A deux semaines des élections des délégués des parents d’élèves, force est de constater l’écart de traitement entre parents et élèves au sein de la co-éducation voulue par la loi d’orientation. Alors que l’éducation nationale entreprend la première grande campagne pour les élections lycéennes, rien ne se passe pour celles des parents d’élèves. Font-ils plus peur que les lycéens ?
Il est vrai que le mal est ancien. En 2007, le rapport des inspecteurs généraux Alain Warzee et Gérard Lesage dénonçait » l’opacité du système éducatif » et reconnaissait que » la relation entre les parents et les enseignants est trop souvent faussée par des présupposés, des représentations mentales qui peuvent générer de l’agressivité, de la condescendance ou des comportements d’évitement ». Les rencontres entre parents et enseignants sont souvent frustrantes car le temps de dialogue est trop court, les locaux d’accueil sont souvent inadaptés, les horaires des réunions (comme les conseils de classe) inadéquats. L’information des familles est » insuffisante et mal conçue ». Cette situation pénalise les familles populaires qui ne savent comment orienter leur enfant.
Malgré les engagements, depuis 2007 peu de choses ont changé. Vincent Peillon a bien publié une circulaire demandant de contrôler le montant des fournitures scolaires exigées des familles, son impact semble modeste. La loi d’orientation prévoit un espace parents dans les établissements mais ne propose pas que l’Etat le finance… Elle recommande une expérimentation du droit de décision donné aux familles sur l’orientation des enfants en 3ème qui est en cours. Elle évoque la co-éducation et souhaite associer els parents aux projets des établissements.
Or les relations parents – établissements sont encore largement conflictuelles. Selon une enquête DEPP, 17% des parents déclarent avoir déjà eu un différend avec un enseignant ou personnel de direction. Un bilan réalisé par E Debarbieux et G Fotinos montre que si 86% des chefs d'(établissement s’estiment respectés par les parents, plus d’un sur dix ne l’est pas. Les parents apparaissent comme des auteurs importants des agressions sur les directeurs d’école (17% se plaignent de harcèlement dont l’origine est à 55% les parents, 40% d’insultes dont 62% proviennent des parents). C’est encore le cas à un niveau moindre pour les enseignants (36% insultés dont 20% venant de parents). Autrement dit, les relations sur le terrain sont tendues et les personnels craignent la relation avec les parents.
Or la question de la place des parents à l’école est d’abord sociale. Les parents de milieu favorisé sont généralement à l’aise avec l’Ecole. Ils savent parfaitement décrypter sa communication et l’utiliser au mieux. C’est très différent avec les parents des milieux populaires qui gardent leurs distances avec l’école.
La démocratisation de l’Ecole demande une reconnaissance plus importante de leur place dans l’Ecole. C’est nécessaire pour lutter contre les préjugés qui pénalisent l’orientation des enfants. C’est nécessaire pour la pacification des établissements. La reconnaissance des parents délégués et de véritables campagnes électorales seraient sans doute à même de diminuer la tension dans les établissements. Cette révolution reste visiblement à faire.
François Jarraud