L’avenir des Rased repose la question de l’aide aux élèves en difficultés. Le ministère sait-il vraiment ce qu’il veut faire des Rased et quel type d’aide il souhaite offrir aux élèves ? Sur les 5 dernières années il a multiplié les dispositifs sans voir vraiment convaincu. Le risque de la sous-traitance extérieure à l’éducation nationale existe. Quelle choix fera Vincent Peillon ?
Quelle efficacité des dispositifs Darcos ?
Publié seulement en juin 2012, après l’alternance politique, un rapport de l’Inspection générale d’octobre 2010 (Viviane Bouysse, Ghislaine Desbuissons et Jean Vogler) a fait le point sur l’efficacité toute relative des dispositifs d’aide mis en place par Xavier Darcos. En 2010, l’ aide est introduite massivement mais hors circuits spécialisés. A l’école élémentaire un écolier sur trois y prend part. Dès l’école maternelle, un enfant sur 5 suit une aide individualisée et cela dès la petite section… A l’école l’aide personnalisée introduite en 2008 s’ajoute aux programme personnalisés (PPRE). Au collège, l’accompagnement éducatif est généralisé. Au lycée, en 2010 c’est encore l’époque des modules et de l’aide individualisée. Depuis 2010, a été introduit l’accompagnement personnalisé.
Pour les inspecteurs, le bilan de ces aides laisse beaucoup à désirer. Au primaire, ils relèvent que » pour l’aide personnalisée, le caractère uniforme des moyens consacrés (deux heures hebdomadaires dans toutes les écoles) induit des inégalités de traitement significatives : des élèves légèrement en difficulté bénéficient dans certaines écoles d’une aide lourde alors qu’ailleurs des élèves ayant des difficultés avérées reçoivent une aide légère et discontinue. Les élèves les plus en difficulté – surtout au cycle 3 – sont peu pris en charge au motif que les formats d’aide sont plus efficaces pour d’autres ». L’offre est inadaptée aux besoins. « La professionnalisation des maîtres n’est pas à la hauteur des besoins induits par les dispositifs nouveaux : les enseignants doivent être formés pour enrichir les modalités de la prise en charge des élèves (contenus, stratégies, attitude aidante) ». L’aide est perçue comme externe à l’enseignement. » Le plus souvent, l’accompagnement éducatif n’est pas véritablement considéré par les enseignants comme une « aide » aux élèves ». Seuls les maitres des Rased se soucient d’une véritable individualisation. Le constat est guère différent au lycée. » L’expérience de plus de dix ans des modules et de l’aide individualisée ne semble pas avoir eu d’effets significatifs sur les pratiques des professeurs, démunis sur les stratégies et démarches d’aide aux élèves… Il y a peu de travail réel sur les mécanismes d’apprentissage des élèves ».
Changer le système ?
Ce rapport de 2010 recommande déjà de changer la forme d’aide. » Les inspecteurs généraux ont souvent observé que, pour bien des acteurs rencontrés, ces dispositifs, ne serait-ce que par cette dénomination même, sont perçus comme des moments spécifiques qui se situent à côté ou en plus du temps ordinaire d’enseignement. Les enseignants y chercheraient à agir différemment, dans une relation d’aide, avec quelques élèves « en difficulté », sans croire pour autant qu’il faille également repenser leur pratique ordinaire de la classe. L’existence de ces à-côtés justifierait même qu’il y ait deux pédagogies parallèles : celle des dispositifs et celle de la classe ». C’est rappeler que l’aide quand elle est coupée de la classe perd son sens. « Si l’on veut réformer les pratiques pédagogiques, c’est bien le coeur de la classe qu’il faut viser », dit sans ambages le rapport.
Qu’en pense la gauche ?
C’est qu’à gauche, tout le monde n’est pas persuadé de l’utilité des Rased. Proche du parti socialiste, le think tank Terra Nova a publié en février 2013 une étude qui envisage de confier à d’autres le traitement de la difficulté scolaire. Terra Nova recommande de créer » un réseau d’acteurs, de professionnels des secteurs médical, social, éducatif afin de construire et de garantir pour chaque enfant, chaque famille concernée, et en particulier les plus démunies, une réponse coordonnée, prise en charge par la puissance publique ». Du coup on « redéfinirait les missions des Rased ». Interrogé par le Café, l’auteur anonyme de l’étude estime qu’il faut garder les maitres psychologues pour faire les diagnostics des élèves et transformer les autres Rased, « qui ont un réel problème de compétences » en « orthopédagogues », des orthophonistes au service des enfants dys. Cette vision de la difficulté scolaire est évidemment rejetée par les enseignants des Rased qui dénoncent une « médicalisation » de la difficulté scolaire. Mais elle rejoint celle du gouvernement précédent qui avait fait sa route chez les cadres du ministère.
Les arguments des Rased
Face à ces attaques, les associations de maîtres E et G ont des arguments. Une étude réalisée en 2010 par le professeur Jean-Jacques Guillarmé (université Paris Descartes) atteste l’efficacité de leur aide. « 20% des élèves ayant suivi 30 heures d’aide personnalisée font effectivement des progrès dans les acquisitions scolaires, exclusivement. Par conséquent, l’aide personnalisée n’est pas adaptée aux autres élèves qui en ont bénéficié (80%) » a calculé JJ Guillarmé. Par contre, » 70 % des élèves ayant suivi 30 heures d’aide rééducative font effectivement des progrès, et ce non seulement dans les acquisitions scolaires (65%) mais également dans le domaine des compétences cognitives (développement des capacités à penser, mémoriser, raisonner, apprendre) : 68%; des compétences sociales (capacités à communiquer, à développer des interactions avec les autres, à assumer les conséquences de ses actes) : + de 70%; des compétences relationnelles (acceptation de l’autorité et des règles, bonne estime de soi) : 60% ». L’étude établit que » l’aide spécialisée rééducative est une réponse plus adaptée et plus efficace que l’aide personnalisée dans 4 situations sur 5. Non seulement elle diminue les variations à l’intérieur de tous les champs mais elle fait monter l’ensemble des compétences ».
Que fera Peillon ?
Pour le moment, le ministère semble hésiter sur le chemin à suivre. En mars 2013, en réponse à la question d’un sénateur, le ministre rappelle qu’il a « entamé une réflexion globale sur le traitement de la difficulté scolaire et l’organisation des Rased. Nous voulons mieux articuler ce réseaux avec le traitement des difficultés dans les classes », tel est l’objet du dispositif plus de maitres que de classes, et en dehors des classes ». Depuis, le ministre a fait le choix de ne pas publier le rapport commandé à l’Inspection générale qui devait être remis en juin. Si Vincent Peillon a redit en septembre 2013 que « la priorité, c’est de traiter la difficulté sociale et scolaire », on ne sait toujours pas quels arbitrages il donnera pour atteindre cet objectif.
François Jarraud