Etre stressé cela veut dire
Qu’il y a un décalage trop important entre :
-notre façon de nous représenter une situation donnée et
-notre façon de nous représenter nos capacités à faire face à cette situation.
C’est le décalage entre ces deux représentations qui crée le stress . Autrement dit le stress, le mien, celui de mes élèves n’est donc pas seulement le résultat d’une situation objectivement stressante mais aussi le résultat d’une confrontation de représentations.
Gérer notre stress
Pour gérer le stress, dans la mesure où on ne peut pas changer la situation, il faut donc pouvoir agir sur une des deux composantes et ainsi diminuer le décalage. Pour la première, c’est en confrontant notre représentation d’un événement avec d’autres personnes qu’on pourra avoir une vision différente et, sans doute, plus réaliste. Pour la deuxième c’est en acquérant une vision plus juste et plus positive de nous-même qu’on pourra amener un changement.
La relaxation
La relaxation peut être un moyen d’atteindre ce but dans la mesure où elle apporte une meilleure connaissance de soi et de ses potentialités : en cela elle aide à la gestion du stress. Mais bien souvent la plainte autour du stress cache en fait une souffrance psychique plus profonde et plus ancienne qui relève de l’anxiété chronique ou parfois de la dépression. A ce moment-là, la seule détente et la simple gestion du stress ne suffisent plus : une écoute psychothérapeutique est alors nécessaire. Ce qui peut se faire dans des groupes qui allient relaxation et psychothérapie et qui proposent de faire le lien entre besoin de gérer son stress et de se relaxer et besoin de faire le point, de parler de soi, de comprendre l’origine du stress et en quoi il est lié à l’histoire singulière de chacun.
L’incertitude
Une des causes du stress est parfois l’incertitude concernant un événement futur (rencontre avec un parent, une classe nouvelle, un nouveau chef d’établissement…) L’incertain provoque le stress car il permet la fantasmatisation, c’est-à-dire la prolifération des représentations d’un événement qu’en réalité on ne connaît pas. Devant une incertitude « Il y a deux erreurs extrêmes à ne pas commettre: se dire qu’on ne peut rien faire « puisque c’est « imprévisible »; à l’inverse vouloir construire des réponses pour « tous les scénarios ». Le problème n’est pas de prévoir l’imprévisible, mais de s’entraîner à lui faire face. De s’entraîner à l’action en situation de forte incertitude ». Patrick Lagadec (Le Monde: « La culture française des crises est fondamentalement dépassée » 11/12/2001)
Ce n’est pas en préparant des scénarios….
C’est ce qu’on fait mentalement parfois avant de recevoir un parent d’élève, par exemple : « Il m’a demandé un rendez-vous pour me parler de cela sans doute, – dans ce cas je lui parlerai de cette affaire, – oui mais il me répondra que… – alors je pourrais lui rétorquer que … » et ainsi de suite! On cherche à tout prévoir mais en même temps on tue la rencontre qui nécessite pour être vivante justement de l’imprévu! De même si on cherche à tout prévoir face à une classe violente, c’est probablement autre chose qui arrivera !
Inversement ne rien faire n’avance pas
Notre aptitude à faire face à l’imprévu ne progresse pas: On peut au contraire s’entraîner à ces situations imprévues; c’est l’objectif de la formation psychologique des enseignants. Les jeux de rôle en particulier sont un moyen de se mettre dans des situations imprévues et d’étudier ses propres réactions, sa façon de faire face et d’apprendre progressivement à élargir sa gamme de réponses de façon à avoir une attitude plus adaptée aux situations imprévues. Le retour sur expérience est une autre occasion de se préparer ; réfléchir avec d’autres sur la façon dont on a fait face dans telle situation imprévue, c’est ce qui peut être fait dans un G.A.P.P.
Il y a un état d’esprit à acquérir
Il est fait de
– la certitude que ce qui arrivera sera différent de ce qu’on a prévu,
– la certitude, par l’expérience acquise, qu’on est capable de s’adapter à ces situations imprévues sans dommages trop grands et en faisant parfois le deuil de certaines illusions de perfection.
Enfin n’oublions pas que parfois le stress est aussi un élément positif dans notre vie, il nous donne une certaine énergie créative. Le mauvais stress est celui qui dure et ne redescend plus.
Gérer le stress de nos élèves
Le stress se transmet facilement d’une personne à une autre par les mini signes que la première produit (excitation anormale, rapidité de parole…) Mes élèves le sentent quand je suis stressé. C’est pourquoi le stress de mes élèves ne peut être géré que si moi-même je sais gérer le mien. Mes élèves ont besoin de moi comme allié qui les aide à renforcer l’image positive qu’ils ont d’eux-mêmes et de leurs capacités à faire face à la situation qui les stresse. Mes élèves ont besoin de moi pour assurer dans la classe une situation la moins stressante possible: « pas trop de pression », devoirs sur table prévisibles, un cadre clair. Ce qui n’exclut pas parfois une « surprise » pour les préparer à l’improvisation avec alors échange sur ce que les élèves ont vécu à cette occasion. Ils doivent pouvoir compter sur moi (non stressé) pour leur fournir les arguments rationnels qui les aideront, au besoin, à structurer leurs émotions ou à les mettre en mots leur donnant, par le fait même, du sens.
Former les enseignants
Tout ceci pourrait être pris en compte dans la formation des enseignants… Un questionnement intéressant sur la formation des « équipes de secours » intervenant en cas de catastrophes peut aussi nous faire réfléchir à la formation des maîtres : « on se contente d’exercices très convenus, ce qui nous rend vulnérable. Mais les résistances sont vives: quand vous essayez de mettre un facteur de surprise dans un scénario, on vous répond: « surtout pas, vous aller démolir tout l’exercice! » … Nous baignons dans une sorte de culture royale bannissant le questionnement, l’imprévu, l’ouverture, la confiance envers le citoyen. On travaille à l’intérieur de champs solidement quadrillés, à l’abri de lignes de démarcation qui bloquent coopération et initiatives transverses, mais qui font le lit des crises » Patrick Lagadec (Le Monde: « La culture française des crises est fondamentalement dépassée » 11/12/2001). Dans la formation d’enseignants aussi, on se contente souvent d’exercices très convenus (le cours ex cathedra puis les questions réponses…), à l’intérieur de champs quadrillés (les disciplines).
L’introduction de l’interdisciplinarité, la formation aux T.I.C., la formation psychologique (et non seulement le cours de psychologie qui ne présente aucune incertitude!) avec ses exercices, ses jeux de rôle, ses objets intermédiaires ne peuvent-ils pas être vus également comme des moyens de préparer les enseignants à gérer l’incertitude de leur profession et donc leur futur stress ?
Jacques Nimier