Peut-on réussir à faire jouer ensemble une cinquantaine de bambins de grande section de maternelle ? Ce défi est relevé par les enseignantes de l’école maternelle de la rue du Général Lasalle à Paris appuyées par une musicienne. Dans cette école d’un quartier populaire (REP et RRS), l’apprentissage de la musique nourrit les autres disciplines et la socialisation. Une grande réussite.
Vendredi 28 juin, à l’école Lasalle, comme dans des centaines d’écoles , c’est la fête de fin d’année. En plein Belleville, une centaine de parents se presse dans l’école. Ils forment une assemblée joyeuse et mélangée, majoritairement asiatique, à l’image du quartier. Les parents sont là, parfois les grands parents. Et on s’apprête à écouter l’orchestre des deux classes de grande section.
Partir et arriver à l’heure…
On n’est pas à l’école des fans et encore moins devant des petits prodiges. Mais avec des enfants ordinaires, perturbés par la présence de leurs parents et de leurs frères et soeurs. Et pourtant les morceaux démarrent « tous ensemble ». Quand Julie Dutoit lève un carton bleu c’est une équipe qui se lève et s’exécute. Hélène Ong et Magalie Meignan, les deux professeures des écoles, courent d’un groupe à l’autre et veillent au grain. On alterne des chansons qui associent tous les enfants avec des morceaux de musique qui ne font appel qu’à une partie d’entre eux. Il y a l’équipe des mi, des la, des ré , des sol. Ceux qui manient l’archet et ceux qui vont pizzicato. Ca démarre à l’heure et, plus fort encore, à la fin du morceau, tout le monde s’arrête exactement à la même seconde, archet suspendu en l’air.
Un projet qui relie enseignants, enfants et parents
En Rep et RRS (deux catégories qui marquent une école d’une zone prioritaire), l’école maternelle Lasalle bénéficie « d’une vraie équipe », souligne le directeur Philippe Caupenn. Elle multiplie les projets. Ainsi en grande section, en sus de la classe orchestre, les petits écoliers échangent des histoires avec les CP de l’école d’à coté. Ils bénéficient aussi du « parcours mathématiques » que les CM2 viennent encadrer une fois l’an.
Le projet de classe orchestre paraissait très osé à Hélène Ong. « Pourtant ça a extrêmement bien marché », dit-elle. « Tous les enfants essaient avec sérieux. Ils ont découvert le violon et poussent leurs parents à continuer à en jouer ». Le projet a rejailli sur l’expression en s’immisçant dans les échanges d’histoire avec les CP. Surtout il a permis de travailler la motricité, les rythmes et l’écoute. « Les enfants s’écoutent les uns les autres », nous dit H. Ong. « Ils restent concentrés ». La relation avec les parents s’est aussi améliorée comme l’atteste la foule venue assister à la représentation.
L’intervenante musicale, Julie Dutoit, souligne la parfaite coordination avec les professeures. « Elles ont repris en classe des éléments en faisant ainsi la jonction entre les séances. Sans cet encadrement je n’aurais pas eu la certitude d’y arriver ».
Pour quel avenir ?
La classe orchestre est appelée à monter en puissance et à faire passerelle en se prolongeant en CP l’année prochaine puis en Ce1. Le projet est soutenu par la Ville de Paris qui rémunère l’intervenante et paye la location des violons. Malgré la réussite de cette première année, son avenir n’est pas assuré. Il va dépendre de la réorganisation des activités à l’occasion des nouveaux rythmes scolaires. Pour la ville les nouveaux rythmes imposent de gros investissements pour la rentrée et une mobilisation de tous les intervenants disponibles. Or la classe orchestre n’est possible que par le travail commun, au même moment, des professeures et de l’intervenante. Ce n’est pas un projet périscolaire mais il nourrit le travail scolaire. Rue du Général Lasalle on espère que les violons reviendront l’année prochaine nourrir l’imaginaire des enfants, alimenter leur sociabilité, leur écoute et faire le pont avec les parents.
François Jarraud