Que peut faire une collectivité territoriale pour aider efficacement à ce que chaque jeune tire profit de l’offre éducative ? Depuis 2001, la région Ile-de-France a fait du programme « Réussite pour tous » un puissant outil pour favoriser le maintien en formation et lutter contre le décrochage scolaire. Le 29 mai, la région réunissait les acteurs du dispositif pour écouter leurs propositions avant dessiner une nouvelle étape du projet et de signer une nouvelle charte avec les rectorats franciliens. Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France en charge des lycées a écouté des chefs d’établissement, des enseignants, des responsables d’associations et des jeunes exposer leurs réalisations et communiquer leurs attentes. C’est la réalité du terrain scolaire qui s’est fait entendre.
De la massification à la démocratisation
« Il s’agit pour la région, dans le cadre de ses compétences de contribuer pleinement à la réalisation de l’ambition de démocratisation du lycée pour permettre à chaque jeune, quelque soit son milieu social, son lieu de vie, sa culture, les difficultés qu’il peut rencontrer dans son parcours, de réaliser son projet personnel et professionnel et d’entrer en confiance dans sa vie d’adulte ». En ouvrant la réunion, Henriette Zoughebi a rappelé l’évolution du programme Réussite pour tous. Depuis 2001, ce programme régional aide les lycées, les micro-lycées, les structures de formation à accompagner des jeunes qui connaissent des difficultés jusqu’au terme d’une formation. La région compte entre 25 000 et 30 000 décrocheurs et elle a adopté en avril 2013 un nouveau plan de lutte contre ce fléau. Elle décidera en septembre de la redéfinition du plan Réussite pour tous avant de signer une nouvelle convention avec les rectorats franciliens.
Retours du terrain
En 2012-2013, 140 projets de prévention du décrochage scolaire ou de rescolarisation ont été engagés dans une centaine de lycées, bénéficiant à plus de 8 000 élèves, pour un montant total de subventions régionales de 1,08 M€. De nombreux projets ont été mis en place en direction des classes de seconde où se concentrent un grand nombre de difficultés et où le taux de redoublement atteint parfois 30%, ainsi que des premières années de CAP et Bac Pro. Quelques uns de ces projets sont exposés lors de la réunion.
« On a réalisé ce film ensemble ça a changé la classe ». Mme Benbassa, proviseure du L.P. Romain Rolland de Goussainville, est venue accompagner de plusieurs élèves pour témoigner de l’importance du bien être dans l’établissement pour mobiliser les élèves. Les élèves font du théâtre, écrivent et réalisent un film avec le concours de professionnels. Le lycée a aussi mis en place une passerelle avec un CFA qui fonctionne dans les deux sens et colle au mieux aux attentes des jeunes le splus éloignés de l’école. Au L.P. Le Champ de Claye de Claye Souilly (77), la proviseure, Mme Garcia, et son équipe misent aussi sur des activités d’expression comme des ateliers d’écriture pour créer un climat de confiance avec les jeunes. « Dans ce lycée, j’ai compris que je pouvais devenir une lycéenne modèle », témoigne une élève. Nathalie Broux et Mme Thiébot, proviseure, témoignent du travail du micro lycée J Brel de La Courneuve (77), une petite structure qui accueille des jeunes décrocheurs et les remet d’aplomb pour faire des études générales. Suit le Pole innovant lycéen de Paris, avec Philippe Goémé, un autre micro-lycée qui accueille des décrocheurs ayant connu des parcours très variés et les accompagne sur un parcours de formation à la carte. La reconstruction de la relation avec les parents est un point fort du dispositif.
Ces projets soutenus par Réussite pour tous montrent les axes du programme : le travail sur l’estime de soi, le soutien psychologique, l’apprentissage à travers le théâtre ou le cinéma du vivre ensemble, la maitrise du langage écrit et oral, l’aide au projet professionnel, la préparation d’entretiens. Autant d’axes qui reviennent dans les témoignages. Dans la salle les acteurs témoignent des difficultés à faire entrer certains élèves dans les apprentissages. « De plus en plus de jeunes ne sont pas disponibles aux apprentissages », explique Mme Garcia. Les rapport avec les adultes sont un autre problème bien repéré. « A Jacques Brel j’ai compris ce qu’est le rôle d’un enseignant », explique Fatima, une élève. Il s’agit aussi de faire découvrir que les adultes ne sont pas forcément des ennemis. La dimensions intergénérationnelle des projets est une constante. Au PIL de Paris on met beaucoup d’énergie dans la reconstruction de la relation familiale. Le travail sur la vie lycéenne est aussi perçu comme une nécessité.
Des responsabilités nouvelles pour la région
« La région va avoir des responsabilités nouvelles par exemple en matière d’orientation », a souligné Henriette Zoughebi en concluant la réunion. « Il va falloir une volonté politique forte. Mais aucune politique n’est possible sans les acteurs de terrain que vous êtes ». Elle a synthétisé les témoignages des acteurs : la nécessité de redonner de l’espoir aux jeunes, de dégager du plaisir dans les apprentissages, l’importance des mots et de la culture pour atteindre ces objectifs, l’importance du rôle des entreprises, la nécessité de rendre les dispositifs plus lisibles.
Trois points particuliers témoignent de la qualité de ces échanges franciliens. La région va , avec le soutien des rectorats, soutenir le droit à l’erreur des jeunes. Dans 4 territoires, les jeuens bénéficieront d’un accompagnement renforcé pour leur orientation. Des passerelles entre L.P. et lycée général seront testées, et cela dans les deux sens. La région va aussi renforcer son aide sociale aux jeunes décrocheurs. Il s’agit de faire face aux difficultés de logement ou de trouver une place en crèche aux jeunes mères qui reprennent des études. Enfin les acteurs présents dans la salle ont tous témoigné du besoin d ‘une plate forme de communication entre eux. Sur ce terrain là également la région répondra présent.
François Jarraud
Le programme Réussite pour tous