Etre enseignant est-ce finalement un métier ? On sait qu’en France la question du métier est officiellement débattue. En Belgique, le mouvement pédagogique belge Changement pour l’égalité réagit à l’arrivée dans la communauté française de Belgique de « Teach for Belgium », un clone de « Teach For America ». Cette extension inattendue amène à poser la question du métier enseignant mais aussi celui de l’enseignement dans les établissements de l’éducation prioritaire.
» Notre système scolaire serait-il à ce point sclérosé et ses responsables anesthésiés pour assister sans réagir à une forme de privatisation de la formation des enseignants, mission essentielle de tout État qui veut assurer un avenir à sa jeunesse ? » C’est surtout la surprise qui l’emporte dans la réaction de Changement pour l’égalité à l’arrivée inattendue de Teach For Belgium. L’initiative semble bénéficier du soutien des instances officielles qui rémunéreront les intervenants de Teach For Belgium au tarif des profs débutants.
Teach For Belgium (TFB) n’est pas la première branche européenne de Teach For America. Ce mouvement américain est présent dans 10 pays européens. Né à la fin des années 1980, il veut lutter contre les inégalités scolaires en envoyant dans les écoles des quartiers populaires des jeunes motivés. Teach For America (TFA) recrute de jeunes diplômés du supérieur, les forme sommairement (en 300 heures de formation sur 6 semaines) et les envoie dans des écoles populaires. La formation baigne dans un esprit positif vantant « létat d’esprit volontariste à l’égard des élèves ». Pour TFA cette injonction de sang jeune et dynamique suffit à réduire les inégalités scolaires. Les jeunes restent deux années et repartent avec une expérience intéressante sur leur CV. C’ets du moins ce qu’affirment TFA et Teach For Belgium.
Le développement de ces boys scouts de l’école illustre la vision que le public peut se faire du métier enseignant. N’importe quel jeune diplômé pourrait enseigner simplement parce qu’il aurait une mentalité positive et il ferait mieux que les vieilles barbes enseignantes, un peu usées sur le labeur. Une vision qui peut sembler simpliste mais qui était officiellement celle du gouvernement français il y a quelques mois. C’est ainsi qu’on envoyait en classe des jeunes titulaires d’un master avant que V Peillon y mette bon ordre. Et ces jeunes profs on les faisait commencer dans les quartiers populaires.
Pourquoi les jeunes des quartiers populaires devraient-ils avoir comme enseignants les personnels les moins formés ? Cette question n’est pas posée que par l’arrivée temporaire des jeunes maitres de TFB. C’est une constante de ces dernières années. Ainsi on a vu en Angleterre des assistants venir aider les professeurs dans les écoles prioritaires. En France c’était une des missions des assistants d’éducation que de s’occuper des jeunes en difficulté. C’est un reproche qui a été fait aux emplois avenir professeur, dans un contexte en fait assez différent. A un autre niveau on n’a toujours pas trouvé de remède à l’envoi des jeunes enseignants en zep…
On mesure ainsi que la psychologie positive invoquée par les défenseurs de ces initiatives, la sympathique dimension apparente de solidarité, cachent en fait la volonté de maintenir un système scolaire à deux vitesses. Si l’on veut réduire l’échec scolaire il faut investir vraiment dans l’école, assurer le plus de maitres que de classes et non instaurer un turn over de jeunes étudiants. Dans la guerre contre l’échec scolaire on a besoin de combattants expérimentés pas de bleus.
François Jarraud