A partir du 30 septembre, les lycées doivent organiser les « Semaines de l’engagement lycéen ». Fortement soutenu par la ministre de la réussite éducative, ces Semaines doivent se traduire dans chaque lycée par des cours. Mais pour quoi faire ? George Pau-Langevin et Philippe Tournier, secrétaire général du principal syndicat des personnels de direction, ne sont pas d’accord sur les finalités..
La circulaire
« Les élèves doivent être plus fortement encouragés à participer à la vie de l’établissement scolaire et à assurer pleinement leur rôle dans la communauté éducative », affirme une circulaire publiée cet été pour présenter les Semaines de l’engagement lycéen. Le texte demande aux établissements d’organiser « une formation de deux heures obligatoire pour tous les élèves dans chaque classe de lycée sur le fonctionnement des instances de vie lycéenne ». Elle devra se dérouler entre le lundi 30 septembre et le vendredi 18 octobre 2013. » Durant cette même période, les initiatives des élèves portant sur des questions citoyennes seront particulièrement encouragées dans leur lycée », ajoute la circulaire. Pour aider à cette première, le ministère vient de publier un « kit pédagogique » proposant une séquence type et une brochure. Concrètement, les professeurs d’ECJS ou le « référent vie lycéenne » de l’établissement, souvent un CPE, sera chargé de réaliser ces cours. Du moins là où ils auront lieu, car on ignore quel sera l’impact réel de la circulaire.
Qu’est ce que la Vie lycéenne ?
Créés en 1998, les conseils des délégués à la vie lycéenne formulent des propositions sur l’utilisation des fonds lycéens et doivent officiellement être consultés sur l’organisation des études et du temps scolaire, sur le travail personnel et le soutien des élèves ou leur orientation. Il a son mot à dire aussi sur l’hygiène et la sécurité et sur les activités sportives, culturelles et périscolaires. Le vice-président du CVL (un élu lycéen) est membre de droit du conseil d’administration du lycée où il présente ses travaux. Le CVL doit être réuni avant chaque séance du CA. Depuis 1991, ils sont prolongés par les conseils académiques de la vie lycéenne et depuis 1995 par un conseil national. Mais c’est seulement depuis 2005 que chaque académie doit avoir un délégué académique à la vie lycéenne.
Pour la ministre, les jeunes doivent être entendus
« C’est important que l’on sache que dans l’éducation nationale, la jeunesse est une priorité. On a besoin de donner la parole aux jeunes », nous a dit George Pau-Langevin, ministre d ela réussite éducative. « Il faut qu’ils puissent s’exprimer sur ce qu’ils pensent, sur leurs souhaits. Dans cet esprit il nous parait important de vérifier que les outils de la vie lycéenne fonctionnent ». Mais concrètement que pourraient faire les jeunes ? « Nous allons voir s’il y a des responsabilités à leur accorder par exemple pour monter des projets », nous a-t-elle dit. « Nous allons expliquer ce que les jeunes peuvent obtenir dans les conseils de la vie lycéenne. Nous ferons en sorte que leurs responsabilités soient reconnues et leur engagement encouragé. Quand ils font une permanence par exemple, il faut que ce temps soit compté comme du travail et pas qu’ils soient marqués absents ».
Publié il y a peu, le rapport de la députée Anne-Lise Dufour-Tonini montre des résistances dans les établissements devant cette prise de responsabilité par des jeunes. « Dans les établissements, par définition, ce sont les adultes qui prennent les responsabilités. Et c’est vrai qu’on renverse les habitudes en demandant de considérer les jeunes comme des partenaires. Ca modifie les postures habituelles », explique la ministre. Elle pense s’appuyer sur les organisations lycéennes pour appuyer soin projet.
Une démarche artificielle pour le Snpden
La ministre a peut-être surévalué l’intérêt du terrain pour ses Semaines de l’engagement. A en croire, Philippe Tournier, secrétaire général du premier syndicat de personnels de direction, le CVL serait une construction artificielle qui ne vivrait que grâce à l’investissement des chefs d’établissement. » Le rapport Dufour-Tonini montre surtout que les CVL ne sont pas des constructions naturelles. Quand le chef d’établissement ne s’investit pas fortement dans la vie lycéenne elle ne fonctionne pas », nous a dit P. Tournier. « Aux yeux des élèves, leurs représentants ce sont les délégués de classe, pas les élus du CVL. De plus, souvent les élus du CVL viennent des familles les plus favorisées. Ce qui fait que le CVL traduit surtout la fonction de reproduction du lycée ce qui n’est pas le cas des délégués de classe. Le vrai représentant des lycéens reste celui des délégués de classe. Il y a là une question de légitimité ». Il reste sceptique devant le taux de participation aux élections des CVL de 47%. Pour lui, quand la participation est forte c’est que le vote a été rendu obligatoire par le chef d’établissement et souvent effectué à la va-vite. Pour lui, » les CVL restent des structures artificielles ».
Quel avenir pour la vie lycéenne ?
Que se passera-t-il dans les établissements ? Au Snpden on doute que tous les établissements appliquent une circulaire publiée quelques jours avant la rentrée. Comme beaucoup d’autres textes, celui-ci pourrait mettre du temps à percer. La moitié des lycées disposent encore de « foyers » alors que ceux-ci devraient déjà être remplacés par des « maisons des lycéens » à statut associatif. Selon les rectorats, les budgets affectés à la vie lycéenne sont très variables. Enfin même les heures de vie de classe, qui doivent alimenter le dialogue entre enseignants et élèves, connaissent un sort très différent d’un établissement à l’autre. Pour écouter la voix des lycéens début octobre il faudra peut-être tendre l’oreille.
François Jarraud