Est-ce un nouveau virage pour l’enseignement catholique ? Le 18 avril 2013 les évêques français ont adopté un nouveau statut de l’enseignement catholique qui remplace celui de 1992. Ce texte, que le Café pédagogique s’est procuré, sera officiellement présenté lors de la Convention organisée le 1er juin à Paris. En pleine bataille du « mariage pour tous », le nouveau statut ne se limite pas a créer deux nouveaux organismes nationaux (un pour les propriétaires des écoles et un pour l’enseignement supérieur). Il renforce la tutelle des évêques sur les établissements. L’école catholique, qui scolarise un élève sur cinq dans un cadre contractuel qui limite fortement son originalité, veut-elle se distancer de l’Etat et rétrograder vers ses racines ? Pierre Marsollier, en charge de la réécriture du statut au secrétariat général de l’enseignement catholique, répond à nos questions.
Ces nouveaux statuts mettent-ils en place une nouvelle organisation de l’enseignement catholique ?
C’est plutôt une mise en forme de pratiques qui avaient vu le jour spontanément. C’est le cas par exemple avec les Conseils académiques de pilotage (CAP), des structures de travail collégial des directions diocésaines et des organisations de chefs d’établissement. Ils existaient sous une forme ou une autre. Maintenant ils sont formalisés.
Le précédent statut datait de 1992. Pourquoi en changer maintenant ?
Parce que certaines questions restaient pendantes. Pas tant en ce qui concerne les structures qu’en ce qui concerne le sens. Il était important de se dire ce qui fait la différence de l’enseignement catholique, qui état un peu caché jusque là.
Peut-on alors parler d’affermissement idéologique ?
Parlons plutôt de culture. On porte quelque chose. On met en oeuvre une mission d’Eglise. Ca doit avoir une incidence dans les statuts par exemple la recherche de collégialité (comme dans les CAP).
Quand même le nouveau statut affirme clairement une identité. L’article 86 dit que « la conception chrétienne de l’homme… modèle la didactique, la pédagogie et la relation éducative ». L’article 181 parle de la « dynamique missionnaire de l’école catholique ». Et le 183 dit que « la tutelle veille à ce que les projets éducatifs soient explicitement fondés sur l’Evangile ». On a là un affermissement certain de la dimension religieuse.
C’est plutôt la volonté d’être au clair pour être mieux au service de la société et du dialogue avec les autres. Quand on veut entrer en dialogue il faut d’abord dire qui on est. Sinon la dialogue échoue. La vérité sur soi est une condition du dialogue. Il ne s’agit donc pas de se refermer sur soi mais au contraire d ‘ouverture.
Pensez-vous mieux coller aux demandes des familles ?
On leur propose quelque chose et il faut donc être clair avec elles. Leurs motivations sont variées mais nous pensons qu’elles viennent chercher cette proposition.
D’après le statut, la proposition de l’enseignement catholique n’est que religieuse. Elle pourrait être pédagogique par exemple…
Cette proposition renvoie surtout à une vision de l’homme, à la dignité de la personne humaine. Certains de nos établissements ont une majorité d’élèves qui sont d’origine religieuse très différente. Et ce n’est pas un problème dès lors que nous sommes au clair. Dans les écoles à enracinement religieux, nos écoles sont sans doute les plus ouvertes en terme d’exigence confessionnelle.
Quelle place ferez vous au personnel non catholique dans vos établissements ?
C’est très fréquent dans le personnel. On ne demande pas aux personnes leur certificat de baptême quand ils entrent chez nous. On leur demande qu’ils aient connaissance de ce que nous proposons et qu’ils aient envie d’y participer. Il y a une exception : les chefs d’établissement ont une mission d’église.
Comment voyez vous la place de l’enseignement catholique dans le monde éducatif ? Une réponse à une problématique sociale particulière ? Un projet éducatif spécifique ?
J’espère une originalité pédagogique. On ne peut pas décider que tous les établissements soient orientés vers la mixité sociale ou l’éducation des élites. Chaque école a son projet et une proposition éducative. J’espère qu’on sera les plus innovants, les plus en phase avec les attentes de la société et les plus attentifs aux fragilités des jeunes. Mais pour tout cela on a du chemin à faire. L’origine de nos établissements tient souvent au constat qu’a fait une personne d’une carence sociale forte. Il ne faudrait pas perdre ce fil. Il faut identifier les nouvelles fragilités sociales pour les accompagner au mieux.
Mais en Ile-de-France où la ségrégation sociale est forte, les collèges catholiques des Hauts-de-Seine ne comptent aujourd’hui que des élèves favorisés…
Il y a des exceptions. L’enseignement catholique a aussi réagi à cette ségrégation avec son plan égalité des chances. On va le poursuivre même sans aide de l’Etat et continuer à ouvrir des écoles dans les zones défavorisées, comme le 93, là où elles étaient absentes. C’est ce que nous avons fait avec le collège lycée Jean-Paul Deux à Trappes par exemple, ou avec des écoles dans les quartiers nord de Marseille. On le fait même si on porte seuls le coût de l’immobilier. En même temps on ne va pas vivre sur le mode de la culpabilité. Les jeunes qui bénéficient de nos écoles ont aussi des urgences éducatives et il ont le droit qu’on soit là. Pour nous il faut garder tout le front éducatif.
Propos recueillis par François Jarraud