Pourquoi tout recommencer à chaque rentrée ? C’est étrange, à chaque rentrée, on sent comme un vent nouveau, une envie de faire autrement. Revoir organisation, progression, méthodes, intégrer les nouvelles technologies… Mais pourquoi, pourquoi lorsque l’année scolaire a fait sa révolution, faire sa Révolution ? Est-ce une envie de faire mieux ? Certainement, mais l’explication serait trop simple.
L’arrivée d’internet à intensifié le phénomène. On navigue et on googlise sur les thèmes « école », « cycle 2 », « cycle 3 Préhistoire », « Arts visuels – contes », « CE2 » de blog en blog, de sites officiels en sites officieux, de lien en lien. On télécharge, change une virgule, un texte, on laisse de côté, on utilisera, on oubliera parfois.
Comment vais-je mis prendre avec les parents cette année pour, à la fois donner des gages à ceux qui sont rétifs à tout devoir, ceux qui en veulent beaucoup, tout en s’y retrouvant personnellement et pédagogiquement ? Comment vais-je faire, avec le même programme chargé, le même nombre d’heures, pour faire un peu plus de lecture cette année, alors que l’année dernière j’ai fait un peu plus d’orthographe parce que l’année d’avant j’avais fait un peu plus de lecture et pas assez d’orthographe ? À moins que cela ne soit le contraire… Il faudra certainement innover pour faire suffisamment les deux…
Peut-être alors faut-il chercher la solution du côté de l’emploi du temps ? Mais dès qu’on passe la souris dessus, on n’arrive jamais à caser toutes les heures… Ah oui, les récréations ne sont pas décomptées du temps d’enseignement… Là encore, il faudra certainement innover… et recommencer dans deux semaines quand des impératifs seront tombés (visites à la médiathèque, prise en charge d’enfants par des spécialistes, créneau de disponibilité de salles…). Innovons, innovons.
Quand on déballe les cartons de ses commandes, le cheminement continue. Tiens, à quoi sert déjà le cahier vert ? Va t-on instaurer une utilisation collective ou individuelle du matériel de classe ? Ah ! des géoplans ! On va pouvoir faire des ateliers de géométrie sans s’embêter à travailler les notions avec des traits. Un carton ouvert et c’est une décision pédagogique capitale pour l’année : classeur ou porte-vues ? La différence entre les deux peut se calculer en heures de travail gagnées ou perdues parfois… Cherchons à innover…
Et puis, il y a les élèves. De nouveaux élèves. Parfois d’anciens élèves quand on a eu un double, un triple niveau. Mais des nouveaux élèves quand même parce qu’ils ont un an de moins que ceux que l’on avait en juin, que les prénoms changent (parfois), que l’alchimie de classe et les individualités seront différentes. Alors, vraiment, à bien y regarder si l’on veut faire pareil, on n’y parviendra pas. Innover.
Faire autrement, rechercher, est-ce encore de l’innovation ? Pas si sûr. Le surfeur, innove-t-il à chaque vague ? Une rentrée est un peu une nouvelle vague qu’il faut prendre au bon moment et qui nous (enseignants) imposera ses propres exigences auxquelles il faudra se plier pour que nous (enfants, parents et enseignants) puissions avancer ensemble. Alors, avant la rentrée, on se prend à rêver d’être sur une autre eau, et l’on navigue entre les cahiers encore blancs, les manuels neufs, les colles qui n’ont pas perdu leurs bouchons et leur odeur. On retrouve alors le sens du mot « vacances » : vacant, être vide, libre. L’esprit de l’enseignant avant la rentrée est en vacance, libre, libre d’imaginer sa prochaine classe, sans les contraintes du quotidien de la classe. Alors les vacances laissent place au travail et le travail ne vient que par la vacance de l’esprit…
Ainsi, on peut conclure : à quoi reconnaît-on un enseignant qui travaille pour changer ses pratiques ? Il est en vacance.
Sébastien Rome