Peut-on parler différemment du bac ? A première vue rien de plus cadré que la traditionnelle présentation du bac rue de Grenelle. Pourtant, le 12 juin, Jean-Paul Delahaye, directeur général de l’enseignement scolaire, a renouvelé le genre en donnant à sa présentation une dimension sociale qui tranche avec les années précédentes et en mettant l’accent sur la capacité à faire évoluer le bac.
Tout le monde n’a pas le bac…
« On constate qu’il y a encore de très grandes inégalités dans notre pays dans l’accès au bac général et technologique ou même professionnel », a déclaré Jean-Paul Delahaye en ouvrant la présentation du bac 2013. « Trois catégories sociales dans notre pays aujourd’hui voient pour leurs enfants les chances d’obtenir le bac quel qu’il soit diminuer. Ce sont les enfants d’inactifs, d’employés de service et d’ouvriers non qualifiés ». JP Delahaye a donné des chiffres. Sur la génération qui est entrée en 6ème en 1995 et dont on peut suivre la scolarité, 13% des enfants d’inactifs n’ont même pas atteint la 3ème, contre 0,4% des enfants d’enseignants. 9% des enfants d’inactifs, 13% des enfants d’ouvriers non qualifiés ont obtenu un bac général contre 72% des enfants d’enseignants. « En réalité dans notre pays les écarts sont en train de se creuser… et tout le travail de la refondation de l’école est…de réduire ces écarts insupportables de réussite selon les origines sociales », a déclaré JP Delahaye. « C’est important d’avoir ces chiffres en mémoire… Tout le monde n’a pas le bac. Tout le monde n’entre pas en université. On a des marges de progression importantes chez les jeunes d’origine populaire ».
Le bac n’est pas immobile…
JP Delahaye a rappelé les 664 709 candidats de terminale qui se présentent aux bacs. 338 186 (51%) présentent un bac général, 142 835 un bac technologique et 183 688 un bac professionnel. C’est 5% de candidats en moins qu’en 2012 du fait de la baisse du nombre de candidats au bac professionnel. Celui-ci perd 40 000 personnes car 2013 est la première année où il n’y a plus que des élèves issus du bac en 3 ans. En 2012, on cumulait encore des formations en 3 ans et en 4 ans.
« Le bac ne souffre pas d’immobilisme » a déclaré JP Delahaye. Il a présenté les nouvelles épreuves. De nouveaux enseignements sont évalués pour la première fois comme en série générale Droit et grands enjeux du monde contemporains et informatique. Des épreuves totalement nouvelles sont proposées comme en SES ou en langues. En série technologiques on a également un nouvel enseignement technologique en langue étrangère en STI et STL, une épreuve de projet en STMG. Pour JP Delahaye, ces nouvelles épreuves facilitent la poursuite d’études dans le supérieur en travaillant la capacité d’autonomie des élèves.
Bac pro : Pas de retour en arrière
Interrogé sur le taux d’échec montant au bac professionnel, « Bien qu’on soit attentifs à mieux accompagner les élèves,… notre pays ne reprendra pas une formule qui va à contre courant de l’histoire », a affirmé JP Delahaye en évoquant le bac pro en 4 ans. « On ne retournera pas au bac en 4 ans ». Il a promis la création de passerelles entre bac pro et CAP.
Silence sur le coût du bac….
Jean-Paul Delahaye a été beaucoup moins disert quand il a été interrogé sur le coût du bac. Le premier syndicat de chefs d’établissement avait avancé le chiffre de 1,5 milliard. JP Delahaye n’a pas écarté cette somme alors même que ses services indiquent 83,60 euros par candidat, soit environ 55 millions pour l’épreuve de terminale. Il a jugé « très intéressant » le calcul du SNPDEN mais a affirmé que « ce n’est pas la question d’aujourd’hui », mettant fin ainsi à tout commentaire.
Pourtant le communiqué du Snpden continue à faire des vagues. Le Snes juge le texte du Snpden « pas honnête ». Le syndicat contre attaque : le texte » oublie de rappeler que, depuis 2008, les chefs d’établissement touchent une coquette prime pour l’organisation du bac ». Surtout » passer en contrôle continu, comme le propose le syndicat de chefs d’établissement, signifierait que les élèves obtiennent leur bac localement, dans leur établissement, notés par leurs enseignants de l’année. Quelle que soit la conscience professionnelle des enseignants, et elle est grande, qui ne voit les dérives d’un tel système pour la justice sociale ? »
Au Sgen, on évalue plutôt le coût du bac en terme d’échec pédagogique. » Il faudrait intégrer dans ce calcul, ce que coûte à la nation l’échec des 35% de jeunes formés, et celui, considérable, des étudiants qui arrivent non préparés dans l’enseignement supérieur et qui échouent en première année », écrit le Sgen. Pour le Sgen, pas de replâtrage mais » il faut transformer de fond en comble le bâtiment pour, enfin, construire un dispositif qui soit un véritable passage entre secondaire et supérieur ». Le bac reste une passion française.
François Jarraud