Par Jeanne-Claire Fumet
Le dialogue serait-il engagé, entre les enseignants du secondaire et les Nouvelles Pratiques en Philosophie ? A l’occasion des 13èmes Rencontres Internationales des Nouvelles Pratiques Philosophiques, dans le cadre de la Journée mondiale de la Philosophie de l’Unesco, les 26 et 27 novembre 2013, le dialogue s’est largement établi entre deux mondes qui semblaient s’ignorer. Et les enseignants innovants du secondaire, comme on pouvait le penser, ne sont pas si éloignés des démarches et réflexions de leurs collègues hors institutions. Avec quelques réserves cependant : toutes les pratiques ne relèvent pas au même degré de la philosophie.
Rencontre entre praticiens et enseignants
Moment fort attendu de la version 2013, plusieurs professeurs du secondaire sont venus cette année échanger avec les acteurs de la philosophie non institutionnelle lors du colloque organisé par Philolab. L’association met en œuvre depuis plusieurs années des chantiers croisés sur les thèmes de la philosophie à l’école dès le plus jeune âge, de la philosophie comme soin de l’âme, comme outil de gestion de l’entreprise ou de développement de la politique des villes, comme lieu d’échanges populaires (cafés philo) ou d’interrogation de la culture de masse (Cinéphilo). Une discussion a rassemblé des acteurs éprouvés des Nouvelles pratiques, comme Isabelle Millon, Directrice de l’Institut de Pratiques Philosophiques, Nathalie Frieden, spécialiste de didactique de la philosophie aux universités de Genève et Fribourg, et des professeurs du secondaire.
Des enseignants à la pointe de l’innovation
Les enseignants présents se distinguaient par leur implication personnelle dans des démarches de recherche et d’innovation en matière d’enseignement scolaire. Sébastien Charbonnier, docteur en sciences de l’éducation et auteur d’un ouvrage abrasif sur les méthodes classiques (voir l’article du Café), Nicole Grataloup, responsable du secteur philosophie de GFEN (Groupe Français d’Éducation Nouvelle), François Jourde, professeur à Bruxelles et précurseur dans l’usage des outils numériques en philosophie, Bastien Sueur, coordinateur du Lycée la Nouvelle Chance de l’académie de Versailles. Tous ont convenu de lignes de confluence entre les approches des NPP et leur vision de l’enseignement : considérer les élèves comme des interlocuteurs valables, les mettre en situation d’activité, être le plus explicite possible dans les objectifs et les critères d’évaluation, favoriser la différenciation pédagogique.
Les points de tension
Loin de l’image d’une défiance réciproque entre deux mondes qui s’ignorent, Jean-Charles Royer, enseignant et formateur GFEN, rappelle qu’il est déjà intervenu en 2008, pour la 9ème édition des Rencontres NPP. Ce n’est pas la question pédagogique qui fait obstacle, mais plutôt l’inclusion de beaucoup de choses différentes sous la dénomination de pratiques philosophiques qui peut poser problème. Ainsi, le consulting d’entreprise, tel qu’il est présenté par Isabelle Millon, lui semble éloigné de la forte exposition au risque, que constitue la démarche philosophique. Lorsqu’il s’agit de donner aux acteurs des armes de rentabilité, n’est-on pas dans une subversion sophistique de la pensée philosophique ? Mais dans l’utilisation privilégiée des supports numériques, telle que la préconise François Jourde, ne favorise-t-on pas les mécanismes de restitution de connaissances contre l’authentique travail de réflexion, s’interroge Nathalie Frieden ?
Un voisinage poli mais réservé
Pour les professeurs du secondaire, les méthodes de philosophie pour enfants, comme celle Matthew Lipman (initiateur de la DVP), de Jacques Lévine (ateliers AGSAS), d’Oscar Brénifier, ou de Michel Tozzi, ont pris place dans leurs pratiques pédagogiques en classe de philosophie. Mais pour faire évoluer leurs enseignements selon les exigences institutionnelles du secondaire et en fonction de la réalité de leurs publics lycéens, ils estiment pouvoir davantage prendre appui sur les recherches du groupe Philosophie du GFEN ou les ateliers de travail régulièrement proposés par l’ACIREPh.
Aucune incompatibilité de principe, donc entre ces acteurs, mais bien une différence structurelle de perspective et d’objectifs.
Sur les différentes méthodes de philosophie pour enfants :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2009/NPP_Philosopheraveclesenfants.aspx
Sur les travaux de l’Acireph :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lenseignant/lettres/philosophie/pages/2010/[…]
Compte rendu de l’ouvrage de Sébastien Charbonnier :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lenseignant/lettres/philosophie/Pages/2[…]
Sur le site du Café
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