Réunis à Paris les 12 et 13 juin, une centaine de formateurs à l’enseignement intégrés des sciences et de la technologie (EIST) ont échangé savoirs et réflexion, formant une communauté apprenante extrêmement riche. Si l’EIST reste très minoritaire dans les collèges, les professeurs qui y participent sont convaincus de leur démarche.
Changement d’ambiance. C’est ça qui surprend le plus dans ce séminaire. Alors que les salles des profs sont souvent moroses, dans les salles du lycée Jean Zay à paris, la centaine d’enseignants réunis les 12 et 13 juin affichent une bonne humeur communicante. Ils viennent pourtant majoritairement d’établissements d’éducation prioritaire. Mais la flamme est intacte et vivement réchauffée au gré des contacts.
Expérimenté depuis 2006, l’EIST propose une autre organisation des enseignements scientifiques et de la technologie au collège afin de mettre en oeuvre la démarche d’investigation caractéristique des pratiques scientifiques et technologiques et décloisonner les disciplines. Pour Xavier Turion, directeur adjoint à la Dgesco, l’EIST renforce le parcours des élèves au moment où ils passent du maitre unique, au primaire, à la pluralité des professeurs. Avec l’EIST, les élèves n’ont plus qu’un seul enseignant pour 3 disciplines.
Invitées au séminaire national, Fatima Rahmoun et Aube Mangin, professeures au collège Aimé Césaire, un établissement prioritaire du nord-est parisien, ne sont pas près de quitter l’EIST. « L’EIST nous permet de travailler dans de bonnes conditions », nous dit Fatima Rahmoun. « On a plus d’heures et des groupes d’élèves moins nombreux. Du coup on peut enseigner autrement, on faut vraiment des sciences. On a du temps pour réfléchir, manipuler, argumenter, rendre compte ». L’EIST privilégie la démarche d’investigation qui met les élèves en activité devant des problématiques. Lors du séminaire Fatima et Aube ont présenté avec leur collègue de technologie des travaux d’élèves sur les engrenages basés sur les recherches de Léonard de Vinci.
« Au début, arriver à respecter toutes les disciplines, c’est compliqué », reconnait Fatima. « On risque d’en maltraiter une. Mais avec le temps on prend en charge mieux les différentes disciplines dans le projet. Mais ce n’est pas pour autant que les élèves y perdent. Les collègues nous disent qu’ils sont remarquables par leur curiosité, leur engagement et les compétences qu’ils ont acquises ». « On découvre les autres disciplines et c’est comme un sang neuf qui arrive au cerveau. A la fin on finit par envier la discipline de la collègue », affirme Aube.
Et les élèves ? « On travaille en investigation, dans un esprit de recherche en confrontation avec le réel. C’est difficile pour nos élèves de l’éducation prioritaire. La démarche exige un engagement réel, des capacités d’expression. On se rend mieux compte de leurs efforts ici, dans ce stage où on est mis dans la même posture qu’eux. »
Mais est-ce efficace ? Pour l’astronome et académicien Pierre Léna, la question ne se pose plus. « Il y a eu en 2011 une évaluation officielle de la DEPP (ministère de l’éducation nationale) qui montre qu’au niveau des contenus, les élèves qui suivent l’EIST en ont autant que leurs camarades. Sur le plan de la curiosité, de l’attitude envers les sciences, il y a beaucoup de progrès avec l’EIST. On reconnait d’ailleurs ces élèves bien après la 5ème ». Pour lui, « il est urgent de changer l’enseignement des sciences au collège. On sait qu’en fin de 3ème la majorité des jeunes ont perdu le gout des sciences. S’ils demandent à aller en série S, souvent ce n’est pas pour faire des sciences mais pour pouvoir accéder à telle ou telle école. Au final, on manque de scientifiques. On a une école bien faite mais qui ignore les changement dans les sciences et les technologies. Pour l’enseignement des lettres ce n’est peut-être pas grave. Mais pour l’enseignement des sciences ça veut dire que les apports du 20ème siècle restent ignorés ».
Aujourd’hui l’EIST est en progression mais reste ultra minoritaire. 129 collèges y participent, majoritairement en éducation prioritaire. Il n’y en avait que 53 en 2010-2011. Au total, l’EIST concerne 312 classes de 6ème et 26 de cinquième, ce qui est très peu. Certains collèges l’abandonnent. Pour X. Turion cela tient aux mutations qui font éclater les équipes. Mais aussi à la perte des heures de concertation que certaines académies ont supprimé. Tous les recteurs ne semblent pas également convaincus des bienfaits de l’EIST.
François Jarraud