Julien Destefabis, 32 ans, professeur de français, a choisi d’adjoindre la fonction de préfet des études à celle de professeur référent qu’il exerce depuis plusieurs années. Chargé du suivi de l’ensemble des élèves de Quatrième, au Collège Jules Romains à Nice, il voit cette évolution comme une plus grande ouverture d’action. Mais l’indétermination de la fonction et de sa durée pourraient devenir, pour lui, une source d’inquiétude et d’usure professionnelle.
Préfet des études, que fait-on ? « Je coordonne les actions pédagogiques et éducatives sur le niveau 4ème. J’essaie de décloisonner ces domaines pour des élèves en grande difficulté scolaire. 50% font l’objet d’un suivi lourd, instauré avec la CPE. Je reçois tous les élèves en demi-groupes pour faire du français, en tant que professeur supplémentaire, également en soutien, et en suivi de vie scolaire. »
Une fonction intégrée ? « On ne peut pas dire que ma fonction de préfet des études soit vraiment bien intégrée (il faut dire que ce titre suranné n’y aide pas!) et les collègues ne voient pas vraiment ce que je fais. Ils pourraient avoir parfois tendance à se décharger sur moi des difficultés des élèves. La mission de professeur référent (que je poursuis en parallèle) est mieux repérée. Mais celle de préfet m’ouvre davantage de possibilités, elle ne tourne pas uniquement autour du français et des projets culturels. »
Quel pilotage, quelle formation ? « Le manque de pilotage est patent, tant sur le plan local que national. Il y a un cahier des charges et une lettre de mission, mais aucune formation. Je me suis aidé de ma propre connaissance du réseau, héritée de ma première fonction, j’ai participé au travail de recherches à l’IFE avec Patrick Picard, mais ce sont des initiatives personnelles. Hors de ce travail à l’IFE, j’ai très peu de contacts avec des collègues exerçant des fonctions similaires. Je me suis organisé comme je le sentais… et j’obtiens des résultats. Cela tient énormément au travail en coopération avec CPE, infirmière, assistante sociale, proviseur, etc. »
Concrètement, quelle forme d’action ? « A titre d’exemple, j’ai mis en place un cahier de suivi pour les élèves : lors d’une rencontre toutes les trois semaines, on pose un diagnostic des problèmes de scolarité et de vie scolaire, on établit des objectifs modestes sur la base de leur engagement et on évalue ensuite s’ils les ont tenus. C’est une démarche à petits pas, sans ambitions spectaculaires, mais qui donne des résultats. J’ai aussi monté un atelier « métier de l’élève » où l’on travaille à partir de textes et d’images sur l’éthique, la laïcité, l’égalité filles-garçons, mais aussi les regards sur les adultes, sur les parents… L’évaluation se fait sur les compétences 6 et 7 du socle, sans note chiffrée. »
Et les parents ? « Les parents ont bien accueilli ce rôle – il faut dire que je me suis engagé bénévolement auprès d’une association de quartier qui m’a permis de les intégrer aux actions avec les élèves. Tout repose beaucoup sur les initiatives individuelles et l’implication personnelle… De toute façon, il faut bien se lancer et expérimenter des choses, puisqu’il n’y a rien. »
L’avenir ? « J’aimerais bien que tout ça soit davantage formalisé. Pour travailler en réseau, on a besoin d’être reconnu et identifié, par les parents, les élèves, les divers partenaires. Ce serait plus simple si on était clairement installé dans une mission particulière officielle. Ce qui est vraiment stressant, au fil du temps, c’est de ne pas savoir si la mission va être prolongée d’une année sur l’autre. Vraiment, cela m’aiderait que ma mission soit officialisée. »
Jeanne-Claire Fumet