Le niveau des élèves en histoire-géographie en 3ème s’est détérioré depuis 2006. Deux études de la DEPP (division des études du ministère de l’éducation nationale) sur les acquis des élèves en histoire-géographie montrent des évolutions opposées en cm2 et en 3ème. Si à l’école le niveau est resté stable depuis 2006, au collège il a nettement baissé. Reste à savoir pourquoi…
Les garçons et les filles
« Il faut faire un plan garçon d’urgence sauf en histoire-géographie ». La formule de Catherine Moisan, la nouvelle directrice de la Depp, souligne une des particularités de l’histoire-géo. A l’école comme au collège, les garçons y sont meilleurs que les filles, une situation trop rare pour ne pas être soulignée. Au collège les garçons ont ainsi des résultats plus marqués : les meilleurs sont deux fois plus nombreux en 2012 qu’en 2006 tout comme les plus faibles. Les filles sont moins nombreuses aux extrêmes. Avançons tout de suite une autre bonne nouvelle : à l’école comme au collège, les élèves aiment bien l’histoire-géo. Ainsi à l’école, 8 élèves sur 10 déclarent aimer al discipline et participer en cours, 6 sur dix aiment apprendre la leçon et 7 sur 10 faire des recherches.
Ces résultats viennent des deux études CEDRE réalisées par la Depp en 2012 publiées le 26 juin. Les enquêtes CEDRE étudient chaque année une discipline avec une comparaison des acquis sur 6 années. Elles permettent d’observer l’évolution des acquis dans les différentes disciplines sur des périodes assez longues. Les élèves sont testés sur des compétences précises. Ainsi , pour le collège, on demande aux élèves de savoir définir des termes du lexique, de caractériser des personnages ou des événements, d’analyser des informations, d’utiliser les outils de la discipline (une carte par exemple), de produire un écrit ou de localiser. Par exemple, en partant d’une carte des grandes découvertes, au collège, on va demander aux élèves de reconnaitre ce qui est représenté, de définir la période, de faire un classement chronologique des voyages et de produire un texte en utilisant des mots donnés. Ces compétences permettent d’évaluer l’élève en fonction des attentes et de le classer parmi un des 5 groupes allant de faible à fort.
L’école maintient le niveau
A l’école primaire, le niveau des acquis en histoire-géographie est en gros stable depuis 2006. Il y a peu d’élèves faibles (12%) et forts (11,5%) et leur taux reste stable sauf pour les plus forts qui augmente un peu. Les élèves les plus faibles ont des difficultés avec la maitrise de la langue. Les performances en géographie s’améliorent un peu. Un quart des élèves a acquis les compétences et connaissances attendues en fin de primaire et « commence à acquérir les concepts propres à ces disciplines ». Un tiers possède les bases leur permettant de suivre en collège. Il reste un quart des élèves qui a du mal « à rassembler des connaissances parcellaires ».
Le problème du collège
Au collège les écarts se creusent. On passe de 13% d’élèves faibles en 2006 à 18% en 2012, les très faibles doublant de 2 à 4%. En même temps les forts passent de 10 % en 2006 à 6% en 2012. On a ainsi une translation vers le bas de la courbe de répartition des niveaux qui concerne aussi bine l’histoire, que la géo ou l’instruction civique. En même temps l’enquête montre que les élèves continuent à bien aimer cette discipline.
Crise de l’histoire-géo ou du collège ?
La Depp se garde bien de proposer des explications et encore moins des recommandations. Mais de fait elle le fait en partie en avançant des hypothèses. Ainsi à l’école, l’étude rappelle l’opinion des enseignants sur les programmes de 2008. Les professeurs les jugent trop lourds . Mais justement tout va bien en histoire-géo, ce qui désavoue les propos des enseignants. Au collège, où les choses ne vont pas bien, l’étude se garde bien d’avancer une hypothèse institutionnelle , les programmes n’ayant pas changé sur la période observée.
L’étude croise les résultats avec les profils d’établissement. Elle constate que la dégringolade est deux fois plus rapide dans les collèges populaires que dans les autres (écart de 18 points contre 10). La Depp met en évidence deux facteurs pour expliquer la baisse. D’abord l’absence de travail des élèves. Un quart des élèves ne consacre que 15 minutes… par semaine à l’histoire-géo, un tiers de 30 à 120 minutes. Les élèves aimeraient l’ histoire-géo mais investiraient peu de travail dans une discipline jugée peu importante par 21% des élèves (un pourcentage en progression).
Une autre explication est donnée : « les élèves sont moins exposés en dehors du travail scolaire à l’histoire et à la géographie dans leurs pratiques culturelles ». Le pourcentage de jeunes déclarant ne jamais lire de livre ou de magazine sur ces sujets est passé de 19 à 36%. Internet ne compense pas ce manque : 70% des collégiens n’utilisent jamais Internet pour rechercher des informations sur ces deux disciplines. « Les élèves vivent-ils dans le même espace temps que nous ? » s’interroge C. Moisan. L’histoire-géo serait une difficile particulièrement concernée par la confrontation avec Internet. Les élèves ont accès à une mase d’informations et le professeur doit donner des repères.
Enfin la baisse en histoire-géographie se situe dans une baisse globale des compétences des collégiens. Or les difficultés des élèves en expression écrite rejaillit sur les compétences en histoire-géographie. La peur de l’erreur qui caractérise l’élève français aussi. 8% des élèves ne répondent pas aux QCM et 16% dès qu’il s’agit d’une question ouverte. Cette explication avait déjà été avancée lors de l’étude de 2006.
« Le manque de travail est réel », nous a confié Géraldine Duboz, une enseignante en collège. « Je ne parle pas de travail écrit (je n’en donne pas) mais d’apprentissage des leçons. Il y a dix ans, les élèves même les plus en difficultés apprenaient leurs leçons (dates, vocabulaire, localisations…) et parvenaient à avoir de très bonne notes aux contrôles de « repères ». Ils étaient fiers. Maintenant le même profil d’élève n’essaie même pas ». La fracture Internet ne semble pas explicative pour elle car Internet est utilisé par elle en classe. « Les élèves sont très intéressés par la matière, posent énormément de questions, sont ravis de faire des activités collaboratives, mais reculent un peu devant l’effort d’apprendre ».
Alors que le ministre a mis à l’agenda de l’éducation la réforme du collège en 2013-2014, l’étude semble en montrer l’urgence. Plus qu’une crise de l’histoire-géo, la baisse globale des performances et le creusement des inégalités dans le système éducatif sont mis en évidence dans l’enquête de la Depp. C’est aussi le rapport à la culture dans le système éducatif qui est interrogé. Des points marquants de la crise du collège.
François Jarraud