Réagissant à la multiplication des appels à la grève, Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, juge le mouvement trop peu lisible. Il appelle le ministre à parler aux enseignants et à recadrer la hiérarchie…
Le Se-Unsa n’appelle pas à la grève ni le 13 ni le 14 novembre. Pourquoi ?
Le Se-Unsa a signé l’Appel de Bobigny, comme les autres syndicats. On est favorable aux 4 jours et demi de classe. Mais on ne nie pas les difficultés des enseignants avec certains élus qui ne font aucun effort pour que ça se passe bien, qui ne négocient rien. Et puis il y a des craintes dans les communes où les nouveaux rythmes ne sont pas appliqués. La grogne sur le terrain va au-delà de la question des rythmes. Un an et demi après l’alternance politique, les collègues ne perçoivent pas de changement dans leurs conditions de travail. Les injonctions administratives, le caporalisme sont toujours là. Par exemple, la journée de rattrapage du 13 novembre n’est pas comprise par les enseignants. Face à cela il y a plusieurs appels, le 12, le 13 puis le 14. On peut dire que les mots d’ordre sont peu lisibles. C’est un mouvement fourre tout. On ne s’y associe pas.
Ne risque-t-il pas d’être majoritaire ?
Il y a trop de dispersion sur plusieurs journées et ni le Snuipp, ni nous n’appelons. On n’est probablement pas face à une vague mais à une diversité de situations locales.
Les enseignants se plaignent d’une certaine dépossession de leur école. Ne faudrait-il pas fixer des règles de vie strictes à propos des rythmes ?
C’est au Dasen d’imposer des règles de vie. Ils sont face à des élus communaux ou départementaux qui font des choix politiques. Certains instrumentalisent les rythmes. On voit d’ailleurs une alliance se nouer entre les courants conservateurs sur le plan scolaire et l’UMP. Il n’y a qu’à regarder Paris…
Alors oui il y a un cadrage à faire. Mais c’est aussi aux enseignants de se faire entendre. Le décret permet de la souplesse. On voit bien que dans les communes où un vrai dialogue s’est installé tout se passe bien même si c’est un vrai changement culturel pour l’école. Par exemple, à propos de l’utilisation des salles de classe : une salle de classe c’est quelque chose d’intime où se crée le lien entre le maître et l’élève. Souvent le professeur affiche les travaux des élèves. Il n’a pas envie que ça devienne chaotique. Quand il y a un vrai dialogue avec la municipalité, on trouve les arrangements pour que les salles soient rendues propres et rangées.
Pour le moment les enseignants ont besoin de confiance. Ils ont besoin de temps, de sens dans ce qu’ils font et de reconnaissance.
Que doit faire le ministre ?
Il doit faire ce qu’il ne fait plus depuis la rentrée : parler aux enseignants et non à l’opinion publique en général. Ce lien direct est fondamental or il s’est distendu. Il faut aussi que l’appareil de l’Education nationale se mette en marche et que les pratiques hiérarchiques cessent. Il y a trop d’endroits où les enseignants sont bombardés de tableaux à remplir ou encore où on leur demande de justifier le détail d’heures qui sont devenues officiellement forfaitaires. Ce n’est pas une exigence ministérielle mais des pratiques locales de Dasen.
On s’attend à de très mauvais résultats aux évaluations PISA. Les nouveaux rythmes permettront-ils de redresser la situation ?
C’est un levier. Mais seul il n’est pas suffisant. Il y a aussi la formation des enseignants, la révision des programmes. Ce qui plombe nos résultats dans PISA ce sont les 150 000 jeunes en difficulté. C’est le traitement de la difficulté scolaire. Les nouveaux rythmes ce n’est pas assez mais apprendre les fondamentaux sur 5 matinées au lieu de 4 c’est mieux.
Vous allez vous associer à la grève unitaire proposée par le Snuipp ?
Pour le moment nous ne sommes pas sollicités. Pour nous il faut attendre les propositions du ministre sur le métier enseignant. On ne va pas faire une grève préventive.
Propos recueillis par François Jarraud