Retour de la religion, appui aux fondamentaux et recentralisation : un vent conservateur balaie l’école espagnole. En Espagne le Conseil des Ministres a approuvé le 17 mai la loi organique de réforme de l’Education (Ley Orgánica de Mejora de la Calidad Educativa). Cette loi, aussi appelée loi Wert du nom du ministre de l’éducation, est plus que controversée et a entraîné plusieurs manifestations.
Recentralisation
Par cette réforme, qui affecte surtout le secondaire, a pour objectif de rééquilibrer le niveau scolaire en Espagne. Le gouvernement entend contrôler le contenu des matières enseignées dans les différentes Communautés Autonomes et les heures imparties pour chaque discipline. En effet, le Ministère de l’Education contrôlera jusqu’à 65% des matières pour celles qui ont une deuxième langue officielle (catalan, euskera, galicien) et 75% dans les régions où l’on ne parle que l’espagnol.
Les réactions sont vives dans ces Communautés bilingues, notamment en Catalogne. En effet, obligation est faite aux Communautés autonomes ayant une deuxième langue officielle, de proposer aux élèves dans les établissements publics un enseignement du castillan (langue officielle en Espagne et considérée comme langue véhiculaire entre les régions). Dans le cas où ce ne serait pas possible, les Communautés Autonomes devraient le proposer à leur charge dans un centre privé. Il ne s’agit pas de privatisation de l’éducation, mais de garantir aux familles espagnoles que leurs enfants pourront suivre l’enseignement de l’espagnol où qu’ils soient en Espagne.
Le retour de la religion
Autre élément de polémique : la disparition de l’Education civique (Educación para la ciudadanía) en primaire et secondaire, au profit d’une matière « Valeurs Ethiques » (valores éticos). Les élèves pourront choisir entre cette nouvelle matière et la Religion, qui avait disparu des programmes. Cette décision représente pour certains une régression car la Religion faisait partie intégrante des programmes sous la dictature franquiste et jusqu’en 1970. D’autre part, cette matière comptera dans la moyenne, ainsi que pour l’obtention de bourses, et sera prise en compte pour le redoublement éventuel.
Renforcer les fondamentaux
A travers la réforme, le gouvernement espagnol vise à renforcer les matières fondamentales tant dans le primaire que dans le secondaire : davantage de castillan, de langues (et plus particulièrement l’anglais), de mathématiques et sciences. Les élèves qui n’obtiendront pas la moyenne dans plus de deux de ces matières devront obligatoirement redoubler.
Des évaluations à chaque niveau sont prévues. Dans le primaire, elles serviront à comparer les résultats par région, et à identifier les lacunes des élèves. Suppression en revanche de l’examen de Selectividad qui régissait l’entrée à l’Université en fonction des résultats obtenus. Désormais le diplôme du Bachillerato obtenu via des épreuves terminales nationales, permettra l’accès à l’Université. Les différents établissements du supérieur auront cependant toute liberté pour organiser des épreuves sélectives. Dans le supérieur, c’est le durcissement des conditions de délivrance des bourses universitaires dès 2013-2014 qui se confirme: la bourse devra être remboursée si l’étudiant ne valide pas au moins 50% des crédits nécessaires, et jusque 65% pour les bourses mensuelles.
Autre nouveauté, la transformation de la 4ème année de collège (4°de ESO) en année passerelle permettant aux élèves de suivre, selon leur choix, des cours de filière générale ou d’initiation à la formation professionnelle, année validée par une évaluation finale pour le passage en Lycée général ou professionnel. Pour les élèves de moins de 17 ans qui n’auraient pas le niveau requis pour passer en 4° ESO, une nouvelle filière, FP Básica, sur 2 années, est créée.
Bien que certaines confédérations de parents d’élèves y voient une amélioration de la qualité de l’enseignement et une lutte contre l’échec scolaire, c’est un profond mécontentement des syndicats d’enseignants et diverses associations d’étudiants et de parents d’élèves qui prévaut. De nouvelles manifestations sont à prévoir d’ici l’automne, période à laquelle les Cortes doivent valider la loi.
Claudie Gallas-Launet