Le potager va-t-il changer le collège ? C’est ce qu’une équipe du collège Nicolas Boileau de Saint-Michel-sur-Orge a mis en oeuvre pour accueillir et motiver autrement des élèves de 6ème. Emblème de la classe, le potager a tout aussi bien soudé les enseignants et facilité le passage à l’évaluation par compétences.
En région parisienne, le collège Nicolas Boileau compte près de 600 élèves dans une commune de grande banlieue classée ZUS. Un établissement où les enseignants doivent se tenir les coudes pour que le collège « tourne » et que les élèves progressent. Avec le soutien de la direction de l’établissement, une équipe de sixième s’est lancée le défi du potager et de l’approche par compétences. Deux sujets pas évidents pour Jean-François Dru, professeur principal de la classe et professeur de lettres.
Les jardins scolaires existent parfois au primaire mais rarement au secondaire et en zone urbaine. Pourquoi avoir réalisé avec une classe de sixième un potager ?
A l’origine c’était l’idée du professeur de SVT. Il y avait l’idée de trouver un sujet qui associe le développement durable avec l’éducation alimentaire. Il fallait aussi que le thème retenu amène les élèves à faire des liens entre les disciplines. C’est ce qu’on a pu réussir avec le potager. Le potager, la construction de son hotel à insectes , ont été l’objet d’une exposition ce qui a amené les élèves à des travaux rédactionnels que j’ai pu utiliser en français. On est passé des compétences d’écriture au dire avec les exposés de présentation. Ca me permet d’éviter l’enseignement frontal. Par exemple les élèves rencontrent des difficultés grammaticales qu’ils affrontent avec mon aide sans entrer dans une leçon classique de grammaire. Le professeur devient dans ce cas un référent avec des élèves qui réalisent quelque chose. Ils ont davantage acteurs de leur apprentissage.
Mais pourquoi éviter l’enseignement frontal ?
Quand on a des élèves qui n’ont pas beaucoup d’appétit culturel, qui se désintéressent de l’école si on reste dans le frontal on risque de les perdre. Il faut que leur regard sur l’école change et pour cela il faut les rendre acteurs. Cela rend aussi les acquisitions plus faciles. En même temps, je n’abandonne pas totalement le frontal. Il en faut aussi. Mais je les invite à s’investir et je réalise ainsi le programme officiel en lui donnant un coté plus ludique. Le potager a aussi beaucoup aidé le professeur de mathématiques à suivre le sien.
C’est une ruse pédagogique ?
Oui mais le mot pourrait faire croire qu’on trompe les élèves. C’est surtout un moyen de motivation. On ne leur fait rien croire. On leur montre la réalité des compétences, leur réemploi entre les disciplines. La vie n’est pas cloisonnée…
D’où le passage à l’évaluation par compétences ?
On a lancé la classe sans notes pour la même raison : motiver les élèves et favoriser el travail interdisciplinaire. Chaque enseignant a fait clairement apparaître les compétences sur les supports d’évaluation. On a utilisé le livret personnel de compétences (LPC) mais aussi une simplification qui a fait qua dans toutes les disciplines les parents retrouvaient 4 capacités transversales, évaluées par l’ensemble des enseignants : Je m’organise, Je communique correctement à l’écrit comme à l’oral, Je sais m’informer (trouver des ressources), Je suis capable de raisonner : je sais mobiliser mes ressources.
Comment ont réagi les parents ?
La classe sans notes a accueilli des élèves dont les parents étaient volontaires. On continue l’année prochaine avec une montée en cinquième. Les parents sont satisfaits ils trouvent leurs enfants plus épanouis. Ils ont été un peu déstabilisés car il y a eu moins de copies. C’est pour cela qu’on a fait apparaitre des compétences globales dans le bulletin.
Et l’équipe pédagogique ?
L’évaluation par compétences a profondément changé la façon de travailler. On évalue en permanence les élèves donc on les observe beaucoup plus. Ensuite on travaille forcément davantage ensemble. C’est motivant. Il y a un autre aspect qui est aussi important. Travailler par compétences c’est une approche plus positive des élèves. On est davantage bienveillants avec eux. La relation devient meilleure et elle est davantage à double sens. C’est important.
Mais cela a-t-il eu un impact sur le niveau des élèves ?
On a de vrais progrès de niveau. Les élèves, à l’exception d’un d’entre exu, ont joué le jeu et se sont impliqués dans les travaux scolaires. Ils se sont beaucoup entraidés avec un véritable tutorat. Les questions posées par les élèves en difficulté ont fait progresser aussi les plus forts. Globalement les élèves ont eu plus confiance dans leurs capacités et cela les a rendu plus autonomes. Cela s’est ressenti par exemple en EPS où le professeur, quia toutes les 6èmes, a été étonné de leur facilité à se mettre au travail et à réfléchir à ce qu’ils faisaient.
Seront-ils mieux préparés quand ils reviendront dans des classes classiques ?
Ils auront acquis davantage de compétences. Ils auront davantage confiance et seront plus motivés.
Propos recueillis par François Jarraud