Par Marjorie Lévêque
Dans l’actualité : la plus vieille chanson du monde
La BBC a récemment interviewé Armand d’Angour, professeur à l’Université d’Oxford, archéologue de la musique, et qui s’est récemment embarqué dans un drôle de projet financé par la British Academy : ressusciter la musique de la Grèce antique. L’information a été reprise par de nombreux journaux généralistes, souvent pour expliquer, un peu à tort, que l’on venait enfin de « découvrir la musique grecque antique ».
http://www.bbc.co.uk/news/business-24611454
http://www.terrafemina.com/societe/buzz/articles/32709-un-cherch[…]
Cela fait longtemps que les chercheurs connaissent les instruments utilisés à cette époque, et bien sûr, les textes d’Homère, Sophocle, Euripide et d’autres auteurs qui étaient destinés à être des compositions musicales. Mais jusqu’à présent, ils ne savaient pas exactement comment ces compositions devaient sonner. Au mieux, on pouvait surinterpréter, ou essayer d’arranger.
Armand D’Angour, s’est attelé à restaurer et recréer ces sons, à la suite de nouvelles découvertes sur la façon dont les Grecs anciens composaient leur musique. Ces révélations, a-t-il expliqué à la BBC, proviennent d’une «douzaine de documents anciens, qui comportent une notation vocale conçue aux alentours de 450 avant J.C. Celle-ci consiste en une suite de lettres alphabétiques et de signes placés au-dessus des voyelles des mots grecs». En utilisant les nouvelles informations de ces documents collectés au cours des dernières années, le chercheur a tenté de reconstituer la musique telle qu’elle aurait été jouée à l’époque. Il affirme d’ailleurs avoir atteint un résultat sûrement proche à 100 % de l’original.
Vous pouvez écouter David Creese, de l’université de Newcastle, jouer le morceau sur un instrument qui ressemble à une cithare :
https://soundcloud.com/archaeologymag/what-ancient-greek-music
Du texte à l’interprétation
Le document sur lequel s’est appuyé Armand d’Angour pour arriver à cette reconstitution est celui de l’épitaphe dit « de Seikilos », retrouvé près d’Ephèse, en Turquie, en 1883, et conservé au Musée national du Danemark, à Copenhague. Il présente la plus ancienne composition musicale complète jamais trouvée, une chanson grecque qui remonte aux environs du premier siècle avant notre ère, accompagnée d’une partition. Σείκιλος, un homme grec, y exprime son ambition d’offrir par la chanson l’immortalité à celle qu’il aime, Euterpe. Le texte présente des annotations vocales, en cours à partir de 450 avant J.C., qui prennent la forme de lettre alphabétiques ou de signes situées au-dessus des voyelles et permettent ainsi de déterminer les intervalles musicaux.
La page wikipedia consacrée à l’épitaphe présente le texte de la stèle déployé avec le texte antique, une traduction en français, et une autre reconstitution en grec koinè.
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pitaphe_de_Seikilos
Restait à trouver les instruments utilisés, leur accordage, le tempo, à savoir tout ce qui pourrait permettre d’avoir un concert véritablement authentique. Et c’est en se basant notamment sur la connaissance qu’avaient les grecs des mathématiques qu’Armand D’Angour y est parvenu. Ptolemée, aux second siècle après notre ère, a fourni quantité d’écrits dans lequel il catalogue quantité de ratios mathématiques définissant les gammes et les intervalles. Y compris sous des catégories du type: «sonne étranger», ou «sonne comme la musique d’ici». Et l’on se rend compte que les «tempéraments» (écarts entre les notes) employés alors n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, si bien que la musique peut faire penser à certaines mélodies venues d’orient. Avec ces indications, le reste de ses recherches et en construisant lui-même un instrument similaire à une Cithare – instrument caractéristique de la Grèce antique – il est parvenu à interpréter la chanson.
D’autres docteurs ès « reconstitution de la musique antique »
Si l’interprétation d’Armand d’Angour est unique en ce qu’elle reconstitue une chanson ancienne en entier, il ne faut pas oublier que la démarche n’est pas nouvelle. La companie Demodocos, avec à sa tête Philippe Brunet offre régulièrement des récitals de poésie et musique antiques.
Créé en 1990 par Annie Bélis, directrice de recherche au CNRS, à l’Institut de Papyrologie de la Sorbonne, ancienne de l’École Française d’Athènes, et spécialiste de musique grecque antique, l’Ensemble KÉRYLOS se consacre exclusivement à l’interprétation des partitions vocales et instrumentales qui nous sont parvenues de l’Antiquité grecque et romaine. Il a pour vocation spécifique de restituer avec autant d’exactitude que possible un répertoire musical silencieux depuis plus de quinze siècles, magnifique, mais peu ou mal connu du public. Les partitions sont les exactes transcriptions des documents antiques, sans ajout ni fantaisie. Les textes sont chantés en grec dans leurs prononciations originelles. Plus largement, il se consacre à la valorisation du patrimoine musical antique. Ainsi, les instruments utilisés sont des répliques de lyres, de cithares, de vents et de percussions réalisées d’après des modèles antiques, fruits d’un patient et minutieux travail de restitution effectué en étroite collaboration entre Annie Bélis et les luthiers Jean-Claude Condi et Carlos Gonzalez.
Conférence en ligne – Annie Bélis nous fait découvrir, au travers de partitions et d’instruments reconstitués, la musique grecque antique :
http://www.les-ernest.fr/b%C3%A9lis
Quelle musique sous Alexandre le Grand ?
Sciences & Avenir profitait d’ailleurs de la lumière mise sur l’actualité d’Armand d’Angour pour rappeler que l’on connaît, grâce à Annie Bélis, des chants antiques encore plus anciens, datant du 4e siècle avant notre ère, à l’époque d’Alexandre le Grand, où le plus grand compositeur grec « Timothée de Milet» nous a laissé deux œuvres interprétées en janvier 2009 dans les locaux de l’École normale supérieure de Paris.
http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/archeo-paleo/20131112.OBS5[…]
Dans le même ordre d’idée, on pourra relire l’excellent article publié par Thomas Schlesser sur Rue89 :
http://www.rue89.com/2011/11/22/quelle-musique-ecoutait-sous-alex[…]
De manière générale, on tirera des actes du colloque d’Amiens organisé par la CNARELA et qui s’est tenu à Amiens les 25 et 26 octobre 2004, en présence de Jean-Pierre Vernant et avec la participation de l’Ensemble Kérylos sur le thème « Musique et Antiquité », publiés par les Belles Lettres.
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100135300
Séquences pédagogiques consacrées à la musique antique
Si de nombreuses entrées du programme de Langues & Cultures de l’Antiquité au collège et au lycée permettent d’aborder le thème de la musique antique, les exemples d’activités ou séquences tirant profit de ces découvertes archéologiques sont inexistants. Tout au plus, on trouvera des prolongements de civilisation sur le thème de la musique dans l’Antiquité, par le biais de mini-site ou d’exposés en ligne réalisés par des professeurs et/ou les élèves .
Exemple d’étude de Longus, Daphnis et Chloé, IV, 15, suivi d’un prolongement sur la musique grecque antique
http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/spip.php?article6427
La partition de deux hymnes à Apollon ont été retrouvés au XIX ème siècle sur une pierre des murs du temple d’Apollon, et sont actuellement exposées au musée archéologique de Delphes. L’hymne d’Athénaios est entièrement traduite et documentée sur le site de Claire Tuan :
http://lespierresquiparlent.free.fr/hymneAthenaios.html
Découverte par des hellénistes débutants de la poésie grecque chantée (Mireille de Biasi, Collège Trémonteix, Clermont-Ferrand)
http://www.clg-tremonteix-clermont-ferrand.ac-clermont.fr/sitemus[…]
De manière générale, on tirera des actes du colloque d’Amiens organisé par la CNARELA et qui s’est tenu à Amiens les 25 et 26 octobre 2004, en présence de Jean-Pierre Vernant et avec la participation de l’Ensemble Kérylos sur le thème « Musique et Antiquité », publiés par les Belles Lettres, notamment à travers le récit d’une expérience d’utilisation de la musique comme instrument pédagogique au cours de latin dans un collège picard.
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100135300
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