Ce mois-ci :
– L’interview de Anne-Audrey Brès, devenue assistante familiale après avoir été professeure des écoles non titulaire pendant 6 ans ;
– Vincent Peillon crée 1000 postes de remplaçants pour la rentrée 2013 : ce ballon d’oxygène peut-il faciliter les projets de reconversion des enseignants ?
– Aide aux Profs aura 7 ans le 18 juillet 2013 : STOP ou ENCORE ?
Anne-Audrey, presque 32 ans, maman de deux enfants de cinq et huit ans a quitté son emploi de contractuelle dans le privé – contrat précaire – au sein de l’Education Nationale, pour devenir assistante familiale. Aujourd’hui, loin du stress des remplacements, des corrections, des situations de classe difficiles, des temps de préparation et de la fatigue, elle s’épanouit en accueillant et en aidant à grandir et à progresser des enfants sortis momentanément de leurs familles. Ce métier compatible avec son rôle de maman lui permet d’être bien plus disponible auprès de ses propres enfants et la rend aujourd’hui heureuse : elle continue de travailler avec des enfants et se sent véritablement utile.
Quel a été votre parcours de carrière depuis la fin de vos études jusqu’à ce choix de devenir enseignante pour l’Education nationale ?
Après mon bac, j’ai de suite arrêté les études et j’ai travaillé dans un ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) en 2002 pour remplacer une enseignante spécialisée. J’ai commencé à connaître le métier d’instit à ce moment là, et cette expérience a duré un an et demi. Je ne pouvais pas avoir un poste de titulaire sans ma licence, et me suis donc inscrite à la fac en préparant une licence en Sciences de l’Education (trois ans) pendant laquelle j’ai conçu mon premier enfant. Arrivée à la Seyne, j’ai travaillé une année en crèche en tant qu’animatrice et je suis rentrée à l’IUFM à Draguignan pour l’année de préparation au concours. Je n’ai pas réussi le concours et donc je suis rentrée dans le privé sans le diplôme, pour faire des suppléances.
Ca a duré quatre ans : la première année, je n’ai fait que des petits remplacements ; la seconde année, j’ai fait une formation pour enseigner en RA (le Regroupement d’Adaptation, qui est l’équivalent du RASED dans le public) et j’ai obtenu un mi-temps en RA doublé d’un mi-temps en CE2 ; en troisième et quatrième année, j’ai fait des remplacements longs). Au bout des quatre ans, le poste à l’année que j’occupais n’était plus disponible car une sortante du concours était prioritaire et moi je n’étais « qu’une contractuelle ». Comme on ne me proposait que de reprendre des remplacements sur Saint-Tropez, loin de tout, ma famille, ma maison, cela m’a véritablement motivée à partir, car j’en avais assez de faire de la route. Malgré tout, cette expérience d’enseignante m’a confortée dans mes envies : j’aime travailler avec les enfants, ce que j’ai toujours aimé puisque plus jeune, j’animais déjà des camps de vacances et des centres aérés.
Concrètement, comment se sont effectuées les démarches pour le changement (formalités administratives et pratiques, opérations financières,…) et quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
J’ai stoppé mon contrat au bout de quatre ans. A chaque fois que j’entamais une année de suppléance, je signais un contrat renouvelable, mais je n’ai jamais été en CDI. C’était précaire, instable.
Au bout de six ans, normalement, on est embauché d’office en CDI : mais c’est six ans sans interruption, sans arrêt maladie, sans congé maternité, à plein temps. J’ai préféré arrêter, je me suis mise au chômage et en même temps j’ai débuté les démarches pour obtenir l’agrément, en sachant que je pouvais être réintégrée et rappelée la première année pour d’autres remplacements si nécessaires, voire plus tard si j’en avais refait la demande. J’ai découvert le métier d’assistante familiale pendant mon année en ITEP, beaucoup d’élèves étaient placés en familles d’accueil. Cette profession m’intéressait car elle permettait d’aller plus loin qu’aider un enfant au quotidien dans son travail de classe, il s’agissait de l’accompagner dans une véritable évolution. J’avais déjà suivi une journée d’informations bien avant : on m’avait conseillé d’attendre que mes enfants grandissent avant de me lancer dans ce travail. De plus, il fallait que je fasse des travaux dans la maison afin de disposer d’une chambre supplémentaire disponible.
En quoi consiste votre reconversion professionnelle exactement ?
Aujourd’hui, je suis assistante familiale : j’accueille au sein de ma famille une petite fille. Elle a 22 mois et on l’a eue à neuf mois, ça va faire un an que j’accueille cet enfant, mon agrément est antérieur. C’est le premier enfant que je reçois. Souvent, on favorise le placement des enfants en bas âge, leur placement en foyer est plus compliqué car ils ont besoin de plus de lien. Il a été prouvé qu’un enfant en bas âge est mieux en famille que dans une collectivité. Mais chaque enfant retiré à sa famille doit quand même rester trois mois minimum en foyer pour que les professionnels puissent l’observer. On retire les enfants à leurs parents pour des choses graves, des carences éducatives, affectives (sans que ce soit forcément de la maltraitance ou des abus). Les signalements peuvent être faits par des médecins, la PMI, des enseignants,… Des démarches et un accompagnement auprès des parents sont mis en place avant : on enlève l’enfant si et seulement s’il y a une mise en danger de l’enfant, un risque majeur. Les parents ont le droit de voir l’enfant placé mais chaque situation est différente, médiatisée ou non. C’est le juge des enfants qui statue sur les situations. Ces situations évoluent, les droits des parents évoluent aussi. A terme, l’objectif est que l’enfant soit réintégré dans sa famille, c’est le projet initial pour chaque enfant placé. Entre deux placements, il y a au minimum quinze jours (parfois plus, ce qui peut être difficile car le salaire diminue alors) pendant lesquels nous repassons des entretiens pour savoir si notre projet d’accueil évolue (par exemple, si nous souhaitons reprendre un enfant en bas âge ou plus grand).
Quelles compétences acquises dans l’enseignement vous semblent avoir été utiles et transférables dans votre nouvelle activité ?
Pour moi, la principale compétence acquise est la connaissance du développement de l’enfant. On n’a pas le même regard quand il s’agit de ses propres enfants et quand on observe avec un œil critique et distancié, plus objectif, ceux des autres. Là, cette observation et cette expérience des enfants est utile pour voir si l’enfant est en avance ou en retard et pour travailler avec lui sur les compétences ou maîtrises qu’il doit acquérir.
Une autre compétence que j’ai développée dans l’enseignement est celle du rapport avec les parents : le relationnel ou le fait de savoir-parler de l’enfant en termes positifs et valorisants. J’ai rencontré des parents fragiles ou agressifs dans l’enseignement. J’ai dû faire des signalements en tant qu’instit, et j’ai même été confrontée à des parents violents. Tout cela exige d’être diplomate, c’est un apport indéniable de notre métier d’enseignant. La participation aux équipes éducatives m’a aidée aussi car là on a des concertations avec les différents intervenants, c’est un peu la même chose. Enfin, c’est un métier dans lequel il faut donner de l’affection sans s’attacher.
Le fait d’avoir été instit avant, ça aide, ce n’est pas pour rien : on les porte toute une année mais on sait qu’on va les quitter, les confier à quelqu’un d’autre, on leur apprend à être autonome, à grandir sans nous. Malgré tout, ce lien est très fort. Sinon, je trouve qu’on est peut-être plus « ouverts » par le fait d’avoir été instit avant. Pour la petite qui m’est confiée, tout était « découverte » et j’ai vraiment pu l’accompagner là-dedans.
Ceci dit, c’est plus facile car je ressens beaucoup moins de stress, et j’ai plus de temps pour ce genre de choses. Aujourd’hui, sans les bulletins, les évaluations, les corrections, les préparations et malgré l’accueil permanent de cette petite, j’ai plus de temps pour mes enfants. Avant, je travaillais quand ils étaient couchés mais j’étais épuisée, aujourd’hui, je suis vraiment disponible pour eux.
Avez-vous eu besoin de suivre une nouvelle formation pour accompagner votre reconversion ?
Il m’a surtout fallu faire une demande d’agrément. La demande d’agrément se fait auprès du Président du Conseil Général, pour ce qui est du Var, au service du placement familial. Suite à cette demande de contact, j’ai été convoquée à une réunion d’informations. J’ai préparé un dossier de demande d’agrément et j’ai entamé les démarches pour obtenir cet agrément : ça a pris environ quatre mois.
Plusieurs entretiens sont nécessaires avec des professionnels du social (assistantes sociales, psychologues, éducateurs, PMI). Ensuite, quand l’agrément est accordé, on postule auprès du Conseil Général pour être embauché. On passe un véritable entretien d’embauche : c’est l’employeur qui ensuite paie la formation. Si on est pris on signe un contrat de travail puis on doit suivre une formation obligatoire.
Il y a 60 heures de formation pour valider l’agrément (c’est seulement après ces 60h que l’on peut nous confier un enfant) puis une autre formation plus longue dans un IFTS (Institut de Formation des Travailleurs Sociaux) qui prépare au diplôme d’assistante familiale. La formation est obligatoire, le diplôme ne l’est pas : si on ne l’a pas, on peut quand même exercer, il faut juste redemander l’agrément tous les cinq ans. Mais avec le diplôme d’Etat (DEAF) en poche, on devient mobile sur toute la France et on n’a plus besoin de repasser l’agrément (cette formation plus longue se fait en parallèle de l’accueil d’un enfant) mais il s’agit tout de même d’une reconnaissance et d’une valorisation professionnelle. Il faut noter que c’est un métier peu connu, et on manque vraiment de personnes pour cela, beaucoup de gens vont prendre leur retraite à la rentrée prochaine. Le Conseil Général du Var va vraiment avoir besoin de personnes motivées, je me demande d’ailleurs comment il va communiquer pour faire davantage connaître cette profession, d’autant plus qu’elle est véritablement en cours de professionnalisation avec cette reconnaissance par la mise en place d’un diplôme d’Etat.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans cette reconversion ?
J’accueille cette petite fille chez moi, dans ma famille, dans ma maison et mon cadre personnel, 24 heures sur 24. D’un côté, le fait de l’avoir tout le temps, elle fait partie intégrante de ma vie, de notre vie de famille et je n’ai plus l’impression de travailler. Je n’ai aucune contrainte horaire, et même si je ne dors que trois heures dans la nuit, ce n’est pas très grave car le lendemain, nous pouvons nous reposer toutes les deux à la maison.
Les horaires sont quand même très libres, en-dehors des rendez-vous médicaux ou de suivi de l’enfant. D’un autre côté, comme elle est petite, je ne peux la confier à personne, je l’ai toujours avec moi, même si je dois moi-même aller à un rendez-vous particulier (médecin, banque,…). Aujourd’hui, je n’ai plus de temps pour faire du sport, j’ai très peu de temps vraiment pour moi. Je suis disponible en permanence pour cette enfant (et les miens ! bien sûr) et je dois faire parfois preuve de beaucoup de patience. Du coup, ce qui me manque parfois, c’est le contact avec l’extérieur. Si de nous-mêmes on ne décide pas de sortir, on risque de rester enfermés toute la journée avec notre petit, mais bon, c’est vrai que c’est assez personnel, ça dépend de la manière dont on le gère et de notre caractère, plus ou moins sociable ou solitaire.
Par ailleurs, l’agrément ne se donne pas comme ça, d’autant plus qu’il concerne toute la famille. Le projet d’accueil a pour objectif que l’enfant puisse un jour retourner dans sa propre famille, il faut donc être très solide dans sa tête pour ne pas trop s’attacher tout en créant un véritable lien affectif et complice et ne pas trop souffrir, le jour du départ. Le problème, c’est que même si cet emploi est compatible avec le fait d’avoir ses propres enfants, (personnellement, j’en ai deux, de cinq et huit ans), c’est peut-être plus difficile car ça peut influencer nos propres enfants, ça fait un paramètre de plus à gérer. La venue d’un petit au sein de la famille a un impact car l’enfant va partir, c’est compliqué, nos enfants, eux, s’attachent. C’est aussi pour cette raison qu’on nous conseille parfois d’attendre que nos enfants soient un peu plus âgés pour se lancer dans cette aventure. Enfin, il faut aussi tenir compte du risque financier et de la diminution du salaire pendant quatre mois, si on n’a pas d’autre enfant dans ce laps de temps (le moment où l’on rend un enfant à sa famille et le moment où on en accueille un autre).
Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite réaliser une mobilité professionnelle hors de l’enseignement ?
Ça dépend de la volonté de chacun. Même si ça ne leur plait pas, certain n’ont pas le courage de changer et de se lancer, ça demande des efforts, c’est une grosse remise en question. Les concours de ‘enseignement sont difficiles à réussir et, au final, si le métier ne convient pas, cela signifie qu’on s’est énormément investi pour rien.
Le regard des gens aussi est assez difficile lorsqu’on veut se reconvertir : le métier d’enseignant reste un métier privilégié dans l’imaginaire collectif. Mes amis disaient que j’étais inconsciente ! Alors, il faut s’accrocher…
5000 postes de remplaçants ont été supprimés de 2009 à 2012 dans l’Education Nationale, dont un tiers dans le premier degré. La situation est particulièrement grave à Créteil où 200 postes ont disparu depuis 2009. Pour le Snuipp, premier syndicat du premier degré, « la reconstitution du vivier de remplaçants qui permette d’assurer les remplacements de congés maladie, de maternité et de rendre possible les départs en formation est une nécessité« . Le syndicat rappelle qu’il y a 24 500 remplaçants et 20 000 congés de maternité par an.
Dans le second degré, le Snpden, premier syndicat de chefs d’établissement, est plus sceptique. « Du coté des remplacements, ça ne peut aller que mieux. 1000 postes c’est mieux mais ça ne règle rien« , a dit au Café Pédagogique Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN. « Les difficultés se sont accumulées depuis plus de 20 ans. Mais je ne vois rien dans les propos du ministre qui modifient structurellement la situation. Surtout, il faut dire que le fonctionnement de l’éducation nationale est la première cause de cours non assurés ».
Le manque de professeurs remplaçants nous interpelle, car c’est grâce à cette variable d’ajustement en termes d’effectifs que la reconversion des enseignants aura un jour les chances d’exister. Pour l’instant, depuis 2009, ce qui est proposé aux enseignants ne les sort pas du contexte dans lequel ils cherchent à s’extraire : changer de discipline ou de niveau d’enseignement quand on en a marre d’enseigner, est-ce vraiment rendre service aux élèves, et à soi-même ?
Aide aux Profs est devenue très pessimiste sur la capacité de l’Education Nationale à répondre un jour au vœu du législateur qui, en 2003, dans l’article 77 d’une loi portant réforme des retraites qui a allongé la durée d’une carrière, semblait promettre des reconversions hors enseignement.
Depuis 4 ans, nous observons que les académies freinent autant qu’elles le peuvent les demandes de disponibilité des professeurs des écoles, ainsi que leurs demandes de temps partiel ou de mi-temps. Pour beaucoup d’enseignantes qui voyaient dans ce métier la possibilité de conjuguer leurs activités personnelles de mère pour élever leurs enfants, tout en exerçant une activité professionnelle, sans pour autant s’épuiser au travail, c’est souvent une grande déception.
Au niveau d’Aide aux Profs, nous observons une nette évolution dans la manière d’agir des jeunes enseignantes de moins de 10 ans d’ancienneté : elles préfèrent démissionner plutôt que de chercher à négocier avec une administration qui ne leur fait pas de cadeau et leur invoque de manière sempiternelle les « nécessités de service » pour refuser leurs différentes demandes. Celles qui obtiennent la disponibilité pour convenances personnelles ou le mi-temps rêvé ont le sentiment d’avoir réalisé un parcours du combattant.
C’est, en 2013, ce que l’on nomme « Gestion des Ressources Humaines ». Une gestion qui vise à conserver la « ressource enseignante » là où elle est, quitte à générer frustration et déprimes chez ceux qui n’ont pas la force de démissionner.
Le métier d’enseignant est le seul de la Fonction Publique où il est toujours quasi impossible de réaliser une mobilité professionnelle en cours d’année scolaire. Partant du principe que ce métier s’exerce à vie, l’Education Nationale n’imagine toujours pas qu’on puisse avoir envie de le quitter définitivement. Elle ralentit toujours de nombreux projets de reconversion pour n’accepter les départs qu’entre le 30 juin et le 1er septembre.
Aide aux Profs, dans ce contexte, conseille de plus en plus aux étudiants de réfléchir à deux fois avant de passer le concours pour devenir enseignant. Si entrer dans l’enseignement est « assez facile », les difficultés commencent lorsque l’on a envie d’en repartir. Depuis 2011, plusieurs académies refusent même les demandes de démissions, conduisant les enseignants dans des situations inextricables, qui n’incitent pas les enseignants à avoir confiance dans ceux qui les gèrent de cette manière là.
Avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir, nous espérions un réel changement avec toutes ces années d’inertie sur le front toujours pionnier des reconversions des enseignants hors enseignement. Quand un enseignant ne souhaite plus enseigner, quand il se sent épuisé, quel est l’intérêt de lui proposer de prendre un congé maladie (les Conseillers Mobilité Carrière d’une dizaine d’académies n’hésitent pas à tenir ce discours), ou de l’inciter à changer de discipline ou de niveau ?
Nous rêvions d’un dispositif de reconversion professionnelle institutionnel plus ouvert, plus souple, plus innovant, et c’est malheureusement un succédané des pratiques antérieures qui nous est servi depuis 4 ans.
Alors qu’il existe plusieurs milliers de possibilités d’emplois en détachement et une centaine en MAD, rien n’est structuré, pensé, organisé, optimisé, alors que la loi proposant des secondes carrières a déjà 10 ans. Dix ans ! C’est à peine le délai de réactivité de l’Education nationale pour agir de manière efficace sur une situation complexe.
C’est en partant de ce constat que nous avions créé Aide aux Profs, il y a 7 ans. Nous avons répondu à un besoin, qui ne cesse de s’accroître, plus de 1 500 enseignants de tous les niveaux et disciplines nous contactant chaque année, avec près de 5 500 contacts directs actuellement. Cela nous a permis de dresser des analyses précises et fiables de la situation de cette problématique, et de diffuser de nombreux outils, fruit de notre expertise, attestée par plusieurs publications et des dizaines de reportages.
Alors que Luc Chatel avait amorcé un dispositif prenant en compte la diversité des demandes de mobilité, en nommant une DGRH qui sera restée trop peu de temps pour réussir ce pari, l’Education nationale de Vincent Peillon ne s’y intéresse plus, focalisée qu’elle est sur la restructuration d’une profession soutirée de 80 000 enseignants par la Droite. Il n’est pas rare que des enseignants, pourtant sélectionnés pour un détachement en cours d’année, ne puissent au final rejoindre leur poste, car l’administration bloque leur départ, sans appel possible.
Nous nous posons donc franchement la question de stopper là ce dispositif, même s’il constituait une fenêtre, un ballon d’oxygène, pour ces milliers d’enseignants en souffrance professionnelle, ou en quête de conseils pour « faire autre chose », « tout autre chose ».
Nous aurons été précurseurs, avons ouvert une voie, écrit plus de 7 000 articles sur notre portail depuis 82 mois, et des ouvrages appréciés par les enseignants, et avons été interviewés par une cinquantaine de médias différents qui se sont intéressés à ce que nous avons tenté de créer.
Force est de constater que l’Education Nationale de Vincent Peillon stagne sur ce chantier des reconversions professionnelles, pas considéré comme prioritaire, puisqu’il ne concerne chaque année que 1% des enseignants, ceux qui prennent la peine de contacter un CMC de leur académie ou l’un des bénévoles de notre association. Le fait qu’il y ait près de 39% d’enseignants qui songent à quitter leur métier, d’après les récentes études de Georges Fotinos, ne semble pas inquiéter l’Institution.
Souhaitons-lui de ne pas s’être trompée, et de ne pas devenir débordée dans les années qui viennent par de plus en plus d’enseignants en difficulté, dans une carrière qui ne cesse de s’allonger.
En 2013, il faudra un Master pour devenir enseignant. Ceux qui l’obtiendront du premier coup entrent en moyenne vers 25-26 ans comme stagiaires, 26-27 ans comme titulaires. Resteront-ils profs jusqu’à 70 ans, alors qu’actuellement, il apparaît que la moyenne d’âge du départ en retraite s’effectue à 59 ans pour les profs des écoles et à 60 ans pour les profs de collège et de lycée ?
Les nouveaux enseignants travailleront-ils 10 ans de plus pour tenter d’atteindre une pension à taux plein, si cette notion existe encore dans une décennie, ou doivent-ils dès lors se préparer à la précarité, avec 5 à 10 ans de moins ? C’est réellement cette épée de Damoclès qui pèse sur les générations d’enseignants qui viennent, et qui ne peuvent qu’espérer gagner en fin de carrière que 50% de plus que leur salaire initial, au lieu de +120% avant le Pacte de Carrière du Ministre Luc Chatel.
Ce qui ressort de notre expérience, plus que tout, c’est l’intensité et l’extrême diversité des types de souffrance ordinaire chez les enseignants.
Leur accumulation en pousse des milliers chaque année vers la déprime, et plus d’une centaine chaque année vers le suicide. Faut-il continuer à accepter cela, au lieu de prendre le risque d’innover et d’accepter qu’un enseignant puisse professionnellement faire autre chose, en cours de carrière comme en cours d’année scolaire ?
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