La « relance » décidée par le ministère de l’éducation nationale marque l’échec de 20 ans de « vie lycéenne ». Malgré l’ouverture des droits lycéens la participation faible aux instances interroge. C’est que plus que la question de la démocratie lycéenne, la « vie lycéenne » renvoie à une question sociale, celle des « nouveaux lycéens ». La démarche entreprise par George Pau-Langevin est-elle à même de traiter ce sujet ?
L’histoire du développement de la « vie lycéenne » est particulièrement éclairante. Trois dates en marquent les étapes : 1991 avec la création des CAVL, 1995 avec le CNVL et 1998 avec les CVL. Or ces trois dates renvoient à des émeutes lycéennes. Rappelons-nous novembre 1990. Le souvenir n’est pas les 300 000 lycéens qui manifestent dans le pays. Mais le fait que, à la différence de 1986, ils attaquent les magasins parisiens et les pillent. Ce sont des jeunes de banlieue qui transforment un mouvement lycéen en une vraie émeute sociale. Suite à ces émeutes, le ministère crée les CAVL et autorise le droit de réunion dans les lycées et le droit d’association. La création du CNVL en 1995 fait suite aux manifestations contre le CIP qui visait principalement ces mêmes jeunes des quartiers populaires. La création des CVL fait suite aux manifestations de 1998 contre Allègre marquées elles aussi par des incidents.
Ce n’est pas tant sous la pression des lycéens que la « vie lycéenne » est née que sous celle des « nouveaux lycéens ». Cette appellation désigne les jeunes d’origine populaire qui, à partir des années 1980, entrent massivement dans les lycées. De 1960 à 1980 la population lycéenne passe de 800 000 à 1,9 millions de jeunes avant d’atteindre 2,6 millions en 1990. Le nombre d’élèves double dans les L.P.. Il triple dans les lycées généraux et technologiques. Cette arrivée change radicalement le climat des établissements. Les rapports de connivence entre adultes et jeunes disparaissent. Pour toute une partie des adultes cette jeunesse là est autre. Il est nécessaire d’édicter de nouvelles règles pour l’apprivoiser au régime lycéen. C’est tout le pari de la vie lycéenne.
Avec les nouveaux lycéens c’est la question sociale qui entre au lycée. A travers la question de la démocratie lycéenne c’est la capacité du lycée à répondre aux inégalités sociales dans l’Ecole qui est interrogée. Et là on peut dire que la réponse, malgré les indéniables progrès, est restée insuffisante. En témoignent les 140 000 sorties sans qualification chaque année.
Pour le moment, la vie lycéenne est largement confisquée par les héritiers. A tous les niveaux ce sont les enfants des familles les plus favorisées qui s’investissent dans les instances lycéennes et les monopolisent. Il n’est que de jeter un oeil sur les 30 élus nationaux. Combien de patronymes renvoyant aux « minorités visibles » contre combien de Charles -Antoine, de Thibaud ou de Charlotte ?
Cela interroge sur la capacité des organes de la vie lycéenne à apporter de vraies réponses. Les questions posées par ces nouveaux lycéens dépassent les objectifs actuels des CVL ou même du CNVL. C’est la question de l’égalité entre les filières lycéennes, de la gestion de l’hétérogénéité, de l’aide scolaire, de l’orientation qui sont posées. Ce sont elles que devraient aborder la commission mis en place par G. Pau-Langevin. C’est plus urgent que l’information sur les institutions lycéennes. Les nouveaux lycéens ne cherchent pas des droits formels mais des droits réels, pas des commissions mais de la justice sociale.
François Jarraud