La réforme des rythmes scolaires n’a pas fini d’occuper Vincent Peillon. Le 21 novembre, devant plusieurs milliers de maires, il a défendu avec un certain succès sa réforme. On avait annoncé une bronca des maires contre lui. Les élus ont fait entendre leurs revendications. Mais ils ont été sensibles aux explications du ministre. V. Peillon a promis de mettre 300 fonctionnaires à leur service pour les aider dans la mise en place des nouveaux rythmes. Mais sitôt cet obstacle sauté, c’est du coté des enseignants que de nouvelles difficultés arrivent avec une grève nationale du primaire le 5 décembre.
Les critiques des maires
« J’espère que vous trouverez la souplesse nécessaire ». En ouvrant l’atelier du congrès des maires, devant une assemblée unique de plusieurs milliers d’élus, Jacques Pélissard, président de l’association des maires de France, a mis l’accent sur ce qui allait être le problème principal de la matinée coté élus : le financement de la mise en place des nouveaux rythmes.
Des maires de communes bien différentes se succèdent pour porter leurs plaintes ou au contraire leur projet. Le maire de Montcornet, une commune des Ardennes, Régis Depaix, a estimé à 600 euros la dépense moyenne par élève . Un autre à 275 euros. « Pour quel objectif ? », demande le premier. Et de souligner qu’il aimerait « qu’il y ait davantage de stabilité dans l’éducation nationale »… Chaque maire a son histoire à raconter, celle de sa commune, d’une situation concrète bouleversée par les nouveaux rythmes. Un maire de Corrèze est vivement applaudi quand il explique pourquoi « le rural profond est oublié ». Dans sa commune les activités et les changements de rythmes se traduisent en besoins de transports. Tout est loin, couteux et incompatible avec les horaires officiels. Un maire de Gironde craint que sa commune n’arrive pas à offrir des activités attirantes et que les parents mettent leurs enfants ailleurs. C’est la survie de l’école au village qui est en jeu et le principe d’égalité entre les territoires. Un maire breton est plus direct : « entre les professionnels qui demandent le samedi matin et les parents qui préfèrent le mercredi, à quelques mois des élections, qui dois-je suivre ? » Les critiques portent surtout sur le financement. Ensuite sur les difficultés de trouver des animateurs, des transports, la crainte de creuser des inégalités entre les communes. Des maires interviennent aussi pour expliquer pourquoi ils se sont investis dans la réforme, comme le maire de Belfort.
300 fonctionnaires au service des maires
« On est obligé de faire en sorte que le déclin scolaire s’inverse », explique Vincent Peillon. Sur l’objectif, le ministre est convaincu qu’avec la réforme « on gagne 25% de temps scolaire. Tous ceux qui aiment l’Ecole savent qu’on a besoin de ce temps ». Le sacrifice de temps ce sont les enseignants qui le font souligne V Peillon. « J’ai demandé aux enseignants de revenir une demi journée de plus. La demande des enseignants c’était un temps uniforme . On a bougé cela». Le ministre assume le principe de co-éducation et le met en avant. « Maintenant, les collectivités locales déterminent avec les Dasen le nouveau temps scolaire. On est dans la coéducation ».Il résume : « le mercredi et le samedi, c’est votre choix ».
Il écarte aussi les inégalités. « La Nation prend en charge tous ses enfants. On multiplie par quatre le nombre de jeunes qui bénéficient des activités. Comment penser qu’on augmente les inégalités. Il y a peu d’arguments pour dire que ça va créer plus d’inégalités ».
Restent les difficultés techniques de mise en place . V Peillon promet de mettre à la disposition des maires 300 fonctionnaires pour les aider à trouver des solutions. Il rappelle le civisme des élus et la nécessité républicaine de la réforme de l’Ecole. Et il se fait applaudir.
La dernière table ronde réunit maires, ministres et représentant de la CNAF. Autant dire qu’il est question du financement. X. Bertrand, un élu UMP, conteste le droit de l’Etat à imposer une dépense aux communes et donc l’application de la réforme. Mais l’attention des maires se porte surtout sur la Cnaf. Ils en attendent une hausse de sa participation. Ils ne l’obtiendront pas. « Mon budget n’est pas extensible », répète avec obstination son président. La victoire des élus c’est la qualité du dialogue avec l’exécutif. Une victoire partagée avec le ministre.
L’appel à la grève du Snuipp
Mais déjà un autre conflit surgit. Le matin du 21 novembre, le Snuipp a annoncé une grève nationale pour le 5 décembre contre les nouveaux rythmes. Le premier syndicat du primaire est rejoint par Sud, la Cgt et FO. « Depuis que nous sommes arrivés, nous recréons des postes, pour l’accueil des moins de trois ans, pour le plus de maîtres que de classes et puis dans les écoles, c’est plusieurs centaines et milliers de postes à cette rentrée avec des ouvertures de classes. Les taux d’encadrement après des années très difficiles baissent. Nous avons mis en place une formation continue, nous avons remis en place la formation initiale, nous avons souhaité que les professeurs des écoles, qui font un travail extraordinaire avec un grand dévouement, aient une indemnité qu’ils réclamaient depuis 15 ans, c’est fait », rappelle le ministre. Pour la première fois il prend à parti un syndicat. « Je trouve que ce n’est pas juste, je trouve qu’à un moment il faut faire attention… Je sais que j’ai demandé aux enseignants beaucoup avec la réforme du temps scolaire. Mais le Snuipp était pour. Alors je veux réconcilier l’école et la Nation, et j’ai besoin aussi de l’aide des professeurs… Ce mouvement n’est pas juste. Et je dis aux enseignants, faisons attention, oeuvrons ensemble ».
François Jarraud