Interview : David Sillé-Champême, Académie de Paris – Quelques liens pour l’enseignement oral du latin
Interview de David Sillé-Champême, enseignant de lettres classiques dans l’académie de Paris qui pratique le latin oral avec ses élèves de collège. Il utilise images actives, un logiciel de l’Académie de Versailles pour analyser des tableaux… en latin !
CP – Bonjour David Sillé-Champême et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Où exercez-vous ?
DSC – J’enseigne depuis 16 ans en collège et j’ai toujours eu la chance d’enseigner le latin et le grec régulièrement. Actuellement en fonction au collège Jean-François Œben dans le XIIe arrondissement de Paris, je partage les heures de langues anciennes avec une collègue dynamique et stimulante, Nathalie Blanc, webmestre de http://www.tic-et-nunc.com/.
CP – Quelle est la situation des langues anciennes dans votre établissement ?
DSC – Une initiation « latin » de 3 heures a été accordée par la chef d’établissement pour les élèves de 6ème, ce qui nous permet d’avoir environ 50% de latinistes parmi les 5ème (52 élèves cette année, 54 l’année prochaine). L’effectif et les heures de 4ème et 3ème varient en fonction de la motivation des élèves et de la politique de l’établissement qui offrent une grande diversité d’options et d’activités.
CP – Qu’est-ce qui vous a poussé à utiliser la méthode orale pour enseigner le latin et comment avez-vous adapté cette méthode à l’analyse de tableaux ?
DSC – Chaque année, j’ai perçu l’étonnement, voire la déception des élèves lorsqu’ils comprenaient que cette langue ne serait pas vraiment pratiquée à l’oral comme l’anglais, l’espagnol ou l’allemand. Certains documents plus ou moins anciens encourageaient pourtant à la pratiquer comme une langue vivante. Quel enseignant de latin n’a jamais appris à ses élèves de collège à saluer ou se présenter en latin ? Et ce type de séance n’a-t-il pas toujours un impact positif ? Dans le cadre d’une réflexion sur nos pratiques, ma collègue et moi avons donc décidé de passer le Rubicon des professeurs de latin. Contrairement à l’ordre établi depuis plusieurs générations, ordre qui a imposé l’écrit et la traduction comme voie privilégiée d’accès à la langue, nous avons tenté une nouvelle approche d’enseignement du latin comme langue vivante. Cela s’est traduit par l’utilisation orale et écrite du latin pour la présentation d’exposés, pour l’étude des textes (sous forme de questions et de résumés des textes) et pour l’étude d’images (tableaux, sculptures etc.). Dans le cadre de l’étude de tableaux, une fiche pratique a été fournie aux élèves et un vocabulaire complémentaire adapté à chaque tableau a permis de compléter celle-ci. Cette activité a d’abord été pratiquée régulièrement à l’oral puis a donné lieu à des préparations ou bien à des reprises écrites. Le latin vivant, on le voit, n’est pas seulement un latin oral. Cependant, la pratique orale, toujours valorisée , quelles que soient les fautes des élèves, a permis dans un premier temps de libérer du poids de l’écrit, puis dans un deuxième temps, elle a aidé les élèves à s’exprimer par des phrases simples avec une certaine facilité. Le travail par groupe à l’aide du logiciel « images actives » a alors été proposé, les tableaux de J.-L. David portant sur des sujets antiques ont paru appropriés . Les élèves guidés par le logiciel lui-même ont cherché à mettre des mots sur les éléments des tableaux. Aidés tout au long de ce travail, tant dans la recherche d’une formulation simple que dans la correction des fautes (sans pour autant leur fournir les formes correctes), ils ont eu à cœur de bien faire afin de présenter un travail abouti. La recherche de la signification des objets, des postures des personnages et des couleurs a aussi été un élément moteur. La présentation orale des tableaux a alors permis la confrontation des tableaux de David et des travaux.
CP – L’enseignement audio-oral du latin facilite-t-il, d’après vous, les acquisitions grammaticales et lexicales et leur mémorisation ?
DSC – L’écoute et la production orale de phrases a manifestement favorisé l’acquisition de certains réflexes, les élèves comprennent rapidement les fautes signalées et les corrigent le plus souvent seuls. L’intérêt de la production orale est la multiplication de phrases qui utilisent une structure identique. Cela se substitue alors à l’exercice de grammaire répétitif écrit qui suscite moins de motivation. En effet, la description orale, qui demande une production dans une situation de communication utilitaire, apparaît comme plus naturelle. Ce travail est bien sûr noté comme dans un cours de langue vivante. Toute prise de parole est notée favorablement (on insiste sur l’importance d’une participation régulière), le niveau de langue est aussi pris en compte.
CP – A votre avis, quel impact ce projet a-t-il eu auprès de vos élèves ? A-t-il modifié leur perception des langues anciennes ?
DSC – Ce travail de production a particulièrement mobilisé les élèves, y compris ceux moins motivés qui voulaient participer à ce projet ambitieux au même titre que leurs camarades.
CP – Disposiez-vous dès le départ de solides connaissances en informatique ou vous êtes-vous formé au fil des difficultés ?
DSC – Je connaissais le logiciel mais je n’ai pas eu besoin de montrer aux élèves son utilisation. Je me suis borné à indiquer aux élèves la présence d’exemples en ligne et surtout celle du tutoriel. Ceux qui étaient en difficulté ont profité des compétences des plus doués pour réussir à utiliser correctement le logiciel.
CP – Quel conseil donneriez-vous aux collègues qui souhaiteraient se lancer dans le latin oral ?
DSC – Souvent les professeurs hésitent à se lancer par crainte de ne pas être suffisamment à l’aise devant leurs élèves, voire de commettre d’affreux solécismes ou pire d’insupportables barbarismes !!! Sed nos omnes, latinae linguae magistri, latine loqui et scribere possumus !!! Cela demande un peu d’entraînement mais des structures simples avec un vocabulaire réduit pour permettre aux élèves de s’exprimer et de se comprendre ne poseront aucune difficulté, et si nous commettons une erreur oralement… après tout, verba volant… Des documents accessibles en latin d’aujourd’hui (blogs, sites, vidéos, livres) permettront de se plonger dans une langue savoureuse et parfois drôle, dont on prendra soin de retenir le vocabulaire classique sans avoir peur d’ajouter quelques mots nouveaux comme computatrum, l’ordinateur.
CP – Le partage de documents personnels en ligne est parfois une chose difficile pour les professeurs de lettres dont le travail est plus « personnel » et « intime » que celui d’un professeur de sciences, par exemple. Comment vivez-vous cette mutualisation de vos travaux ?
DSC – Je suis toujours ravi de trouver moi-même des ressources nouvelles. Il me semble donc naturel d’en partager aussi. J’y vois aussi l’occasion de m’obliger à une réflexion plus aboutie sur mes pratiques.
CP – De façon générale, qu’a amené à votre avis le numérique dans l’enseignement des langues anciennes pour le professeur?
DSC – Le numérique en langues anciennes est une ressource formidable qui donne accès à de nombreux textes, documents et logiciels. Je n’y vois qu’un enrichissement extraordinaire même si la multiplication des sources d’information et des nouveautés technologiques nous conduit à une réflexion nécessaire sur leurs utilisations.
CP – Pouvez-vous nous donner un aperçu des différentes productions « informatiques » que vous demandez à vos élèves (exposés, enregistrements audio ou vidéos, autres…) ?
DSC – J’ajouterai à celle déjà évoquée certaines prestations filmées qui pourraient être exploitées sur un site (extraits de textes poétiques ou de discours, scènes de théâtres, présentation de soi et de sa famille).
CP – En classe, disposez-vous ou utilisez-vous un matériel informatique spécifique : TBI, tablettes numériques… ?
DSC – En classe, j’utilise un vidéoprojecteur relié à un ordinateur. Mon écran peut disparaître pour laisser place à un tableau classique. Une connexion internet permet d’utiliser une grande variété de documents. En outre, une petite tablette sans écran, une sorte d’ardoise virtuelle, permet d’annoter des phrases, une image ou bien d’écrire sur l’écran. Celle-ci est en bluetooth et les élèves peuvent donc l’utiliser de leur place. Les nouvelles générations de tablette avec un stylet plus fin et un écran tactile où l’on voit ce que l’on fait devraient favoriser et améliorer cette pratique.
CP – avez-vous d’autres projets en tête ? Si oui pouvez-vous nous en dire un mot en exclusivité ?
DSC – L’utilisation de « symbaloo » par les élèves afin de travailler sur la notion de sites et d’outils de références. Ils créeront leur page et ajouteront la mienne à la leur.
http://www.symbaloo.com/mix/francaislatingrecoeben?searched=true
CP – Quels sont vos 5 sites web ou blog langues anciennes préférés ?
DSC – Nihil novi sub nocte :
– Tic et nunc
– Latine Loquere
– Remacle.org
– un site clair qui soit mis à jour régulièrement où seraient regroupées et classées les meilleures ressources pédagogiques, ce site reste à faire…
CP – Juste avant l’été, un conseil de lecture, de cd ou de film, en rapport avec les langues anciennes ou non, que vous avez découvert dernièrement et que vous conseilleriez à nos lecteurs ?
DSC – Mes deux dernières lectures en latin sont :
Les Nugae de Nicolaus Borbonius (ou Nicolas Bourbon), auteur néo-latin d’un recueil d’épigrammes. Plusieurs d’entre elles, dans l’édition de 1538, concernent directement François Ier. Son latin est globalement classique et il est plaisant de se plonger dans cette époque où le latin est encore bien vivant !
Harrius Potter et Philosophi Lapis : agréable et utile pour se mettre au latin d’aujourd’hui ! Si le texte semble difficile au début, une lecture préalable de sa version française ou anglaise aura l’effet d’un coup de baguette magique
Présentation de l’utilisation du logiciel Images Actives pour l’analyse de tableaux en latin sur le site de l’académie de Paris :
http://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_745593/utiliser-images-actives-pour-an[…]
Page de présentation et de téléchargement du logiciel Images Actives sur le site de l’académie de Versailles :
http://images-actives.crdp-versailles.fr
Quelques liens pour l’enseignement oral du latin :
– le site Viae Neolatinae d’Olivier Rimbault qui propose entre autres plusieurs articles de Claude Fiévet, initiateur de la méthode audio-orale
– un article « Oraliser le latin pour mieux le comprendre en classe de LCA de Sylvie Justome, IA-IPR de lettres, académie de Bordeaux :
http://disciplines.ac-bordeaux.fr/lettres/uploads/news/60/file/CR-Atelier-oralisation.pdf
– le site du Cercle Latin de Paris pour discuter en latin :
http://www.circulus.fr/nos/qui_simus/qui_simus_francogallice.php
– le site Ephemeris pour suivre les actualités en latin :
– écouter la radio en latin :
http://yle.fi/radio1/tiede/nuntii_latini/
Trois comptes Twitter en latin vivant :
@NemoOudeis
@Irisatus
@amicustwittor (David Sillé-Champême)
@latin_bot
@Vallensis
– les vidéos de radiobremen :
http://www.radiobremen.de/podcasts/latein-video/latein-video100.html
– une encyclopédie : Vicipaedia
– vocabulaire de base pour les débutants :
http://www.lexilogos.com/latin_vocabulaire.htm
– pour écrire une lettre en latin ou se présenter oralement :
http://web2.crdp.ac-versailles.fr/pedagogi/Lettres/latin/forum/forumlatin.htm
– un blog :
http://nemo-nusquam.blogspot.fr/
– un jeu :
http://www.purposegames.com/game/familia-simpson-game
– des vidéos pour les débutants :
http://www.youtube.com/watch?v=tUIMCbIiRec&feature=plcp
http://www.slu.edu/colleges/AS/languages/classical/latin/tchmat/rud.html
– une video en latin oral :
http://www.youtube.com/watch?v=H2aGPahky8M&feature=channel&list=UL
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