La fuite du rapport de l’inspection générale sur les programmes de 2008 est un mauvais coup porté à l’école. Elle nourrit la confusion et les ressentiments alors que l’Ecole a besoin de confiance. Elle indique de mauvaises solutions alors qu’il est urgent de changer l’Ecole.
Rappelons-nous. Lors de leur publication, nombre de didacticiens avaient alerté sur les effets négatifs des programmes de 2008. En rupture avec les programmes de 2002 et la culture professionnelle des enseignants, ils étaient perçus comme régressifs. L’accent mis sur la répétition aux dépens de la compréhension, l’avalanche de notions et de connaissances à acquérir, parfois très en avance avec les programmes précédents laissaient augurer de difficultés sérieuses. Les auteurs des programmes de 2008 étaient d’ailleurs courageusement restés anonymes. Peut-être le sont-ils un peu moins maintenant qu’on a lu ce rapport…
Les prédictions de 2008 sont confirmées. Effectivement le niveau scolaire des jeunes français ne s’est pas amélioré avec les programmes de 2008. Aussi les choix du rapport sont surprenants. Le choix de valider des programmes qui posent autant de problèmes, selon le rapport lui-même, aux enseignants est surprenant. Tout autant surprenant d’ailleurs est le fait de laisser croire qu’un changement de programmes devrait apporter une solution aux difficultés scolaires. Rompre avec les programmes de 2002 et impulser des réorientations brutales n’a fait que déstabiliser les enseignants en leur apportant peu de positif. Curieusement cette argumentation est maintenant utilisée par les auteurs du rapport pour que, en dépit des résultats, on ne touche pas aux programmes de 2008…
Le moment choisi pour faire sortir un rapport aussi accusateur interroge également. La publication le 3 décembre des résultats de PISA devrait envoyer un véritable électrochoc dans l’opinion publique. En faisant sortir ce rapport juste avant on lui désigne des responsables : les enseignants. Et on sanctuarise du même coup les programmes de 2008.
Les préconisations sont choquantes. Les auteurs demandent la mise en place de programmes faciles à comprendre et d’un système d’évaluation centralisé. Faut-il penser qu’ils recommandent une surveillance accrue du travail enseignant ? En tous cas, on connait les défauts du pilotage par l’évaluation qui sévit dans le monde anglo saxon. Il encourage la concurrence et le classement entre les écoles. Il pousse aussi au décrochage les élèves les plus fragiles et réduit l’enseignement aux fondamentaux évalués. Disons le cette solution est trompeuse.
Le rapport heurte aussi par le modèle d’école qu’il sous tend. Certes les inspecteurs ont une obligation de sincérité dans leur rapport. Certes les difficultés et les lacunes qu’ils mettent à jour doivent être connues. Mais ces éclairages viennent bien tard. Le rapport omet complètement la dégradation constante des conditions de travail dans les classes tout au long de ces années. Il oublie aussi le silence qui a entouré au sommet la destruction de la formation continue et même initiale tout au long de ces années.
En réalité on ne sortira pas l’Ecole de l’ornière en dressant les parents contre les enseignants. On ne fera pas progresser le niveau en mettant des tests et de la surveillance partout. Ce dont l’Ecole a besoin ce ne sont pas de programmes. Mais de répondre à la demande de formation des enseignants. De réduire le nombre d’élèves dans les écoles des quartiers populaires. De redonner du pouvoir aux enseignants notamment aux équipes. D’encourager le plaisir à enseigner et à apprendre. Un peu le contraire de ce rapport.
F. Jarraud