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Le dossier à télécharger (en pdf) – L’affichette pour la salle des profs (en pdf)
« […]
« Ce n’est pas moi qui vous le dis, mais des scientifiques spécialisés dans l’étude de la lecture, qu’il s’agisse de neurologues, de psycholinguistes ou de linguistes. On observe sur cette question un consensus remarquable de la communauté scientifique, aussi bien en France qu’à l’étranger. […] Je citerai en particulier l’étude de grande ampleur qui a été menée en 1998- 1999 au Etats-Unis par l’Institut national de la santé des enfants et du développement humain ( National institute of child health and human development ). Il a en effet examiné l’efficience des différentes méthodes de lecture utilisées à l’école, sur un large panel d’écoles. Le résultat a été très clair : les méthodes « systématiques » sont supérieures non seulement aux méthodes idéovisuelles, mais aussi aux méthodes semi-globales. » |
Les études anglo-saxonnes ?
André Ouzoulias
[…] Or, si certains concepts, positions et débats ont un fondement évident dans les pays de langue anglaise, il n’est pas certain qu’on puisse les transposer si simplement dans les autres pays ni dans les pays de langue française et encore moins dans le contexte scolaire et pédagogique de la France.
[…] En fait, le système orthographique de l’anglais est tel qu’aucune règle ne permet de décider comment se prononcent de nombreuses lettres, notamment les voyelles. […] En anglais, il est très difficile de produire de façon sûre, par décodage, la forme sonore de mots entrevus pour la première fois. […]Pour plus de 30 % des cas, c’est seulement parce qu’il connaît la prononciation du mot anglais.[que le lecteur y parvient]
De plus, plusieurs recherches, comme celles de Melher et Segui montrent qu’en français, la syllabe est l’unité cruciale de traitement à l’oral . Il est donc normal que le lecteur français cherche à produire des syllabes quand il rencontre des mots inconnus. Mais en anglais, c’est plutôt la structure consonantique et l’accent tonique qui jouent ce rôle ; le rôle de la voyelle au « noyau » de la syllabe étant moindre dans le traitement de l’oral, cela diminue par voie de conséquence l’intérêt de la fusion syllabique (le fameux beu-a ba) dans le décodage.
Par ailleurs, les syllabes anglaises sont souvent du type CCVC (star), CCVCC (start), CCCVC (street)… ce qui rend difficile la fusion des phonèmes consonantiques […]. En français, les syllabes orales sont plus souvent du type CV (comme dans pantalon, joli, bateau…) et la fusion syllabique en lecture s’en trouve facilitée.
On voit que l’usage du « beu-a ba » en lecture pose plus de problèmes en anglais que dans la plupart des autres écritures alphabétiques. […]
De même, ce sont certainement les caractéristiques de la langue orale anglaise et de son système orthographique qui conduisent de nombreux pédagogues d’outre- Manche et des USA à accorder une importance cruciale à ce qu’on appelle, en psycholinguistique, la « conscience phonologique des phonèmes »,[…]. C’est ce qui conduit l’enseignant à attirer fortement l’attention des élèves sur la structure phonémique du mot oral […]
Par contraste avec cette contrainte que la langue anglaise et son écriture font porter sur l’apprentissage, on peut penser que, dans des orthographes transparentes et avec des langues dans lesquelles la voyelle est le centre évident de la structure syllabique, la forte correspondance entre les éléments visuels de l’écrit et les phonèmes, […]assure une bonne « visibilité » des phonèmes. […]
Dès lors, c’est seulement avec des enfants susceptibles de ne pas pouvoir saisir les nuances de la phonologie de la langue d’apprentissage que le pédagogue de ces langues « transparentes » va devoir organiser un apprentissage plus explicite et plus systématique de la segmentation phonologique […]
Texte intégral :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/contribs_ouzoulias.aspx
Roland Goigoux
Pour justifier l’obligation de la méthode syllabique et l’exclusion de toutes les autres méthodes, le ministre a sollicité la caution de recherches en sciences cognitives. Est-ce fondé ?
[…]les résultats avaient déjà été pris en compte dans les programmes de 2002. Ces études, toutes anglo-saxonnes, soulignaient la nécessité d’enseigner systématiquement, dès le début du cours préparatoire, les correspondances entre phonèmes et graphèmes, […] Toutefois, ils précisaient que cet apprentissage reposait aussi sur « l’analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises », […]. Autrement dit, les activités d’analyse et de synthèse étaient jugées complémentaires et les maîtres incités à les conduire de front.
C’est sur ce point que le ministre revient aujourd’hui en arrière […]. Il nomme « semiglobales », pour les stigmatiser et les interdire, toutes les méthodes qui intègrent ces activités. […]Les travaux anglo-saxons précités indiquent seulement la supériorité des méthodes phoniques sur les méthodes globales. Parmi les méthodes phoniques, personne n’a comparé celles qui sont exclusivement synthétiques (qui se cantonnent au B-A, BA) à celles qui sont interactives, c’està- dire qui combinent analyse et synthèse. Pour être plus précis, les méthodes jugées aujourd’hui » semi-globales » par le ministre seraient, pour la plupart, qualifiées de phoniques dans les pays anglo-saxons […] Dès lors, on s’explique mal les raisons qui poussent le ministre à condamner ces méthodes qui ont, dans les pays anglo-saxons, fait la preuve de leur efficacité.
Les recherches invoquées ne permettent donc pas de soutenir les injonctions pédagogiques ministérielles ?
Bien sûr que non. […]le 30 novembre 2005 le directeur de l’enseignement scolaire encourageait les auteurs d’un projet à « expérimenter » et évaluer la méthode syllabique dans quelques écoles (résultats annoncés pour 2008) ? Un mois plus tard, celle-ci devenait néanmoins obligatoire dans tout l’hexagone !
Quel crédit accorderait-on à un ministre de la Santé qui imposerait de la même manière un médicament unique à tous les médecins généralistes sans validation préalable?
Le plus ennuyeux dans cette affaire est que des scientifiques, parfois de bonne foi, se sont laissé instrumenter et servent aujourd’hui de caution à ces prescriptions aventureuses. […] Ils ignorent que les méthodes à dominante phonémique, qui font du déchiffrage la cible principale de leur intervention, sont archi-majoritaires en France.
Texte intégral :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/contribs_goigoux3.aspx
Page publiée le 03-02-2006