Alors que le gouvernement refuse toute revalorisation indiciaire, le ministère de l’éducation nationale propose un « protocole d’accord » qui introduit des « axes de travail » pour des montants non chiffrés. Le protocole pose les principes d’un prime pour les enseignants du primaire. Mais tout reste à négocier, notamment le montant et le calendrier…
Annoncée depuis des mois, la « revalorisation » des enseignants semble devoir faire long feu. Dans un contexte budgétaire qui se dégrade, ce n’est pas vraiment une surprise. La crise rattrape l’Ecole en France comme ailleurs. Mais comment entretenir le dialogue social quand on n’a pas grand chose à proposer ? C’est l’exercice que Vincent Peillon, après d’autres, doit effectuer. Le résultat palpable c’est que l’on passe à un protocole qui n’engage ni sur des sommes ni sur un calendrier.
Pas de dégel du point fonction publique
Dans un communiqué commun, la Fsu, la Cftc, la Cgc, FO, Solidaires manifestent leur « complet désaccord avec la volonté gouvernementale de ne pas aborder la question de la valeur du point d’indice avant mi-2014″. Ils refusent que » les agents de la Fonction publique fassent toujours les frais de la crise économique ». Et ils rappellent « les pertes de pouvoir d’achat et la nécessité de rompre avec la politique de gel sans précédent de la valeur du point d’indice ». Le gel mis en place par la droite est prolongé . Concrètement il se traduit par la baisse continue du salaire net que les enseignants peuvent constater. Cependant il n’a pas frappé de la même façon tous les agents du ministère, les cadres ayant bénéficié de primes particulières sous les gouvernements précédents.
Un protocole d’intentions
En même temps, Vincent Peillon a proposé aux syndicats un « protocole d’accord » qui fixe de grands principes sur la revalorisation sans fixer de chiffres précis ou de calendrier.
Après avoir rappelé que » la refondation mobilise de nombreux moyens pour les personnels », le protocole propose « trois axes de travail » que le gouvernement et les syndicats signataires reconnaitraient.
Il s’agit d’abord de la revalorisation des catégories C, c’est à dire les personnels administratifs aux salaires les moins élevés, et des enseignants contractuels.
Mais l’essentiel concerne les enseignants du primaire. Le protocole fixe le principe du « rapprochement des niveaux de rémunération et des perspectives de carrière des corps des professeurs des écoles, certifiés, PEPS, PLP, CPE ». Dans ce rapprochement, qui n’inclut pas les agrégés, seuls les professeurs des écoles ont à y gagner. Leurs perspectives de carrière (accès à la hors classe) sont inférieures à celles des professeurs du secondaire et ils ne bénéficient pas de l’ISOE, une prime versée seulement dans le secondaire.
Le protocole propose » la création d’une indemnité au bénéfice des enseignants du premier degré visant à reconnaître des missions qu’ils accomplissent au titre du suivi et de l’évaluation des élèves ». Elle serait notamment liée à » des temps de concertation et de travail en équipe, notamment pour mettre en place la nouvelle organisation des rythmes scolaires et les projets éducatifs territoriaux (PEDT) ». Il propose également » la convergence des taux de promotion à la hors classe ».
Le protocole invite aussi à envisager la création de nouveaux « grades d’avancement » et à travailler sur els carrières des médecins et infirmiers de l’éducation nationale, deux catégories où le recrutement est difficile tant l’écart est fort avec les rémunérations du privé ».
Signer ou ne pas signer ?
» Les mesures pour l’année 2013 seront arrêtées courant avril-mai après discussion avec les organisations représentatives des personnels signataires du présent protocole », souligne le texte comme si les non-signataires pouvaient être exclus d’un enjeu social aussi important.
En attendant leur réaction, un syndicat, l’Unsa, invite à s’engager dans la négociation. » Ce protocole constitue un signal politique fort de prise en considération de l’incontournable revalorisation du métier d’enseignant », estime le Se-Unsa, « et cela malgré un contexte économique difficile. Il ouvre des négociations sur les demandes portées par le SE-Unsa depuis de nombreuses années comme l’ISOE pour les PE, l’égal accès à la hors-classe de tous les enseignants et CPE, ainsi que de nouvelles perspectives pour tous. » Le syndicat annonce qu’il « s’engagera pleinement dans ces discussions pour y conquérir des avancées légitimes pour les personnels, à la fois sur des mesures immédiates et d’autres qui s’inscriront dans une programmation pluriannuelle ».
C’est une façon de laisser entendre qu’il n’y aura pas grand chose à glaner cette année. Le ministère ne pourra pas aller au delà de 60 millions pour l’ensemble des personnels et encore à condition que de nouvelles décisions budgétaires ne viennent pas exiger un énième effort pour l’éducation. 60 millions pour un peu moins d’un million de salariés : la revalorisation part sur un cycle long…
Dans le climat actuel, le protocole d’accord ministériel, s’il pose des priorités qui devraient être assez partagées, est surtout une ordonnance de patience.
François Jarraud