Quelle place pour la culture sportive à l’école ? Pour Stéphane Diagana, champion du monde d’athlétisme, le sport permet à la fois de soigner son corps et de se forger moralement. Deux messages qu’il est venu porter devant les enseignants de l’Université d’automne du Snuipp.
Utiliser l’éducation pour transformer les habitudes
Lorsqu’on lui pose la question de savoir ce qu’il pense des façons de procéder en France sur le plan éducatif dans les activités éducatives sportives, Stéphane Diagana évoque son expérience croisée de sportif de haut niveau et de père de famille. Père de trois enfants, il observe qu’à l’école, en termes de volume, ce qui est proposé n’est pas si mal. Le problème, c’est plutôt de savoir ce qui s’y fait et comment… C’est aussi après l’école que selon lui, les choses se gâtent : il a travaillé sur un rapport « sport et université » et a fait le constat que plus on avance dans la vie active, moins on est actif ! Les études épidémiologiques ont montré que les étudiants n’avaient plus le temps de pratiquer et souffraient de trop de pression. Plus tard, c’est encore pire, le sport a trop tendance à disparaître et les métiers et modes de vie et de déplacements sont devenus sédentaires. Pour lui, il devient donc essentiel d’aménager des temps de libres nécessaires à la pratique du sport (mais aussi les modalités de pratiques) et de réinterroger notre rapport au corps. L’école a dès lors un rôle de prévention et d’accompagnement des pratiques, elle se doit de donner le goût de l’activité physique mais aussi d’éduquer a une certaines hygiène de vie.
Transmettre les valeurs du sport a l’école
L’école est aussi là pour transmettre les valeurs du sport. C’est parfois difficile dans la mesure où dès le plus jeune âge, les enfants sont exposés à la connaissance des problèmes de dopage, de tricherie ou de gros sous. Le sport est un outil, tout dépend de ce qu’on en fait. Il y a des dérives dans le sport. Mais la responsabilité n’est pas sur le sport : c’est une faillite de l’encadrement, des éducateurs,… C’est un outil. On peut élever les gens et éduquer des personnes pour avoir le bon comportement, que ça se passe bien ou mal, vis-à-vis de soi-même ou vis-à-vis des autres. Ainsi, pour Diagana, la notion de dépassement de soi est-elle primordiale dans la vie : on le fait en classe, le terrain est aussi un lieu pour cela. Victoire ou échec : peu importe ! Et de commenter, amusé : « le sport m’a appris à être heureux 4ème et malheureux 3éme ! ». Le terme de « compétition » est un mot problématique à l’école. Comme le précise le champion, sous prétexte de « compétition », on peut « dresser des fauves ». Ce qu’il faut, c’est encadrer la pratique… Apprendre à se dépasser individuellement ou collectivement, à partager, dans un encadrement responsable. Et c’est cela qui crée de l’humanité.
Apporter de l’aide aux enfants en difficultés en sport
Qui dit compétition ou sport dit perdant ? Comment ne pas « dégoûter » les élèves qui perdent tout le temps dans nos classes ? Pour ne pas les éloigner du sport ? C’est aussi l’une des questions à laquelle Stéphane Diagana a tenté de répondre durant la conférence. Et pour aborder ce thème, il évoque à l’inverse les sportifs qui « perdaient » constamment à l’école, qui avaient de mauvais résultats, de mauvais bulletins mais qui ont fini par dépasser les obstacles pour se construire et se révéler sur un terrain. Pour les élèves en difficultés en sport, l’essentiel reste de réussir à les valoriser, à un moment ou à un autre, à les aider à prendre ou reprendre confiance en soi grâce à un domaine dans lequel ils sont en réussite. De plus, le sport est un lieu de rencontre, de mixité et de brassage social qui fait que l’enfant pourra quand même trouver du plaisir à être avec les autres, à participer, à jouer… Il explique que la pratique associative à un taux de fidélisation important car on a aussi du plaisir à y retrouver un tel ou un tel ! Dans la vie, on défend des valeurs, on choisit des personnes de la famille ou des personnes du milieu professionnel avec qui on a envie de rester. C’est pareil pour les enfants à l’école : ils ne sont pas obligés de jouer à la récréation avec des enfants qu’ils apprécient moins. Mais dans le sport, on est obligé de faire avec toute la diversité, on est obligé de faire ensemble avec des gens différents, des caractères différents qui ne pensent pas comme nous. Et ça, c’est ce qui prépare au monde de l’entreprise !
Ainsi, le sport permet-il de transcender les différences sociales, les différences d’âge ou les différences de sexe. L’école est le transmetteur de ces différences et prépare ainsi d’une part à la prévention et la préservation de la santé, d’autre part à la « compétition » du monde du travail et de la société. Cela ne peut se faire sans donner une véritable culture sportive à l’école, ce qui pour l’instant est difficile du fait des équipements sportifs de faible qualité, voire absents et du manque d’intervenants.
Alexandra Mazzilli