Les enterrements ne sont pas toujours pacifiques. Alors que le décès de la note de vie scolaire semble imminent, toute la journée du 5 septembre, le Snes d’un coté et le Se-Unsa de l’autre se sont affrontés autour de la dépouille. Alors que la suppression de la note de vie scolaire sera probablement accueillie avec soulagement dans les salles de profs, la mise en scène d’une opposition des syndicats qu’on avait perdu de vue depuis des années devrait inquiéter les enseignants.
Une mesure Robien. La note de vie scolaire a été instituée au collège par une circulaire publiée au B.O. du 29 juin 2006 en application de la loi d’orientation de 2005. Elle est attribuée par le chef d’établissement en concertation avec le professeur principal et le Cpe chaque trimestre de la 6ème à la 3ème. Elle évalue 4 choses : l’assiduité, le respect du règlement intérieur, « la participation de l’élève à la vie de l’établissement » et l’obtention de l’Assr et de l’attestation de formation aux premiers secours. Ces deux derniers aspects peuvent donner des points supplémentaires. « La note de vie scolaire est prise en compte pour l’obtention du diplôme national du brevet, dans les mêmes conditions que les résultats aux disciplines évaluées en contrôle en cours de formation. Elle est la moyenne affectée d’un coefficient 1 des notes de vie scolaire obtenues par l’élève chaque trimestre en classe de troisième ».
Une note contestée. Les reproches adressés au dispositif relèvent à la fois de la pédagogie et de la vie des établissements. D’un coté, la note est perçue comme un retour à la note de discipline qui transformait en points inclus dans la moyenne les fautes de comportements ce qui est dénoncé par une partie des enseignants. Ils craignent l’injustice inhérente à l’évaluation de comportements. L’évaluation pourra-t-elle être justifiée clairement aux familles ? Mais la note soulève un autre tabou : celui du monopole de la notation par les enseignants. Dans les établissements, il n’est pas rare que la note oppose les enseignants et la direction, le professeur principal à son équipe, ou les personnels de vie scolaire. On aura compris que les pratiques de notation sont très variables d’un établissement à l’autre. Est-ce normal pour un diplôme national sensé être identique ? En 2007, la Fcpe avait dressé un « bêtisier » de la note de vie scolaire montrant une grande irrégularité d’un établissement à l’autre pour une note qui entre finalement dans l’évaluation d’un examen national.
Coup de tonnerre à la FSU. En ouvrant sa conférence de presse, le 5 septembre, Bernadette Groison mentionne « la suppression » de la note come un élément positif des décisions de V. Peillon, Interrogé par le Café pédagogique, Roland Hubert, co secrétaire général du Snes, précise que la nouvelle loi d’orientation n’a pas reconduit la note. Celle-ci est donc caduque. Elle n’a plus d’existence réglementaire sauf dans le décret organisant le brevet. Pour le Snes, « la note n’existe plus en 6ème, 5ème et 4ème ». Le syndicat « a la promesse du ministère de supprimer la note » mais ne l’a pas encore fait pour la troisième. »Il est urgent que le ministère donne les instructions nécessaires pour régler cette situation ».
Courrier urgent du Se-Unsa. En même temps, le Se-Unsa et le Snpden demandent au ministre, dans une lettre datée du 5 septembre, la suppression de la note de vie scolaire en troisième. Les syndicats rappellent que » les textes réglementaires doivent être adaptés avant la fin du premier trimestre 2013 afin que la note de vie scolaire n’apparaisse sur aucun bulletin scolaire dès cette année » et que les compétences 6 et 7 du socle « permettent d’évaluer les attitudes des élèves.. Il est inutile d’évaluer deux fois les mêmes compétences ». Quant au ministère, interrogé par le Café pédagogique, il explique que la suppression « est une demande du Snes » mais que « rien n’a été décidé ».
Zéro de conduite. La suppression de la note de vie scolaire ne fait pourtant aucun doute. Tout le monde semble souhaiter voir disparaître une mesure qui n’a jamais réussi à trouver sa légitimité même si elle a bien été appliquée dans les collèges. Ce qui restera de cette affaire c’est l’affrontement syndical mis au grand jour. Il est d’autant plus retentissant que ces dernières années nous ont habitué à une cohabitation harmonieuse des syndicats, voire à des alliances. Face à Sarkozy et Chatel, il en allait de la survie.de tous. Depuis quelques mois, l’atmosphère a changé. La gauche a réintroduit les syndicats dans la gouvernance de l’éducation nationale. En même temps, les chantiers Peillon ont créé de nouveaux motifs d’opposition entre un camp très ouvert aux réformes et un autre nettement plus sceptique. Opposés dans les réunions, les syndicats rendent chaque jour plus visible la division. Ainsi ce même 5 septembre, deux syndicats ont mis au même moment leur réunion de rentrée et aucun n’a voulu en démordre….
Cette situation ne profite pas tant que cela à V. Peillon. Car les camps sont déséquilibrés. Le camp réformiste arrive à dégager des majorités au CSE. Mais il reste minoritaire chez les seuls enseignants. Or, pour le ministre, le danger est là. La rue de Grenelle n’a pas besoin d’une guerre syndicale dans les établissements. L’enterrement de la note de vie scolaire en cache plein d’autres.
François Jarraud