Ce n’est pas seulement en proposant un service de soutien scolaire que l’UMP porte ses efforts sur l’éducation. Le sénateur UMP Jean-Claude Carle publie un opuscule qui est présenté comme « un projet alternatif de refondation de l’Ecole ».
Le projet phare du quinquennat Hollande, la refondation de l’Ecole, est-il déjà en panne pour que l’opposition le dispute à la majorité ? Deux initiatives de l’UMP marquent sa volonté de ne pas laisser ce terrain au gouvernement.
Trois fédérations départementales de l’UMP, la Haute-Garonne, la Haute-Loire et la Sarthe, proposent des services de soutien scolaire assurés par des militants UMP. Le parti d’opposition se défend de tout prosélytisme et assure vouloir aider les familles. Ce n’est pas l’avis du PS, où Emeric Bréhier et Yannick Trigance, secrétaires nationaux à l’éducation, dénoncet « le mépris absolu de la droite quant au respect du principe de laïcité qui intègre notamment la neutralité philosophique et politique de l’enseignement ». Le PS accuse aussi l’UMP de ne pas avoir « confiance en l’école de la République pour assurer l’apprentissage des fondamentaux ». Il interroge : « Est-ce le bilan catastrophique de ses dix années passées à détruire l’école de la République qui lui inspire ce reniement ? »
Mais l’offensive UMP est aussi idéologique avec la publication de l’opuscule de Jean-Claude Carle « Tous les élèves peuvent réussir ».
En apparence l’ouvrage fait consensus quand il propose de donner la priorité au primaire, de mettre l’accent sur la pédagogie, de supprimer le redoublement, de mettre en place une formation professionnelle des enseignants et même de renforcer le taux d’encadrement des élèves. Evidemment on se demandera pourquoi Jean-Claude Carle n’a pas défendu ces idées ces 10 dernières années quand son parti était au pouvoir. Mais il est vrai que le livre occulte cette période et se réfère systématiquement à la loi Jospin et une seule fois à la loi Fillon…
Mais chaque terme de ce consensus est redéfini par JC Carle pour construire un projet bien différent de celui de la refondation voulue par V Peillon. Ainsi la priorité au primaire de JC Carle repose sur l’idée assez aventurée que « tout se joue à 7 ans ». Pour lui il s’agit de mettre l’accent sur les fondamentaux. Les apprentissages non cognitifs doivent être supprimés ou n’intervenir que quand les premiers sont satisfaits. JC Carle défend l’idée d’un enseignement scolaire dès la grande section qui devrait intégrer l’élémentaire.
JC Carle est pour une refondation pédagogique de l’Ecole mais il en redéfinit les termes. Pour lui l’effet maitre « contrebalance le poids de l’ensemble des facteurs exogènes à l’école » comme l’origine sociale des élèves. Ces facteurs sont « difficiles à changer » alors que, on le verra, JC Carle sait comment « améliorer l’efficacité » des maîtres… Pour JC Carle la bonne pédagogie c’est l’enseignement structuré et explicite dont il affirme qu’il a fait ses preuves. Au primaire, s’appuyant sur le programme PARLER, il en déduit qu’il faut diviser les classes en groupes de niveau. C’est ce qu’il appelle personnaliser.
JC Carle est pour la formation professionnelle des enseignants à condition qu’elle se base sur ses principes. On doit apprendre aux enseignants les « bonnes pratiques » . Pour JC Carle il faut expérimenter les pratiques et dupliquer de façon obligatoire les « bonnes pratiques » parce que, pour lui, l’enseignement c’est comme la médecine un art qui s’adresse non à un groupe d’élèves mais à des individus interchangeables. L’enseignement n’est pas un acte social mais quasi médical.
Comment améliorer le niveau professionnel des enseignants ? JC Carle propose la paye au mérite et, plus précisément, d’indexer le salaire des enseignants aux résultats des évaluations nationales en prenant les indicateurs des lycées en exemple. Pour lui en se basant sur ces indicateurs on saurait tout de suite qui sont les « bons » enseignants.
L’ouvrage prétend s’appuyer sur des études scientifiques et n’être en rien idéologique. Pourtant JC Carle prend des libertés avec ses sources par exemple sur l’évaluation des bons enseignants. Il pose en études incontestées des travaux nord-américains dont les résultats sont contestés. Il ne mentionne pas le fait que les apprentissages non cognitifs sont considérés comme déterminants pour l’acquisition des fondamentaux par de nombreux chercheurs. Le regroupement en groupes de niveau est une organisation dont on connait pourtant les défauts pour les élèves les plus faibles. Quant à la paye au mérite basée sur les résultats des élèves, elle est effectivement appliquée aux Etats-Unis mais ce n’est pas pour autant qu’elle y soit acceptée.
Alors que l’éducation semble passer au second plan des préoccupations nationales et que le budget de l’Education nationale doit être plus délicat à défendre, l’offensive UMP pourrait rallumer la flamme coté PS et finalement soutenir les projets de V Peillon.
François Jarraud