Par François Jarraud
Sommaire :
- An I : La démographie contre Peillon
- An I de la refondation : Peillon seul contre tous…
- An I : Salaire : De l’art de gérer la pénurie…
Alors que le ministère publie un dossier bilan de la refondation de l’Ecole, force est de constater à quel point ce bilan ministériel est occulté. Pourquoi ?
La refondation a un an, rappelle le ministère qui publie à l’occasion un dossier bilan. Le document met l’accent sur les mesures engagées pour la rentrée 2013 : 9 000 postes nouveaux, création des ESPE, loi de refondation. Il énumère 5 engagements présidentiels tenus sur cette année. Il s’agit de l’augmentation de l’ARS, de la création de 60 000 postes dans l’Education nationale, de l’accueil des moins de trois ans en maternelle, du socle commun, de l’aide aux élèves en difficulté, de la priorité au primaire, de la réforme des rythmes et du plan artistique et culturel.
Evidemment sur tous ces sujets l’avancée est inégale. Ainsi le dernier point, le plan pour l’éducation artistique et culturelle, « est en préparation ». La transformation des méthodes pédagogiques est inscrite dans la loi de refondation mais chacun sait que rien n’a bougé dans les établissements. La nouvelle formation initiale commencera à apparaitre à la rentrée 2013. Quant à la formation continue, elle restera indigente faute de crédits. Seuls les enseignants du primaire devraient bénéficier d’un système de formation continue à distance assez ingénieux.
Le bilan de cette année d’action ministérielle est en réalité important. Il y a eu un apport d’oxygène sensible dès la rentrée 2012, avec 4500 postes supplémentaires dont 1 200 enseignants et la création de 1 500 AVS par exemple. Enfin le travail réglementaire et législatif est colossal : la loi de refondation, la réforme de la formation initiale sont engagés sur des délais très courts.
Pourtant l’enthousiasme des premiers temps a fait place à la déception et au scepticisme. A cela plusieurs raisons. Il y a d’abord le maintien des cadres de l’ancien gouvernement. Qu’ils aient été politiquement engagés ou non ils ont symbolisé et porté une politique vivement rejetée par le monde enseignants. Or il a fallu presque une année à V. Peillon pour comprendre que des postes symboliques devaient bouger. Cette permanence a amené l’encadrement à favoriser la continuité sur le changement. Sur le terrain, on se heurte toujours au même autoritarisme, à l’absence de bienveillance.
Les priorités ministérielles n’ont pas suivi celles de la profession enseignante. L’exemple des rythmes scolaires est emblématique. Certes la réforme la plus difficile ne peut être faite qu’en début de mandat. Mais pour les enseignants elle est moins urgente que le changement des programmes par exemple qui pèsent très lourdement sur le quotidien de la classe. L’écart chronologique entre la réforme des rythmes et les 250 millions qui y sont liés et la discussion sur les 90 millions destinés en partie aux professeurs des écoles est aussi éclairant. D’autant que cette dépense est déjà inscrite au budget.
L’impatience des acteurs de l’Ecole est très importante. Dans les établissements et les écoles, le changement on le veut tout de suite. Les 60 000 postes sont attendus maintenant même si pour des raisons évidentes ils ne pourront réellement commencer à arriver qu’en 2015. Les nouveaux programmes il les fait immédiatement, même s’ils ne peuvent être écrits avant que le Conseil supérieur des programmes ne soit installé et en tenant compte du délai d’un an pour rédiger les manuels. Sur ces deux points, come sur d’autres, des raccourcis n’ont pas été recherchés et le ministère va son rythme comme s’il avait encore 4 années devant lui.
Ce rythme apparait en décalage avec la récession. C’est évidemment le plus important facteur de scepticisme. La dégradation économique fait passer la refondation de l’Ecole dans les dernières préoccupations des Français. Le président de la République lui-même ne l’évoque plus. Le doute s’installe sur la sanctuarisation du budget de l’Education nationale et par suite sur l’application des réformes engagées. Il faut plus qu’un bilan officiel pour aller contre.
François Jarraud
La croissance du nombre d’élèves très importante à la rentrée 2013, importante en 2014 va réduire d’autant la marge de manoeuvre de l’éducation nationale pour mettre en place les réformes voulues par le ministre de l’éducation nationale.
+ 70 000 à la rentrée 2013
Selon les évaluations du ministère de l’éducation nationale (DEPP), près de 70 000 élèves supplémentaires seront scolarisés à la rentrée 2013. Cette hausse très sensible (environ 10% d’une génération) portera moitié sur le primaire et moitié sur le secondaire. 17 000 nouveaux élèves devraient entrer en préélémentaire essentiellement du fait de la croissance démographique. Après des années de baisse de la scolarisation, le ministère prévoit une hausse de 3 000 enfants de moins de 3 ans. A cela s’ajoutent plus de 16 000 écoliers qui entreront à l’école élémentaire à la prochaine rentrée. Ce sont donc 34 200 élèves supplémentaires que l’école devra accueillir soit l’équivalent de 1 400 classes.
Dans le secondaire, le gros de la croissance se portera sur le collège qui accueillera 16 800 élèves supplémentaires. Les effectifs diminueront en 6ème et 5ème mais augmenteront en 4ème et 3ème. Le lycée général et technologique verra ses effectifs augmenter de 9000 lycéens. Enfin le lycée professionnel accueillera 12 800 élèves supplémentaires malgré la fermeture des Bep.
+ 40 000 à la rentrée 2014
A la rentrée 2014, 32 000 nouveaux écoliers devront être accueillis dont 3 000 moins de 3 ans. Mais c’est sur l’école élémentaire que la hausse se porte, le pré élémentaire sera stable. Dans le secondaire la hausse est moins importante (+ 9 100). Le collège gagnera 4 000 élèves supplémentaires. Le lycée général et technologique 8 500. Mais le lycée professionnel perdra 3 600 élèves.
Les réformes freinées
La rentrée 2013 sera la première rentrée depuis des années où le nombre de postes augmentera. On ne sera donc pas dans le scénario de ces dernières années où la hausse démographique s’accompagnait de fermetures de classes directes ou indirectes (à travers la suppression des postes de remplaçants). Mais sur les 3 000 postes créés à la rentrée dans le premier degré, presque la moitié devront être consacrés à la croissance démographique. C’est autant de postes en moins pour mettre en place le plus de maîtres que de classes voulu par V. Peillon. Le dispositif phare de la refondation, susceptible de lutter contre la baisse de niveau constatée dans le système éducatif français, se déploiera de façon moins importante que prévue. Moins d’enseignants pourront constater le changement dans les 53 000 écoles françaises. Ce frein perdurera à la rentrée 2014. La « priorité au primaire » sera décidément difficile alors que la réforme des rythmes agitera les écoles.
Dans le secondaire les 35 500 élèves supplémentaires pourraient absorber environ 3 000 postes sur les 3 800 emplois supplémentaires créés à la rentrée. Là aussi les moyens disponibles pour mener des politiques seront amputés. Mais la situation deviendra meilleure en 2014 alors que des réformes du lycée et du collège pourraient voir le jour en 2015.
Déjà aux prises avec de nombreuses difficultés pour mettre en place ses réformes, dont la moindre n’est pas la difficulté de recruter des enseignants, les efforts de V. Peillon vont être freinés par l’insolente croissance démographique française. Un des rares domaines où la France s’impose en Europe.
François Jarraud
Etude DEPP
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/70/8/DEPP_NI_[…]
A l’occasion d’un déjeuner de presse, le 30 avril, Vincent Peillon a fait le point sur une année d’action rue de Grenelle. Un bilan qui le pousse à réfléchir sur le pouvoir et à se lâcher un peu…
« Jamais autant n’a été fait en aussi peu de temps ». Vincent Peillon souligne le travail législatif et réglementaire mené depuis sa nomination. Il a enchaîné la concertation, la loi de refondation, la remise sur les rails de la formation des enseignants, les débats parlementaires. Un travail effectivement colossal marqué par des combats qui laissent des traces.
Un ministère difficile à piloter
« Il ne suffit pas de faire des circulaires. Il faut aller sur le terrain vérifier ». Le ministre est conscient de tous les freins dans l’application des réformes tout au long de la hiérarchie dans un ministère où « tout est vertical ». « J’essaie d’avoir un rapport direct » avec les cadres explique-t-il. V Peillon avait réuni 1400 IEN et 200 DASEN le 8 février à Paris pour faire passer la réforme des rythmes. Il devrait réunir prochainement tous les inspecteurs. Il souhaite pouvoir écrire à tous les enseignants par mèl. « On essaye d’organiser le travail entre l’administration centrale et le terrain », dit-il. « C’est dans l’ordre de mission du secrétaire général ».
Lâché par les syndicats ?
« Je prends les plus courageux. Je regarde derrière. Il n’y a plus personne ». Ce n’est pas tant sur les rythmes que sur la revalorisation que V. Peillon en veut aux organisations syndicales. Tel syndicat du primaire « a mis la revalorisation des enseignants du primaire dans ses objectifs mais ne signe pas le protocole d’accord », souligne -t-il. Les syndicats du secondaire « ont tous dit qu’ils étaient pour la priorité donnée au primaire, mais que demanderont-ils pour les certifiés, les infirmiers etc. ? Le jour où on va poser la question des temps de service, du cadre d’emploi je ne suis pas sur que ça va aller loin… »
Et par JM Ayrault ?
Le fonds d’amertume est sur les rythmes scolaires. « Il y a eu des erreurs. J’ai tout pris sur mes épaules », affirme V. Peillon. « Mais j’avais raison ». Le ministre estime que les interventions de « l’interministériel », c’est à dire le premier ministre, ont gêné la mise ne place de la réforme. « Quand mon ministère pilote cette politique tout va bien. Dès que ca passe à l’interministériel c’est plus difficile… On aurait du s’y prendre autrement ». Le ministre craint la perte d’intérêt pour l’Ecole dans le débat public. « L’Ecole est trop absente du débat politique ». Pour lui le protocole d’accord salarial qu’il essaie de faire signer est un moyen de bloquer un budget pour la revalorisation des enseignants du primaire sur trois ans. « Il y a eu 600 millions pour les collectivités locales; Rien pour les profs ». Il reste à convaincre les syndicats et Bercy…
François Jarraud
Peillon réunit les IEN
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/02/0[…]
Alors que le gouvernement refuse toute revalorisation indiciaire, le ministère de l’éducation nationale propose un « protocole d’accord » qui introduit des « axes de travail » pour des montants non chiffrés. Le protocole pose les principes d’une prime pour les enseignants du primaire. Mais tout reste à négocier, notamment le montant et le calendrier…
Annoncée depuis des mois, la « revalorisation » des enseignants semble devoir faire long feu. Dans un contexte budgétaire qui se dégrade, ce n’est pas vraiment une surprise. La crise rattrape l’Ecole en France comme ailleurs. Mais comment entretenir le dialogue social quand on n’a pas grand chose à proposer ? C’est l’exercice que Vincent Peillon, après d’autres, doit effectuer. Le résultat palpable c’est que l’on passe à un protocole qui n’engage ni sur des sommes ni sur un calendrier.
Pas de dégel du point fonction publique
Dans un communiqué commun, la Fsu, la Cftc, la Cgc, FO, Solidaires manifestent leur « complet désaccord avec la volonté gouvernementale de ne pas aborder la question de la valeur du point d’indice avant mi-2014″. Ils refusent que » les agents de la Fonction publique fassent toujours les frais de la crise économique ». Et ils rappellent « les pertes de pouvoir d’achat et la nécessité de rompre avec la politique de gel sans précédent de la valeur du point d’indice ». Le gel mis en place par la droite est prolongé. Concrètement il se traduit par la baisse continue du salaire net que les enseignants peuvent constater. Cependant il n’a pas frappé de la même façon tous les agents du ministère, les cadres ayant bénéficié de primes particulières sous les gouvernements précédents.
Un protocole d’intentions
En même temps, Vincent Peillon a proposé aux syndicats un « protocole d’accord » qui fixe de grands principes sur la revalorisation sans fixer de chiffres précis ou de calendrier.
Après avoir rappelé que » la refondation mobilise de nombreux moyens pour les personnels », le protocole propose « trois axes de travail » que le gouvernement et les syndicats signataires reconnaitraient.
Il s’agit d’abord de la revalorisation des catégories C, c’est à dire les personnels administratifs aux salaires les moins élevés, et des enseignants contractuels.
Mais l’essentiel concerne les enseignants du primaire. Le protocole fixe le principe du « rapprochement des niveaux de rémunération et des perspectives de carrière des corps des professeurs des écoles, certifiés, PEPS, PLP, CPE ». Dans ce rapprochement, qui n’inclut pas les agrégés, seuls les professeurs des écoles ont à y gagner. Leurs perspectives de carrière (accès à la hors classe) sont inférieures à celles des professeurs du secondaire et ils ne bénéficient pas de l’ISOE, une prime versée seulement dans le secondaire.
Le protocole propose » la création d’une indemnité au bénéfice des enseignants du premier degré visant à reconnaître des missions qu’ils accomplissent au titre du suivi et de l’évaluation des élèves ». Elle serait notamment liée à » des temps de concertation et de travail en équipe, notamment pour mettre en place la nouvelle organisation des rythmes scolaires et les projets éducatifs territoriaux (PEDT) ». Il propose également » la convergence des taux de promotion à la hors classe ».
Le protocole invite aussi à envisager la création de nouveaux « grades d’avancement » et à travailler sur els carrières des médecins et infirmiers de l’éducation nationale, deux catégories où le recrutement est difficile tant l’écart est fort avec les rémunérations du privé ».
Signer ou ne pas signer ?
» Les mesures pour l’année 2013 seront arrêtées courant avril-mai après discussion avec les organisations représentatives des personnels signataires du présent protocole », souligne le texte comme si les non-signataires pouvaient être exclus d’un enjeu social aussi important.
En attendant leur réaction, un syndicat, l’Unsa, invite à s’engager dans la négociation. » Ce protocole constitue un signal politique fort de prise en considération de l’incontournable revalorisation du métier d’enseignant », estime le Se-Unsa, « et cela malgré un contexte économique difficile. Il ouvre des négociations sur les demandes portées par le SE-Unsa depuis de nombreuses années comme l’ISOE pour les PE, l’égal accès à la hors-classe de tous les enseignants et CPE, ainsi que de nouvelles perspectives pour tous. » Le syndicat annonce qu’il « s’engagera pleinement dans ces discussions pour y conquérir des avancées légitimes pour les personnels, à la fois sur des mesures immédiates et d’autres qui s’inscriront dans une programmation pluriannuelle ».
C’est une façon de laisser entendre qu’il n’y aura pas grand chose à glaner cette année. Le ministère ne pourra pas aller au delà de 60 millions pour l’ensemble des personnels et encore à condition que de nouvelles décisions budgétaires ne viennent pas exiger un énième effort pour l’éducation. 60 millions pour un peu moins d’un million de salariés : la revalorisation part sur un cycle long…
Dans le climat actuel, le protocole d’accord ministériel, s’il pose des priorités qui devraient être assez partagées, est surtout une ordonnance de patience.
François Jarraud
Communiqué Fsu etc.
http://w3.fsu.fr/Reaction-des-organisations.html
Protocole d’accord
http://www.se-unsa.org/IMG/pdf/protocole.pdf
100 euros ou rien ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/02/20022013Ar[…]
Sur le site du Café
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