Institué en 2008, le service minimum d’accueil au primaire étalait sa volonté de réduire le droit de grève des enseignants. Quelques mois plus tard, la démonstration était faite qu’il avait échoué sur ce terrain. Il avait aussi réussi à dresser les maires contre lui. Le rapport des inspecteurs généraux Sylvie Escande-Vilbois, Daniel Auverlot et Marc Buissart met en évidence les insuffisances d’un fleuron d’un dispositif sarkozien. Le nouveau président aura-t-il le courage politique d’en tirer les conclusions ?
Rappelons-nous le contexte de la victoire de Nicolas Sarkozy. Il y a la volonté de casser le syndicalisme enseignant en limitant de facto le droit de grève. Le « service minimum d’accueil » prétend respecter un droit des parents à la garde de leurs enfants par le service public au moment même où l’Etat engage la disparition de la scolarisation à partir de 2 ans, la suppression des Rased et même de la formation des enseignants. Les communes sont astreintes à la mise en place d’un service de garde en cas de grève au-delà d’un seuil de 25 % de grévistes. Elles se voient verser une compensation financière. Les enseignants doivent se déclarer grévistes plusieurs jours à l’avance pour pouvoir exercer leur droit de grève. Une négociation préalable doit avoir lieu.
Un dispositif contesté dès 2008
La mise en place du SMA n’est pas sans rappeler des faits plus récents. Institué sans consultation des élus avec des conditions d’indemnisation incertaines, le SMA rencontre d’emblée la grogne des maires. Dès 2008, un sondage réalisé par l’Association des maires de France (AMF) auprès des maires, révèle que « le droit d’accueil des enfants en cas de grève des enseignants a posé des difficultés à près de la moitié des élus (46%), plus d’un quart d’entre eux (29%) ayant même eu « beaucoup de difficultés » à l’appliquer ». Les tribunaux avaient aussi beaucoup de mal à s’y retrouver. La maire de Paris, par exemple, montre dans Le Monde ( du 1er décembre 2008) qu’il lui est impossible d’accueillir 87 300 enfants et de trouver 6365 encadrants qualifiés en 48 heures. Le 27 novembre 2008, N Sarkozy lui-même admet qu’on « ne peut pas demander la même obligation de service à un maire d’une commune rurale qui n’a même pas dans ces collaborateurs un employé ayant le BAFA ou, pour ne viser personne, au maire de la capitale de la France ou d’une grande ville de un ou deux millions d’habitants. »
Un dispositif jamais mis en œuvre réellement
Quatre ans plus tard, le rapport de l’Inspection, rédigé en décembre 2012 mais publié seulement le 25 juillet 2013, met en évidence les défauts de cette loi. Le premier c’est de ne pas avoir mis en place un service universel. « Environ un tiers des communes disposant d’au moins une école a, durant cette période, mis en oeuvre le dispositif », estime le rapport. « Selon les différentes sources de la mission, la proportion des élèves accueillis peut être estimée en moyenne entre 10 et 20%, avec toutefois des disparités considérables ». La résistance des maires n’y est pas pour rien. Mais la loi est aussi difficile à appliquer. Ce dispositif très minoritaire n’a pas plus réussi à établir la négociation préalable qui suscite , selon le rapport, beaucoup de mécontentent.
Un dispositif dangereux
Mais là où le rapport est le plus persuasif c’est dans la dangerosité du SMA. On apprend en le lisant que les maires ne sont pas en mesure de vérifier que les encadrants sont en nombre suffisant pour accompagner les enfants. Les maires n’ont pas la faculté de vérifier qu’ils ne sont pas inscrits au fichier des prédateurs sexuels. La loi ne garantit pas non plus que les enfants nécessitant des soins particuliers soient pris en charge en sécurité. Or sur tous ces points la responsabilité personnelle des maires est engagée.
Du coté des enseignants, la préconisation n°16 fait froid dans le dos. Elle demande de « rappeler à l’autorité administrative compétente de détruire dans un délai qui ne saurait dépasser six mois à compter de la fin de la grève l’ensemble des déclarations individuelles d’intention quelle que soit la forme de leur transmission ». En clair elle confirme l’existence de fichiers illégaux d’enseignants grévistes dans l’administration de l’Education nationale.
Quelle réponse du ministre ?
En 2013, à nouveau l’Etat a tenté d’imposer aux communes de nouvelles dépenses éducatives avec les nouveaux rythmes. A nouveau les maires ont fait entendre leur voix et l’Etat a du débloquer des financements durables et régler la question de l’encadrement. Vincent Peillon osera-t-il s’attaquer au SMA, un dispositif dont la finalité répressive est confirmée dans le rapport ? Le silence ministériel sur ce sujet, la publication en plein été du rapport donnent à penser que le SMA, même dangereux, pourrait survivre au quinquennat Hollande.
François Jarraud