En 2011, le certificat d’aptitude professionnelle a eu 100 ans. Il a bien failli ne jamais les avoir car l’Education nationale avait décidé sa mise à mort. Déprofessionnalisé, déchu au moment où l’institution avait décidé de faire du bac le niveau d’entrer dans le monde professionnel, le CAP connait maintenant un retour volontariste au moment où on s’inquiète de la masse des sorties sans qualifications. C’est cette histoire que la Revue française de pédagogie (n°180) retrace. Elle pose la question de l’articulation entre l’éducation nationale et le monde professionnel, la société et le diplôme. Fabienne Maillard, qui a coordonné ce numéro avec Guy Brucy et Gilles Moreau, revient sur ce curieux parcours du CAP.
Comment a évolué le CAP sur ces dernières années ?
Le CAP était considéré comme un bon diplôme jusque dans les années 1970. C’est son intégration dans un système scolaire en pleine massification qui l’a déqualifié. Car on a abaissé son niveau professionnel. On a favorisé la massification du secondaire et on s’est servi du CAP pour gérer les flux en envoyant en CAP les mauvais élèves. On voit alors l’effectif exploser à la fin des années 1960 où il accueille tous les jeunes en difficultés avec le système éducatif.
Puis, avec le développement des bacs pros, le CAP a connu un déclin forcé, construit par l’éducation nationale même s’il allait encore bien dans certains domaines comme les métiers de bouche, la coiffure, le bâtiment, le commerce. Il y a eu une volonté de laisser place au BEP. On a là un paradoxe : ce n’est pourtant pas le rôle du ministère de tuer ses propres diplômes !
Maintenant, comme certains jeunes ne réussissent pas en bac pro, on l’a relancé de manière volontariste. Or relancer un diplôme qu’on a fortement abimé n’est pas chose facile. Le CAP n’est attractif aujourd’hui ni pour les jeunes ni pour les enseignants.
Comment ce retour est-il vécu ?
Les enseignants vivent le « retour » en CAP comme une régression. Ils ne croient pas à sa valorisation et voient bien à quel public il s’adresse. Ils ne croient pas dans le langage volontariste de l’Etat.
Or le CAP n’est pas un diplôme très élevé mais certains milieux professionnels, dans l’artisanat par exemple, lui sont très attachés. Dans certains secteurs, l’artisanat, le bâtiment, les métiers de bouche, le commerce, qui offrent des emplois peu qualifiés, le bac pro est jugé trop élevé et le CAP est perçu comme une norme minimale d’accès à l’emploi. Mais ailleurs le CAP se heurte à la concurrence du bac pro qui est considéré comme le diplôme minimal d’entrée dans le métier.
Aujourd’hui le CAP accueille des jeunes qui ont un faible niveau scolaire, qui viennent de Segpa ou qui sont des primo-arrivants. Avec quelques exceptions comme arts appliqués. Il ne donne plus accès au patronat comme dans le temps dans la coiffure. Il faut maintenant un BP au minimum. Pour l’éducation nationale, le CAP a un avenir : prendre la place du BEP.
Le CAP est devenu une solution face au décrochage ?
C’est l’objectif de la relance même si le CAP garde aussi un rôle propre dans certains métiers. Le problème de la relance c’est qu’il faut réenchanter un diplôme que l’institution elle-même a détruit. Le CAP n’est plus le même qu’avant. On peut vanter une pédagogie plus individualisée, un contrôle en cours de formation au lieu de l’examen. Tout a été fait pour qu’il séduise davantage. Mais les mots ne portent pas. Concrètement le CAP est devenu un diplôme pour les jeunes en difficulté avec des épreuves pas difficiles. Il a maintenant acquis un statut ambigüe pour les professionnels.
Comment cela se passe-t-il dans les autres pays ?
Il n’y a pas vraiment d’équivalent dans les autres pays. En Allemagne par exemple ils ont réinventé un brevet en deux ans. Mais ce n’est pas tout à fait identique.
Propos recueillis par François Jarraud
Le CAP : regards croisés sur un diplôme centenaire. Revue française de pédagogie, n°180.
Le sommaire
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Où en est la formation professionnelle en France ? Eric Charbonnier, expert de la direction de l »éducation de l’OCDE, a présenté le 15 avril au » Collectif 21 des présidents pour l’amélioration de la formation professionnelle » la lecture de l’OCDE sur un domaine où la France a des progrès à faire. Mais dans quel sens ? C’est sur ces orientations que le collectif entend peser alors que l’Etat annonce une réforme en profondeur.
Sur quelles bases réformer la formation professionnelle ? Et pour qui ? Ces deux questions sont au coeur de la réforme de la formation professionnelle engagée par le gouvernement avec l’objectif d’une conférence nationale et d’un loi cet été. Dans cette perspective, des organismes du secteur de la formation professionnelle ont constitué le « Collectif 21 des présidents pour l’amélioration de la formation professionnelle », présidé par Yves Attou et représentant environ un tiers des organismes du secteur. S’estimant tenus à l’écart de la réforme, ils entendent se faire entendre en complément des partenaires sociaux. Le 15 avril, le collectif tenait une première audition avec Eric Charbonnier, expert de la direction de l’éducation de l’OCDE offrant ainsi l’occasion d’une mise à nu du système français au regard des autres pays.
Pour Eric Charbonnier, la formation professionnelle est d’autant plus importante en France que 140 000 jeunes sortent du système éducatif sans diplôme reconnu et qu’il est plus difficile en France de trouver un emploi sans diplôme que dans les autres pays de l’OCDE. 11% des jeunes de 15 à 19 ans sont en dehors du système éducatif et le strois quarts sans emploi. Autre particularité française, les diplômés du secondaire participent relativement peu à la croissance économique, à la différence de pays comme l’Allemagne ou l’Autriche. Cela tient au fait que ces diplômes sont très éloignés du monde professionnel.
La formation professionnelle est moins développée et moins financée en France que dans la moyenne de l’OCDE. Un pourcentage assez faible des actifs y a accès et pour un nombre d’heures assez faible. La France fait partie des pays où moins d’individus ont accès à peu d’heures de formation professionnelle. Enfin moins on est diplômé moins on a de chance d’accéder à la formation professionnelle. Plus on est âgé plus on est exclu de cette formation. Alors que l’âge du départ en retraite augmente on continue à ne pas s’intéresser àla formation des séniors.
Il y a donc une double urgence. IL faut à la fois améliorer le système éducatif où l’échec scolaire est très lié à l’origine sociale et la formation professionnelle, elle aussi en difficulté pour s’adresser au public le plus défavorisé.
D’où une série de recommandation portées par E Charbonnier. Pour l’OCDE, il faut associer davantage le monde professionnel à l’enseignement secondaire, former les jeunes à un métier sans oublier les compétences générales. L’orientation entre lse secondaire et le supérieur doit être améliorée pour les lycéens professionnels et technologiques. Ils représentent la moitié des bacheliers mais ont du mal à accéder aux formations supérieures courtes et échouent en université. L’OCDE revendique aussi la création d’un droit différé à la formation professionnelle pour les jeunes sortis sans qualification. Il faut qu’ils puissent reprendre des études tout en gardant éventuellement leur emploi.
L’étude PIAAC. L’OCDE devrait nous permettre d’en savoir davantage sur l’état de la formation professionnelle en France. Elle rendra public à l’automne les résultats de l’étude PIAAC sur les compétences des adultes de 16 à 65 ans. 24 pays ont participé à l’enquête. Nul doute que le collectif soit aussi à l’écoute de ces enseignements.
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