C’est une nouvelle mauvaise nouvelle pour les responsables éducatifs qu’ils vont partager, pour une fois, avec les dirigeants économiques et politiques. Selon le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes » (PIAAC) réalisé par l’OCDE, la France obtient de très mauvais résultats. Sur les 24 pas participant à l’évaluation, seulement deux, nos voisins italiens et espagnols, font plus mal que nous. Il y a quand même une bonne nouvelle : l’enquête montre que les jeunes sont nettement meilleurs que les vieux. De nets progrès ont donc été réalisés même si le résultat final n’est pas glorieux.
L’enquête PAAC évalue la littératie, c’est à dire la capacité de comprendre et de réagir de façon appropriée aux textes écrits, la numératie, c’est à dire la capacité d’utiliser des concepts mathématiques ainsi que la capacité des adultes à résoudre des problèmes dans des environnements à forte composante technologique (voir l’article de JM Le Baut publié ce même jour). 24 pays ont participé à l’enquête , même si certains, comme la France, n’ont pas suivi toute l’enquête. Ainsi la France est en retard pour les questions portant sur la dimension citoyenne de l’étude.
Des résultats globaux nettement inférieurs
Seuls 8% des Français se situent dans les niveaux 4 et 5 les plus élevés de compétence en littératie et 34% au niveau 3 ce qui est en dessous de la moyenne OCDE : 12 et 38%. En numératie, 8% des Français sont au niveau les plus hauts et 29% au niveau 3 contre 12 et 34% pour la moyenne. Le pourcentage d’adultes français obtenant de faible scores en littératie (niveau 1à est l’une des plus importantes des pays participants : 22% contre 15% pour la moyenne OCDE. En numératie c’est la même chose : 28% contre 19%.
Les jeunes sont plus compétents que les vieux
Par contre la France fait partie des pays où les écarts entre générations sont les plus forts. Le score moyen des 16-24 ans est à 275 quand celui des 55-64 ans est à 243. Dans un pays qui a glorifié l’époque du certificat d’étude, la preuve est faite que le niveau des jeunes est meilleur que celui des plus âgés. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. Ainsi au Royaume Uni il n’y a pas de différence entre les générations. Les vieux britanniques sont meilleurs que les notres mais pas les jeunes (indice 263). Aux Etats-Unis les progrès entre générations sont faibles mais on part de plus haut (260 – 273). En Corée du sud par contre les progrès sont plus nets : 240 pour les vieilles générations, 295 pour les jeunes.
Des résultats liés aux inégalités de la société française
On retrouve dans PIAAC des traits marquants de PISA. Le niveau dépend davantage en France qu’ailleurs du niveau de formation des adultes et de leurs parents. Les adulte qui n’ont pas terminé l’enseignement secondaire sont nettement plus faibles que les autres. Les enfants de couples ayant un fort bagage scolaire nettement plus forts. Les résultats des Français dont au moins un parent a fait des études supérieures se situent dans la moyenne OCDE.
Enfin il y a la marquage de l’immigration. En France, plus qu’ailleurs, le niveau des individus nés à l’étranger est nettement plus faible que celui des natifs. La progression avec la durée de résidence dans le pays est plus faible qu’ailleurs. L’intégration semble plus mal fonctionner qu’ailleurs.
Un intérêt inégal selon les compétences
Enfin la France accorde une importance variable aux différentes compétences. Les compétences en TIC et en littératie sont peu demandées dans le cadre professionnel français. Le salarié français utilise plus que les autres ses compétences en écriture et numératie, par contre beaucoup moins celles en compréhension de texte et en utilisation des TIC. Pour celles-ci on est derniers des 24 pays.
Comment expliquer le retard français ?
Ces résultats portant sur les adultes font écho à ceux de Pisa, l’enquête portant sur les jeunes âgés de 15 ans. Evidemment, dans ces mauvais résultats, la formation initiale a sa part. Les adultes français, comme les jeunes, ont la tête bien pleine de connaissances mais ne savent pas les utiliser hors contexte scolaire. Or ce sont les compétences et non les connaissances que ces tests évaluent. Il y a là un problème de qualité de la formation, pour reprendre une formule de Stefano Scarpetta, chef de la division de l’analyse et des politiques de l’emploi à l’OCDE.
Mais PIAAC montre que cela continue après l’école. PIAC interroge les entreprises sur la façon dont elles utilisent les compétences. La France a un des plus fort taux d’adultes surqualifiés par rapport à leur emploi. Ainsi les jeunes, plus qualifiés que leurs ainés, sont plus qu’eux au chômage ou sur des CDD où on fait peu appel à leurs compétences. La structuration de l’économie française, avec beaucoup de PME, joue aussi contre une utilisation maximale des compétences. Mais PIAAC interroge bien sur la formation continue en France. Elle n’arrive pas à maintenir les compétences acquises et à développer celles des adultes. L’écart est frappant avec l’Allemagne où l’écart entre jeunes et vieux est moins important qu’en France. Mais en Allemagne la promotion interne via la formation continue fonctionne. Il devient urgent, selon l’OCDE, d’aider les PME a investir dans les TIC et la formation et à trouver des moyens pour valider et certifier les compétences acquises dans la vie professionnelle.
Quel avenir pour la jeunesse ?
La dernière dimension de PIAAC c’est ce qu’elle nous dit pour la jeunesse. Les hauts niveaux de qualification baignent dans une économie mondialisée. Pour les 14 pays, 13 millions de jeunes ont un très bon niveau de compétences. Parmi eux 5% de Français. L’économie française est-elle prête à leur donner les moyens d’utiliser pleinement leurs compétences ?
François Jarraud