Un questionnaire vient d’être mis en ligne sur le site Eduscol où les professeurs des écoles sont invités à se prononcer ( jusqu’au 18 octobre) sur « les principaux défauts et qualités » des programmes datant de 2008 et à proposer « leurs suggestions pour les prochains programmes ».
Comme je l’avais souligné en son temps à un colloque tenu par « Education et Devenir » sur le »socle commun » », cette élaboration des programmes de 2008 avait été suffisamment préoccupante pour que deux anciens ministres de l’Education nationale (à savoir Jack Lang et Luc Ferry) signent de concert dans le Nouvel Observateur un texte qui les mettait en cause en termes extrêmement durs : « paresse intellectuelle, vide abyssal, imposture, reniement ».
Par ailleurs l’ancien recteur Joutard (qui avait été la cheville ouvrière des programmes du primaire datant de 2002), avait par exemple souligné que, dans l’enseignement du français, les programmes de 2008 privilégiaient la mémorisation mécanique des règles orthographiques et grammaticales au détriment de la compréhension ; et que l’on alourdissait la grammaire en y ajoutant les temps complexes (le futur antérieur et le passé antérieur, traités jusque là au collège), et cela au risque de minimiser l’importance de la maîtrise de temps plus utiles. En revanche, ce qui fait le cœur d’une maîtrise réussie de la langue française ( à savoir la capacité de rédiger un texte ) devenait secondaire dans les projets de nouveaux programmes : 90 lignes pour la grammaire, 5 pour la rédaction…
Et un Appel de 19 organisations contre les nouveaux programmes avait été lancé. Il était signé notamment par des dirigeants de syndicats ( SNUipp, SGEN, Se-Unsa ), d’associations professionnelles ( Ageem, Afef ), de mouvements pédagogiques ( Gfen, Crap, Icem, Cemea ), de parents d’élèves ( FCPE ), de la Ligue de l’enseignement :« Ce projet de programme est marqué par l’inadaptation des contenus, par un affaiblissement de leur dimension culturelle et par une conception mécaniste des apprentissages […]. Ce programme ne favorisera pas la maîtrise de l’ensemble des connaissances et compétences que l’école se doit de faire acquérir à tous les élèves ».
Cela reste donc à faire ; et si possible dans l’ordre, et de façon durable. La tentation était grande de se précipiter et de s’éloigner au plus vite de ces programmes malencontreux de 2008. Mais par quoi les remplacer de façon précipitée, et par suite de façon transitoire ? Car le choix avait été fait d’une « refondation de l’Ecole » qui passait en l’occurrence par une nouvelle instance tout à fait inédite en France, à savoir un « Conseil supérieur des programmes » conçu non seulement pour une approche »programmatique », mais pour une approche »curriculaire » ( le Conseil doit faire des propositions, dans le même mouvement, pour les programmes certes mais aussi la façon précise de les évaluer, et des recommandations pour une formation des enseignants ad hoc ). Mais il fallait pour cela passer par la loi et un décret d’application pour pouvoir instituer légalement ce nouveau Conseil, avec ses nouvelles missions associées. C’est fait et cela peut commencer. Et d’abord par l’enseignement primaire ( conformément au principe fondamental de la « refondation », où l’on doit commencer par « les fondements » : l’école maternelle et l’école primaire).
La synthèse de la consultation d’octobre 2013 des professeurs des écoles sera donc transmise au Conseil supérieur des programmes qui doit être installé également début octobre. Une deuxième consultation des professeurs des écoles est prévue à la fin de cette années scolaire sur la base des nouveaux programmes qui auront été élaborés et proposés entre temps par le Conseil supérieur des programmes (dans une optique »curriculaire » tout à fait inédite en France) ; la mise en place des nouveaux programmes du primaire devant intervenir en 2015.
Claude Lelievre