« Ca relève de notre responsabilité. C’est même la grandeur du métier ». Vincent Peillon a introduit le 26 novembre la nouvelle campagne de lutte contre le harcèlement lancée par l’Education nationale. Elle associe des clips, des dessins animés à des outils de formation destinés aux enseignants. Elle invite les victimes et les témoins à réagir et à s’adresser aux adultes. La balle est cette fois dans notre camp…
Pourquoi cette campagne ?
Eric Debarbieux, délégué ministériel, peut être satisfait. Il avait réussi sous Chatel à faire passer la lutte contre la violence scolaire des réponses sarkozistes primaires à l’identification du problème du harcèlement scolaire. Il est en train de réussir une seconde étape pas évidente : donner de la continuité à son action, l’inscrire dans la durée au-delà des alternances politiques. Et ce n’est pas rien ! Le 26 novembre c’est avec Vincent Peillon qu’il a présenté une nouvelle campagne de lutte contre le harcèlement scolaire.
La question a de l’importance pour le système éducatif. Le harcèlement touche 6% des 12 millions d’élèves. il génère des souffrances, parfois jusqu’à l’autodestruction. Mais aussi de l’échec scolaire et une dégradation du climat scolaire qui pénalise les apprentissages de tous. Le harcèlement contribue aussi au maintien d’une forme scolaire, celle de la rude école traditionnelle, alors qu’il faudrait avancer, selon Vincent Peillon, vers l’école de la bienveillance. C’est pourquoi la nouvelle campagne s’adresse à la fois aux jeunes, aux parents et aux enseignants. Enfin il faut rappeler que la loi d’orientation impose aux écoles de publier un plan d’action pour lutter contre le harcèlement.
Quels outils ?
Pour les jeunes, elle va s’appuyer sur la diffusion de clips vidéos sur les chaines de France télévision. La chanteuse Chimène Badli et l’athlète Christophe Lemaitre ont prêté leur réputation pour ces clips. Des numéros de téléphone gratuits permettent de joindre des associations de lutte contre le cyberharcèlement et le harcèlement. Un prix est aussi lancé auprès des élèves pour qu’ils imaginent des outils de lutte contre le harcèlement. Des fiches pratiques sont éditées par l’Education nationale . Elles donnent des conseils aux victimes et aux témoins du primaire au secondaire.
Pour le primaire, avec des associations partenaires, le ministère a fait réaliser 10 dessins animés, excellemment bien faits. Ils mettent en avant le rôle des témoins dans le harcèlement et invitent les victimes à parler. La dizaine de petits films (1’15 ») aborde des sujets précis comme le bégaiement, la harcèlement des roux, le sexisme etc. Chaque film est accompagné d’un véritable dossier pédagogique qui comprend une fiche prête à l’emploi et des commentaires scientifiques. On a là un excellent outil. Il est facile d’utiliser l’animation en classe et le dossier en facilite l’exploitation. Un autre excellent outil c’est la brochure « Et si on s’paralit » réalisé par l’association les petits citoyens. Elle reprend les thèmes des animations filmées sous forme de très courts récits bien adaptés au vécu des élèves. Ces textes peuvent servir de point de départ à des débats. Enfin le site Agrir contre le harcèlement publie un guide pratique pour les enseignants « que faire dans mon école contre le harcèlement » qui contient les textes officiels et des conseils de spécialistes. Le guide dirige surtout vers des ressources externes concernant la formation et la prévention. Il donne aussi des conseils sur la posture de l’enseignant, par exemple, et c’est appréciable, pour la surveillance des sanitaires ou de la cantine.
Au secondaire, le site de référence « Agir contre le harcèlement » propose un guide plus théorique. C’est moins un appui pour le professeur que le guide du primaire. L’enseignant peut s’appuyer sur les clips enregistrés par C Baldie et C Lemaitre et sur des vidéos réalisées en 2012 et non accompagnées de fiches pédagogiques..
Le numérique
Que faire quand une photo d’élève est diffusée sur Internet avec des propos diffamants ? Que peut faire la CPE quand une élève lui confie qu’on diffuse son numéro de téléphone sur internet ? Le ministère publie également un « guide de prévention de la cyberviolence entre élèves ». Pour Eric Debarbieux, le cyberharcèlement est plus facile à traiter car il laisse plus de traces que le harcèlement ordinaire. Mais c’est un sujet nouveau pour le ministère qui ne l’avait abordé jusque là que par le biais de partenaires. Le guide aide à reconnaitre les formes de cyberharcèlement. 40 % des collégiens et lycéens seraient victimes de cyberviolence au moins une fois dans l’année (mais pas de cyberharcèlement), la moitié par des SMS. Le guide appelle à vérifier régulièrement les photos mises sur le site de l’établissement pour éviter les détournements. Il donne des pistes pour former les élèves aux obligations légales sur Internet (propos diffamatoires, droit à l’image etc.). Il fait le point sur les recours légaux des parents des victimes mais aussi des établissements. « Le chef d’établissement peut être amené à sanctionner un élève pour des faits commis à l’extérieur de l’établissement si ceux-ci sot à l’origine de troubles à l’ordre public à l’intérieur de l’établissement » , explique le guide. Il donne des exemples concrets de traitement de cas dans un établissement. Ce guide est diffusé sur le site Agir contre le harcèlement. Il devrait aussi être envoyé par les académies.
Quelle formation ?
Qu’en sera-t-il de la formation des équipes ? Eric Debarbieux évoque 162 actions depuis le début de 2013 ayant touché 20 000 personnes. C’est dire que ce nombre ne prend pas en compte que les personnels de l’éducation nationale mais aussi la formation de formateurs chez les partenaires comme les 900 « ambassadeurs » unicef. On rejoint là un point faible général du système qui devrait durer au moins jusqu’à 2015. Mais la question se relie aussi à une évolution plus générale vantée par le ministre : celle de « l’école de la bienveillance » que la loi d’orientation et le ministre souhaitent mettre en place.
« Ce n’est pas « pas vu pas pris ». C’est « vu et pris », affirme Vincent Peillon. Il reste encore à faire passer un nouveau regard et de nouvelles pratiques dans les établissements. Et ce sera à la bonne volonté des enseignants, dans la mesure où ils s’empareront des outils du site Agir contre le harcèlement.
François Jarraud