« Vous êtes de futurs académiciens ». Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française exagère sans doute. Le 23 mai, elle s’adresse à une cinquantaine de jeunes et d’enseignants lauréats des 13 prix du concours « Dis moi les dix mots ». Ils viennent du monde entier. Mais ils ont un point commun : la découverte du pouvoir des mots.
Chaque année, l’opération « Dis-moi dix mots », initiée par le Ministère de la culture, avec l’Education nationale et les Affaires étrangères, propose dix mots à partir desquels les élèves sont invités à réaliser une production littéraire qui peut prendre différentes formes (texte, son, vidéo, diaporama, affiche, site internet …). Le concours permet un travail intéressant sur le lexique, cherche à stimuler la créativité, lance une dynamique de projet dans un cadre qui peut être transdisciplinaire. Cette année les mots sont choisis en fonction de leur destin international. Les 10 mots sont entrés dans des langues étrangères : atelier, coup de foudre, bouquet, savoir-faire…
Près de 500 classes ont participé au concours, principalement des collèges mais aussi une centaine de lycées généraux et technologiques et une cinquantaine de centres de formation professionnelle et de lycées professionnels. Mais, dans la grande salle de l’Institut de France, ce sont les élèves étrangers qui font sensation. Les lycéens béninois du Bon berger de Godomey font rire toute la salle quad ils récitent une poésie qui réutilise les noms des personnalités présentes. Les élèves du lycée franco-libanais Habbouche Nabatieh émeuvent la salle quand ils parlent du Liban Sud et de leur rapport à la langue française.
C’est le lycée technologique lycée René Descartes de Cournon-d’Auvergne, dans la banlieue de Clermont-Ferrand, qui obtient le premier prix de sa catégorie avec des élèves de première STI2D arts appliqués. « Les élèves sont très ouverts car les arts appliqués font réfléchir au monde, à l’époque », nous confie Valérie Rey, professeur d’arts appliqués. « J’ai vu dans le projet un bon moyen de travailler la relation texte – image ». Les élèves ont réalisé un ouvrage en utilisant les 10 mots imposés et en jouant avec eux artistiquement et lexicalement. Ils sont partis du zéro, de la page blanche et de son vide angoissant pour dessiner chacun une typographie. « Le concours permet de découvrir les élèves. On a toujours des surprises en arts appliqués c’est ce qui rend ce métier merveilleux. Les élèves se sont appropriés des techniques auxquelles on avait pas pensé comme la vidéo ».
« Maintenant les élèves lisent le courrier de la maison. Avant elles n’osaient pas ». Sophie Hoarau, professeur de français au lycée François de Mahy, à Saint-Pierre de la Réunion, est fière de ses élèves et de son projet. Elles ont obtenu le premier prix pour les établissements professionnels. Dans une classe de première année de CAP agent de restauration elle a ouvert un atelier d’apprentissage de la lecture pour ses élèves en situation d’illettrisme. « Il fallait sortir les élèves de la classe pour leur redonner de la confiance et les ramener dans la classe. Il fallait aussi quand on les réintégrait dans la classe que la classe soit patiente avec ces élèves en difficulté. Ils ont joué le jeu et la classe a été très porteuse de ce projet. Du coup, ça a déverrouillé l’angoisse des élèves ». Dans le cadre du concours, les élèves ont réalisé une série d’oeuvres qui illustrent des créations littéraires autour des 10 mots en lien avec le créole. Le projet a aussi permis de nouer des relations avec les parents. « Les parents ont reconnu les difficultés de leurs enfants et eux-mêmes ont participé à des ateliers lecture ». Sous la coupole de l’Institut, face aux académiciens, les élèves mesurent le chemin parcouru avec leur professeur.
François Jarraud