L’école inclusive ça existe à Metz. Une classe d’un institut qui accueille des jeunes dysphasiques ayant des troubles graves du langage s’est implantée dans une école. C’est l’occasion pour ces élèves d’être intégrés dans les autres classes tout en ayant des regroupements pour prendre en compte leur besoins particuliers. Camille Karmann a présenté ce projet au 6ème Forum des enseignants innovants.
Comment s’est construit ce projet ?
Le projet de dispositif externalisé avec des emplois du temps individualisés est né d’une réflexion pédagogique dans un premier temps élargie à l’équipe pluridisciplinaire. Il s’est appuyé sur un fonctionnement similaire qui a existé pour des élèves déficients auditifs. Les enfants y bénéficient d’un accompagnement scolaire adapté et dispensé par des enseignants spécialisés de l’institut, tout en baignant dans un milieu ordinaire oralisant favorable au développement de leur langage, et dont ils tirent profit.
La classe externalisée est une classe qui a été créée à la rentrée 2010. Il s’agit d’un dispositif externalisé, c’est-à-dire que, bien que les enfants et les intervenants dépendent de l’I.N.J.S. de Metz, la classe en elle-même se trouve dans une école primaire dépendant de l’E.N.. Elle est née d’un partenariat entre la ville de Metz (mobilier et locaux), l’E.N. (temps d’inclusion) et l’I.N.J.S. (professionnels spécialisés), et son fonctionnement est fixé par une convention signée par ces trois parties.
Les élèves qui y sont scolarisés à temps complet sont des élèves dysphasiques avec ou sans troubles associés. Chaque élève a un emploi du temps adapté et modulable qui lui permet d’évoluer à son rythme, de se baser sur ses forces et d’être inclus en milieu ordinaire dans les matières pour lesquelles il éprouve le moins de difficultés.
D’autre part, il y a des temps collectifs d’atelier pour travailler sur les difficultés communes aux élèves dysphasiques. Ces « ateliers » (45min hebdomadaire pour chacun) nous permettent de travailler, en binôme, de manière ludique (supports très variés) sur des domaines qui posent problèmes à la majorité de nos élèves : logico-mathématiques (logique, repères spatiaux et temporels, …) ; praxie et motricité fine (lacets, tenue du crayon, découpage, …) ;expression et compréhension orale (développer le langage oral et apprendre à utiliser les messages oraux, maîtriser les expressions du visage, …).
Pouvez-vous décrire, du point de vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de la mobilisation des élèves ?
D’une manière générale, l’inclusion des élèves dysphasiques en milieu ordinaire permet le développement du langage oral grâce à un véritable « bain de langage ». Les ateliers, quant à eux, permettent « d’outiller » les élèves pour leur permettre de compenser leur difficulté et/ou de rattraper leur retard. La combinaison de ces deux axes permet à nos élèves de reprendre confiance en l’école et de retourner peu à peu vers le milieu ordinaire.
Selon vous, quelle est/a été la plus belle réussite de ce que vous avez pu mettre en œuvre ?
La plus belle réussite de ce dispositif est le retour en milieu ordinaire, dans leurs écoles de quartier, de deux élèves de la classe (CM1 et 6ème). Ils n’ont plus besoin d’un tel dispositif et sont capables de suivre les apprentissages en classe ordinaire. Nous ne les laissons pas partir complètement, un suivi est mis en place, notamment thérapeutique et éducatif.
Et a contrario, une difficulté persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ?
La difficulté majeure de ce dispositif est la communication entre les trois parties signataires de la convention. Certaines démarches nécessitent l’accord des trois et prennent donc énormément de temps. D’un point de vue pédagogique, ce système me demande une très grande flexibilité, pour organiser mes séances en fonction des emplois du temps des élèves, et beaucoup d’imagination pour adapter et/ou créer du matériel.
Un autre obstacle est à prendre en compte : il n’existe pas de méthodes ou d’outils conçus et réfléchis pour les élèves dysphasiques, nous devons donc adapter ou copier des outils et des méthodes conçues pour d’autres handicaps.
Si c’était à refaire, pouvez-vous citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre plus « efficace » pour les élèves ?
La salle de classe ne bénéficie ni d’accès internet ni de téléphone, ce qui complique la communication entre tous les partenaires et ne permet pas l’usage quotidiens des TICE en classe. Nous songeons à des solutions pour la rentrée prochaine. Ce dispositif est revu et corrigé continuellement afin de le rendre le plus efficace possible.
Propos recueillis par Isabelle Lardon