». Cette ségrégation professionnelle trouve son origine dans les procédures d’orientation. « Même quand elles choisissent le bâtiment, les jeunes filles se retrouvent dans des filières artistiques, comme tailleur de pierre », nous confie B Gonthier Maurin. « Les filles réussissent mieux que les garçons mais la société les contraint dans certains métiers. Il faut lutter contre ces stéréotypes en devenant intolérants à l’inégalité ». « Cette inégalité pourrit la vie des jeunes », explique H. Zoughébi. « On parle de la liberté de chaque jeune à ne pas voir son avenir écrit par d’autres. Tous les jeuens sont sensibles à ces questions d’égalité. Je le vois bien quand je réunis les élus à la vie lycéenne ».
Un programme pour l’égalité
Lycée du bâtiment, le lycée Hector Guimard accueille 10% de filles. Il bénéficie comme d’autres établissements du programme régional « Jeunes pour l’égalité » qui accompagne les jeunes et leurs professeurs dans des action en faveur de l’égalité. L’année dernière, 4 000 élèves de 18 lycées, principalement situés dans des quartiers populaires, tous volontaires, ont participé à un programme de sensibilisation initié par la région Ile-de-France pour diffuser la culture de l’égalité dans les lycées. Des travaux sur la parité ont été intégrés à différents enseignements. Les lycéens ont travaillé sur les violences sexistes, les représentations sexuées de soi, la liberté de disposer de son corps ou encore la laïcité. Ils ont bénéficié d’ateliers d’écriture et d’ateliers théâtre par exemple et ont restitué tous ces travaux devant leurs camarades. H. Zoughébi souhaite passer à la vitesse supérieure et former davantage d’enseignants. « Quand il y a des injures sexistes dans la cour, souvent les enseignants sont sidérés , ils ne savent pas quoi dire. Il faut donc les former ». Et pour cela elle dispose déjà des intervenants de « Jeunes pour l’égalité ». Mais il faut un appui ministériel pour aller plus loin.
Une lettre à Vincent Peillon
« Je vais écrire à Vincent Peillon », dit H. Zoughébi. « Il faut lancer pour de vrai un véritable programme pour l’égalité des femmes et des hommes dans l’éducation nationale. Aujourd’hui elle est beaucoup trop timorée. IL y a un travail à faire sur les contenus. Et pas seulement en SVT. Mais aussi en histoire, il faut que les manuels présentent des personnages féminins. IL faut que ces figures féminines soient présentes de ma maternelle à la terminale et dans toutes les disciplines, en littérature par exemple ». H. Zoughébi avait déjà écrit à V. Peillon en septembre. Elle va renouveler son courrier avec l’espoir d’un engagement plus important de l’Education nationale.
François Jarraud