Par Didier Missenard et Laure Étevez
De l’usage des tablettes en mathématiques : une grande interview d’une utilisatrice pionnière. Et des nouvelles de MathFLE, toujours actif.
Des tablettes en mathématiques : un outil pour travailler en coopération
Depuis la rentrée, le collège Leonard de Vinci de Saint-Brieuc expérimente l’utilisation de tablettes en classe, notamment en français, en mathématiques, en technologie et en SEGPA. Qu’est-ce que ce nouvel outil apporte aux mathématiques ? Comment et pourquoi aborder les notions du programme avec des tablettes ? Agnès GIANNANTONI, professeur de mathématiques nous fait part de son expérience.
Agnès GIANNANTONI expérimente les tablettes dans ses cours depuis la rentrée de septembre. Elle a menée quelques activités dans différentes classes avec des objectifs et des résultats distincts.
Avec sa classe européenne, elle a travaillé en extérieur sur la notion de lieu : les élèves devaient s’assoir à la même distance d’un cône ou des deux côtés d’un angle formé par une corde. Ils devaient ensuite rendre compte de leur conclusion sur la tablette sous la forme d’une BD puis d’un exposé utilisant les photos prises et les figures à main levée dessinées dans la cour.
En Troisième, elle a mené des travaux de groupe (par exemple autour des statistiques). Les tablettes permettaient alors une grande interactivité.
En sixième, l’activité choisie porte sur les figures téléphonées.
Depuis la rentrée, vous expérimentez l’utilisation de tablettes en cours de mathématiques. À quelle fréquence utilisez-vous ce support ? Y a-t-il des notions ou des grands thèmes qui s’y prêtent mieux que d’autres ? Qu’est-ce que ce nouvel outil apporte à vos cours ? Quels en sont les avantages ?
Les expérimentations ont commencé plus précisément en fin d’année dernière dans le cadre du projet « Collèges Connectés ». Elles restent pour le moment assez ponctuelles puisque le déploiement de l’ensemble des tablettes est en cours de réalisation. Il s’agissait donc d’explorer le potentiel pédagogique des tablettes pour les mathématiques sur quelques séances afin d’en déterminer les atouts, les inconvénients, mais également de déterminer les applications utiles ou intéressantes. D’une part, pour ces dernières, peu étaient exploitables sur un plan mathématique pur, d’autre part elles n’intégraient pas dans leurs usages la philosophie de notre projet. En effet, notre principale idée au sein du collège Léonard de Vinci était d’éviter une course à l’armement se concluant par un équipement individuel des élèves. Une telle logique conduit trop souvent à un usage « consumériste » d’applications toutes faites et ne modifie pas sur le fond les pratiques pédagogiques. Aussi, dès lors que nous avions choisi de travailler par classe avec des flottes de sept tablettes, il m’est apparu intéressant d’utiliser les tablettes dans des séquences axées sur le travail de groupes en détournant des applications relativement communes à des fins pédagogiques.
C’est essentiellement dans ce cadre de rendus de travaux de groupes que j’ai travaillé dans un premier temps. La tablette permet en effet de projeter des travaux d’élèves, de les comparer (on peut projeter plusieurs tablettes en simultané), mais elle peut aussi tout simplement servir de visionneuse…
Par ailleurs, très vite, en Euro Maths-Anglais, la tablette est apparue comme un outil intéressant, illustrant la dimension transdisciplinaire de la section. Avec un même objet, mobile de surcroît, souple, facile à prendre en main, on pouvait travailler et traiter des supports divers (image, audio, vidéo, traitement de texte, dessin…) en couvrant des compétences variées en Anglais (compréhensions et expressions orales et écrites) et en Mathématiques autour de la notion de lieux géométriques…
L’expérimentation autour des figures téléphonées en Sixième a prolongé cette réflexion autour de l’usage d’un outil multifonction. Après un premier travail sur les figures téléphonées plus classique et par écrit, il s’agissait par exemple pour les élèves en difficulté à l’écrit de remédier à cet obstacle grâce à une application de retranscription orale. Ils enregistraient le programme de construction. La retranscription n’usant pas des notations mathématiques convenables, les élèves devaient retravailler le texte pour le mettre en forme. La tablette permettait dans ce cadre de manipuler rapidement un logiciel de géométrie dynamique, de capture audio et de traitement de texte afin de travailler à l’acquisition des notations mathématiques, la compréhension des éléments géométriques et le passage d’une figure « figée » sur papier à une plus abstraite et mobile…
Quand le déploiement sera effectif, l’usage des tablettes pourra être quotidien pour :
– rendre compte de travaux de groupes : chaque ilot peut en effet prendre la main, projeter son travail et donner lieu ainsi aux échanges ;
– visionner et comparer des productions d’élèves : plusieurs tablettes peuvent être projetées en simultanée ;
– accéder rapidement à « Geogebra » par exemple sans avoir à réserver la salle numérique équipée difficile d’accès et n’utiliser le logiciel de géométrie dynamique que pendant une quinzaine de minutes pour émettre une conjecture et introduire un théorème, etc.
Par exemple sur la leçon de Sixième sur les figures téléphonées, quels avantages par rapport à l’ordinateur ?
L’utilisation de supports variés pour la tâche finale (création d’une BD par exemple) a-t-elle eu une influence sur l’investissement des élèves ? Y a-t-il des inconvénients notables à l’utilisation des tablettes en cours de mathématiques ?
Comme je l’ai souligné auparavant, la grande souplesse d’utilisation des tablettes, la richesse des supports qu’elles traitent sans prise en main fastidieuse sont des atouts essentiels face à des ordinateurs souvent fixes, cantonnés à des salles numériques difficiles d’accès.
Par ailleurs, comme j’ai pu le constater avec mes Sixièmes cette année, une vraie bascule s’opère dans les familles. Il faudra peu de temps à mon avis pour que dans les foyers, la tablette se substitue à l’ordinateur, lorsqu’il est présent. Outre leur intérêt pour la nouveauté et l’investissement qui en découle, les élèves ont une grande agilité et une compréhension intuitive de l’objet. Très vite, ils étaient plus avertis que moi sur l’usage de certaines applications. C’était en particulier vrai en Quatrième Euro avec le travail sur la BD. Ils manipulaient l’application plus rapidement et efficacement que moi. Cela transforme donc le rapport à l’enseignant : j’étais une vraie ressource pour eux sur un plan mathématique, mais ils pouvaient aussi être à leur tour des aides, des guides. M. Martin, collègue de Français, a ainsi fait faire des tutoriels par les élèves pour des enseignants…
Toutefois, pour en revenir à l’ordinateur et la tablette, je crois que nous aurions tort de les opposer. Ces deux outils en mathématiques sont complémentaires. La tablette ne se substituera pas avant quelques temps à l’ordinateur en mathématiques. Par exemple, la version « GeoGebra tablette » est très sommaire. Cela est un atout pour les « petites classes », mais en 4ème ou 3ème par exemple, l’absence de grapheur et de tableur appauvrit considérablement le support. Par ailleurs, l’étroitesse de l’écran ou des espaces de texte pour certaines applications, la difficulté d’écrire avec des notations mathématiques, la récupération des travaux sont autant de freins qu’il faudra lever peu à peu…
Les séances utilisant les tablettes vous ont-elles demandés beaucoup plus de travail de préparation que les séances habituelles ? Est-ce que le bénéfice pour les élèves compense l’éventuelle surcharge de travail pour vous
Comme tout nouvel outil, il faut du temps pour se l’approprier, en mesurer les bénéfices. Mais le cœur de la réflexion reste la pédagogie. En cela le temps « perdu » est un temps qui enrichit nos pratiques et se récupère par la suite.
En outre, dans toutes les expérimentations que j’ai menées, il y a des éléments à repenser, à modifier, mais une chose m’a enthousiasmée : les élèves sont toujours restés en activité, motivés…
Toutefois, il ne faut pas négliger l’aspect technique (configuration, déploiement des tablettes…). Ce dernier dans mon cas a été supervisé par mes collègues M. Riou (en technologie) et M. Martin (Français) formateurs TICE qui ont défriché et continuent de le faire apportant des solutions à chacun de mes problèmes, des propositions à mes interrogations, m’accompagnant en bi-animation dans mes expérimentations. Ma place est fort confortable dans ce contexte : je n’ai plus qu’à me concentrer sur mes séquences…
En cela et pour conclure, ces expérimentations n’ont de sens que si elles s’inscrivent dans un projet d’équipe, une dynamique d’établissement avec une vraie vision à long terme où la réflexion sur l’usage du numérique reste centrée sur le pédagogique.
(Interview : Laure Etevez)
Math FLE
Déjà évoqué en 2007 dans ces pages, nous revenons vers le site MathFLE, qui est l’un des rares à proposer une mutualisation de ressources pour l’enseignement en français langue étrangère. Il s’adresse donc aux enseignants qui officient en classes d’accueil. Le site a bien évolué depuis que nous en avions parlé : nouvelle maquette, nouvel hébergeur, mais il a surtout fédéré des rédacteurs qui viennent maintenant épauler son auteur initial, Paul Byache.
Ce site est précieux, pour les enseignants de classe d’accueil, mais aussi pour les personnes qui se sont impliquées dans l’alphabétisation et la « numéralisation » (audacieux néologisme pour « alphabétisation numérique » i.e. action contre l’innumeracy, traduit innumérisme, parfois, en français, mais dont je ne connais pas d’antonyme) des populations néo-arrivant en France, et son audience en témoigne, puisqu’il est vu par une centaine de visiteurs chaque jour.
Paul Byache a bien décrit la prise en charge des élèves non francophones et son utile site dans un article de janvier 2013 publié dans la revue Repères-Irems.
http://mathfle.web4me.fr/IMG/pdf/reperesirem-90-_65-80_.pdf
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