A vrai dire il n’a jamais été question en l’occurrence des »enseignants » dans leur ensemble, mais uniquement des professeurs du secondaire. Et, à l’origine, cet ensemble de décrets n’a nullement été considéré comme un »statut », mais comme une simple mise en ordre.
Il s’agissait notamment de mettre fin à des pratiques diverses au sein des collèges et lycées (en particulier pour les »décharges »). D’où l’extrême précision des réductions (ou augmentations) de l’horaire hebdomadaire de base selon les effectifs des classes et/ou les niveaux du cursus dans ces décrets du 25 mai 1950. Ils ne prennent en compte que les horaires d’enseignement pour fixer les maxima de services des professeurs. Ces maxima »de base » sont fixés à 15 heures hebdomadaires pour les agrégés (dans la continuité d’un mouvement de stabilisation où les horaires des agrégés avaient convergé dès 1892 vers les 15 H d’enseignement hebdomadaire – 14 H à Paris ). Et 18 H pour les autres, conformément aux 18 H d’enseignement hebdomadaire dévolus en principe aux professeurs de collèges communaux dès 1932 (on peut rappeler que la création du CAPES est contemporaine de ces décrets, puisqu’elle date du 1er avril 1950).
Fin 1986, un groupe d’experts de la commission sur l’éducation du PS en liaison avec la direction de la FEN s’oriente vers l’aggiornamento suivant : en échange d’une revalorisation des salaires, la FEN soutiendrait fermement une redéfinition des missions des enseignants, de façon à y intégrer en particulier des tâches d’accompagnement pédagogique et de tutorat. La revalorisation est explicitement liée à la prise en compte d’objectifs nouveaux tels que « la composition de véritables équipes pédagogiques par des enseignants travaillant plus collectivement ». De son côté, la direction de la FEN place son congrès de La Rochelle sous le mot d’ordre « travailler autrement ». Mais Lionel Jospin, qui devient ministre de l’Éducation nationale en 1988, ne reprend pas à son compte cette démarche, et met en œuvre la revalorisation sans contrepartie obligée. Selon son directeur de cabinet Olivier Schrameck, Lionel Jospin considérait qu’il fallait d’abord « prendre appui sur un geste de confiance à l’égard des enseignants pour promouvoir une pédagogie nouvelle ». Rien n’est alors réglé en la matière.
En 1998, le comité d’organisation de la consultation sur les lycées dirigée par Philippe Meirieu propose pour les certifiés une formule dite « 15+4 » (15 H d’enseignement et 4 H d’activités pédagogiques choisies par chaque enseignant ). Le cabinet du ministre Claude Allègre impose de placer le curseur à « 15+3 ». Et, pour que cette proposition ne se traduise pas mécaniquement par l’embauche de professeurs, le cabinet la lie à une réduction, parallèle, de l’horaire lycéen, fixé à 26 H de cours au lieu d’une trentaine ( cette diminution, pour les lycéens, de l’horaire de cours, devant s’accompagner d’une « augmentation de leur temps d’activités encadrées » ). Mais Claude Allègre était déjà en mauvaise posture. Et cela n’alla pas plus loin.
En octobre 2004, le rapport de la »commission Thélot indique que « de nombreux enseignants suivent leurs élèves de manière plus individualisée, participent à des évaluations collectives, travaillent en équipe, construisent des relations régulières avec les parents de leurs élèves et divers partenaires éducatifs, assurent des remplacements et se forment. Ces missions sont souvent mal reconnues. Aussi la Commission propose-t-elle que le cadre national de la définition d’un professeur de lycée et collège soit clarifié et qu’à côté du service d’enseignement, les missions relevées ci-dessus soient réglementairement inscrites et reconnues. Cette proposition devrait se traduire par un allongement du temps de présence des enseignants du second degré dans les établissements, par exemple de quatre à huit heures par semaine, à prendre en compte dans leur rémunération ; parce qu’elle transforme la définition du service des enseignants, tout en s’inscrivant dans le prolongement de pratiques existantes mais disséminées, cette proposition s’appliquerait à tous les jeunes recrutés et serait proposée au choix des autres PLC » ( les mises en caractères gras sont celles du texte du rapport d’octobre 2004 de la Commission )
Mais l’intervention du ministre de l’Education nationale François Fillon à l’Assemblée nationale le 16 février 2005 sonne à nouveau le glas d’un aggiornamento possible : « La Commission a suggéré de faire évoluer le métier de professeur en prévoyant que trois heures à six heures [sic] par semaine soient consacrées à l’accompagnement des élèves. Mais l’article 912-1 du code de l’éducation, issu de la loi d’orientation de 1989, inclut déjà ces missions dans celles des enseignants ; et il est ressorti des discussions avec les syndicats que le temps d’enseignement serait inévitablement amputé par cette tâche. Enfin, il est délicat de quantifier cette partie du métier d’enseignant auquel beaucoup consacrent déjà bien plus de trois heures par semaine »
Et l’on en était resté là, sans bruits et sans murmures. Et sans intervention de Benoît Apparu.
Claude Lelièvre
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