Et si le travail que vous donnez aux élèves ne servait à rien ? La question est posée dans une étude de Christophe Michaut publiée par le CREN (Université de Nantes). Basée sur les témoignages de plus de 1600 lycéens, l’étude montre que l’efficacité du travail à la maison varie beaucoup selon les lycéens. Elle met en évidence la concurrence exercée par le numérique sur le travail scolaire. En nous faisant pénétrer dans l’intimité des lycéens, ce travail pionnier interroge finalement les pratiques des enseignants. Faut-il continuer à donner du travail à la maison ? DE quel type ? Comment intégrer le numérique dans le travail à la maison ?
Une heure par jour
En moyenne, les lycéens sacrifient une heure par jour au travail scolaire à la maison, estime l’étude réalisée par Christophe Michaut, publiée par le CREN. La moyenne s’établit à 7h15 par semaine, sachant que le travail est un peu plus long le week end. Cette moyenne cache de grandes différences. Un élève sur trois ne dépasse pas la demi-heure quotidienne quand 10% travaillent plus de deux heures par jour. Les filles travaillent plus que les garçons : en moyenne elles travaillent deux heures de plus par semaine et surtout les trois quarts travaillent tous les jours, quand ce n’est qu’un garçon sur deux.
Mais pour quel résultat ?
Tout ce temps consacré au travail scolaire est peu rentable, affirme Christophe Michaut. « Toutes choses égales par ailleurs un lycéen qui a obtenu un point de plus au brevet travaille 7 minutes de plus par semaine ». La corrélation est donc très faible. En fait C. Michaut divise les lycéens en 4 catégories à peu près équivalentes en nombre. Il y a les productifs, issus de familles favorisées, qui travaillent beaucoup mais engrangent des résultats, les laborieux qui passent beaucoup d’heures à travailler sans grand résultat, les dilettantes qui travaillent peu et obtiennent de bons résultats et les oisifs qui travaillent peu et ont des résultats médiocres. Ceux-là n’attendent pas grand chose de l’école. Ils sont souvent issus de milieu populaire.
Et pour quoi faire ?
C’est que les lycéens ont des méthodes de travail très différentes. Les trois principales manières de réviser sont la relecture des cours, l’apprentissage par coeur et la réalisation d’exercices. La conception de synthèses est plus rare. Ces manières de faire impactent les résultats. Ainsi le par coeur est un signe des « laborieux ».
Le numérique perturbe le travail scolaire
L’étude de C Michaut a son origine dans une recherche sur les usages du numérique par les lycéens. Il montre que les usages sont surtout récréatifs. Les lycéens passent 1h15 par jour en moyenne sur les réseaux sociaux, 1h23 à regarder des vidéos ou écouter de la musique et 47 minutes à faire des recherches. » On a été surpris par le temps passé par les lycéens sur le numérique », nous a confié C Michaut.
Pourquoi autant de travail ?
On peut se demander pourquoi les enseignants prescrivent aussi lourdement. « Je fais l’hypothèse que les enseignants pensent que ça fait progresser les élèves », nous a confié C. Michaut. « Ca peut aider des élèves moyens. Ce que les enseignants connaissent mal c’est les élèves laborieux qui prennent beaucoup de temps sans améliorer les résultats. Ils ne connaissent pas non plus ceux qui travaillent très vite ».
Un sujet pionnier
L’étude de C. Michaut est quasi orpheline. C’est que les études sur le travail à la maison des lycéens sont très rares. Il y a de bonnes études sur le travail au primaire comme celle de Rayou ou de Kakpo. » On a des recherches sur des activités de loisir ou professionnelles des lycéens mais pas sur le travail scolaire », nous a déclaré C Michaut. Avant lui, Denis Meuret, travaillant sur les résultats de Pisa, avait déjà mis en évidence la faible efficacité du travail à la maison.
François Jarraud