Les enseignants du primaire sont invités à donner leur avis sur les programmes scolaires du 23 septembre eu 18 octobre. Cinq ans après la publication des programmes fort contestés de 2008, le balancier pédagogique devrait repartir en sens inverse. Mais ce ne sont pas les enseignants qui en décideront.
Pas de demi journée banalisée
Finalement la consultation n’aura pas lieu sur une demi journée banalisée, comme le ministère l’avait d’abord annoncé. Les enseignants sont invités à répondre aux questions d’un formulaire en ligne sur Eduscol qui recueillera leurs avis sur les défauts des programmes de 2008, les éléments qu’ils souhaitent voir conservés et leurs suggestions pour les nouveaux programmes. Pour cette consultation, les enseignants pourront déduire 3 heures du forfait de 24 heures de concertation prévu dans les 108 heures annualisées.
Des programmes de 2008 mal acceptés par les enseignants
20 février 2008, Xavier Darcos présente à la presse de nouveaux programmes dont les rédacteurs restent inconnus. Xavier Darcos présente ces nouveaux programmes comme un acte de justice social. » L’Ecole doit être son propre recours, et je veux qu’elle fournisse les aides nécessaires, gratuitement, pour la maîtrise de la langue, les mathématiques, les repères dans le temps et l’espace… J’offre aux plus modestes, aux plus pauvres, ce que les riches peuvent se payer ». Le ministre fait allusion à l’aide personnalisée, un dispositif dont plusieurs rapports de l’Inspection générale allait signaler l’inefficacité. Entre temps, X. Darcos va s’obstiner à la mettre en pratique de façon tatillonne et inquisitrice. Pour la première fois, des programmes poussent des enseignants à entrer ouvertement en rébellion : ce sera le mouvement des « désobéisseurs » qui va largement contribuer à creuser le fossé entre le ministre et les enseignants et aussi entre les enseignants et leurs inspecteurs.
Mais les programmes y aident aussi. Ils sont « recentrés sur l’essentiel » : 10 heures de français au cycle II, de la conjugaison, des dictées, du calcul mental et du sport, avec un zeste d’histoire des arts, et beaucoup de morale dans l’éducation civique, avec l’apprentissage de maximes, de valeurs, de principes, le vouvoiement du maître… La maternelle évolue pour devenir une petite école. Les moyennes sections doivent « comprendre les consignes des activités scolaires », « écouter en silence un récit facile », « scinder les syllabes »… Les CM2 doivent savoir « conjuguer au plus-que-parfait et au passé antérieur « , « résoudre des problèmes relevant de la proportionnalité, relatifs aux pourcentages, aux échelles, aux vitesse moyennes, notamment en utilisant la règle de trois « . Ils doivent connaître aussi la date du baptême de Clovis, Saint Louis et Jeanne d’Arc, Richelieu, la Terreur, la révolution industrielle, ainsi que l’histoire de Arts.
Avec des résultats catastrophiques
Les résultats sont loin des prétentions ministérielles. En 2011, les résultats de PIRLS, l’enquête internationale sur le niveau en lecture, montre une France en plein recul. La France obtient un score de 520 loin derrière la moyenne européenne (534) ou celle de l’OCDE (538). Seuls la Belgique francophone, l’Espagne, la Norvège, la Roumanie et Malte sont derrière nous en Europe. Tous les autres pays européens nos précèdent. Loin devant en haut du classement caracolent Hong Kong et Singapour, la Russie et les Etats-Unis, la Finlande, la Croatie, le Danemark et l’Irlande du Nord. En 10 ans la baisse est significative sur la compréhension des textes informatifs (-13 points) ainsi que sur les compétences les plus complexes (-11 points). Les élèves français restent les plus nombreux à s’abstenir de répondre aux questions quand les réponses doivent être rédigées et à ne pas terminer les épreuves.
Le retour aux fondamentaux interrogé par l’OCDE
C’est finalement la stratégie du « retour aux fondamentaux » et de l’aide individualisée qui sont interrogées. A l’occasion de la publication de « Regards sur l’éducation », l’OCDE interroge le premier point. L’organisation a beau jeu de montre que les résultats des pays comme la France qui accordent le plus de temps aux fondamentaux sont moins bons que ceux des pays qui les abordent par d’autres voies. L’aide « personnalisée » chère à Xavier Darcos est aussi une formule tellement inadaptée qu’elle est déjà supprimée. Créer des moments spéciaux où les élèves en difficulté sont convoqués en plus et à l’écart des heures de cours n’atténue en rien leurs problèmes. On sait que la finalité de la mesure était ailleurs : puisque les élèves disposeraient de l’aide « personnalisée », le ministère a entrepris une extinction des réseaux d’aide et soutien aux élèves, les RASED et récupéré les postes.
La consultation 2013, un rendez-vous raté ?
La suppression des programmes de 2008 était attendue par les enseignants qui l’auraient bien vue comme une mesure plus urgente que celle des rythmes scolaires. Le ministre avait la possibilité de faire de la consultation un événement symboliquement fort capable de renouer le lien entre une inspection, qui s’est fortement impliquée dans l’application des programmes de 2008, et les enseignants. Il a préféré une consultation banalisée voire virtuelle.
Car au final, c’est le conseil supérieur des programmes, annoncé pour la fin septembre et maintenant pour début octobre, qui aura en charge la rédaction des nouveaux programmes. Composé d’élus et de spécialistes, cet organe ne sera pas que technique mais aussi politique. En tous cas, les programmes auront à nouveau des auteurs identifiables.
Les nouveaux programmes reviendront alors devant les enseignants du primaire. Là aussi elle aura lieu hors temps devant élèves. Un contingent horaire sera dégagé sur le temps annualisée d’animation pédagogique. Les nouveaux programmes entreront en application en 2015, deux ans après les nouveaux rythmes scolaires.
François Jarraud
Sur les programmes de 2008, revoir notre copieux dossier