Spécial enseignant ! Psychopédagogue, Jacques Nimier donne des pistes pour aider les enseignants à mieux préparer leurs élèves à l’épreuve du bac.
On a tous fait l’expérience de situations d’examen où on a pas réussi à mobiliser toutes ses connaissances et compétences. Quelle peut être la part du « psychologique » dans ces situations ?
Très variable! Il peut y avoir des conditions physiologiques, on peut être à moitié malade, tomber sur un sujet sur lequel on a fait une impasse etc. Mais évidemment il peut y avoir également des raisons psychologiques: le stress de l’examen, l’ambiance familiale « qui met la pression », un état semi-dépressif dont on a pas pris conscience, jusqu’à un désir inconscient d’échouer!
Dans un examen il ne se joue pas que la note finale ?
Non, bien sûr. Il se joue également un renforcement ou non de l’image de soi. Une construction de cette image avec ses déceptions et ses surprises qui aura des conséquences pour l’orientation : »Je ne me croyais pas si fort en maths et je suis déçu par ma note de philo, moi qui voulais devenir prof de philo! », construction d’image renforcée ou au contraire contredite par les parents heureux ou non des résultats.
La peur de réussir existe également, elle peut être alimentée par un désir inconscient d’échec: « je ne mérite pas de réussir », « Si je réussis je ne saurais pas quoi faire », « Je ne veux pas faire mieux que mon père ou ma mère, ce serait les trahir », « je dois me punir pour ce que j’ai fait par ailleurs », « j’ai peur de grandir, d’affronter la vie, la fac, l’inconnu, je préfère redoubler et rester au lycée que je connais bien ». Bien sûr ces affects sont souvent inconscients mais ils agissent d’autant plus sur l’élève.
Que le jeune soit reçu ou non, il va se jouer un scénario important entre lui, ses copains, ses enseignants et ses parents. Des désirs multiples s’agitent en lui: « faire plaisir aux parents, à son enseignant qu’il aime bien ou les embêter! », « imiter ou non les copains pour les retrouver ou par indécision », mais également ses désirs profonds en tant que sujet. Il va devoir faire face à un conflit entre ces désirs, conflit qui peut aboutir à des surprises pour les enseignants et les parents: orientation non prévue, enthousiasme excessif, dépression… Heureusement dans la plupart des cas, et c’est ce qui est préférable, l’avenir a été prévu et se fait comme prévu!
C’est seulement la peur de l’échec qui mène à ces situations ?
Certains appellent cela le stress de l’examen. Le stress advient quand la représentation qu’on a par exemple d’une épreuve est trop différente de la représentation que l’on a de ses capacités à faire face à cette épreuve.
On voit ainsi que le stress dépend de deux choses:
– l’image qu’on a du bac construite à partir de ce que disent les copains, les enseignants, les parents (tout particulièrement de leur attente) « c’est très difficile » « tout le monde l’a »…
– l’image qu’on a de soi-même, de ses capacités : « je suis nul », « on me dit que j’ai pas assez travaillé », « j’ai toujours du bol »…
Plus la différence est grande, plus le stress est grand. (voir : Dossier stress http://www.pedagopsy.eu/dossier_stress.htm )
D’un autre point de vue, on peut dire que le bac par son aspect actuel: reçu / collé (il n’y a pas de milieu, c’est un tout ou rien) refait surgir des angoisses antérieures (qu’on appelle angoisse de castration). Autrement dit la forme du bac actuel est anxiogène en elle-même. Alors qu’on pourrait envisager d’autres formes: bac de profils, bac de modules cumulables… On ne peut donc pas s’étonner du stress des jeunes passant leur bac. Le contraire serait plutôt étonnant!
Que peuvent faire les enseignants pour aider les élèves face à ces épreuves ?
Plusieurs réactions me paraissent possibles, elles découlent des remarques précédentes:
a) Faire prévoir par les élèves ce qu’ils feront dans les deux cas (reçu / collé) . Cela demande des entretiens avec les élèves, les parents, au moins avec certains! (Voir : Dossier entretien http://www.pedagopsy.eu/dossier_entretien.htm ) de façons que le résultat n’apparaisse pas comme une « catastrophe irréparable ». Dans tous les cas on sait ce qu’on fera même si on préfère une solution à l’autre et cela créerait une certaine sécurité.
b) Eviter de trop se servir de la « motivation extrinsèque » (voir : Dossier motivation http://www.pedagopsy.eu/dossier_motivation.htm ) « si vous ne travaillez pas, vous serez collé ». C’est-à-dire ne pas trop « mettre la pression », on oublie trop souvent que lorsqu’on met trop la pression sur une personne elle se défend et ne va pas dans le sens que l’on souhaite ou…elle craque (dépression http://www.pedagopsy.eu/dossier_depression.htm ) !. Une atmosphère de classe « tranquille » sans menaces mais dans un cadre sécurisant et clair, solidement tenu, est bien plus efficace pour diminuer le stress. Ce cadre peut en particulier contenir « un plan de révision » donné suffisamment en avance dans l’année. Cela tranquillise les élèves dans la mesure ou ils peuvent prévoir l’avenir (et donc leur donner l’impression de le maîtriser!)
c) Encourager les réussites tout au long de l’année (ni trop, ni trop peu). C’est-à-dire, pour l’enseignant, passer par dessus sa peur d’être trop indulgent, de risquer d’avoir des notes et une moyenne trop élevées et de donner une image de lui laxiste vis-à-vis de ses collègues .
d) Pour ceux qui sont formés en conséquence, faire des petites séances de relaxation en début de cours. (voir le site : Ecole et relaxation http://www.ecole-et-relaxation.com/html/actu.htm )
e) Si on s’en sent capable organiser quelques temps de « parole libre » où les jeunes peuvent exprimer ce qu’ils ressentent sur ce bac qui approche. La mise en mots du stress, s’il est accueilli, est bénéfique pour eux. (Voir le livre : La parole des lycéens http://www.pedagopsy.eu/livre_gouze.htm )
Jacques Nimier