Spécialiste des questions de formation des enseignants, ancien directeur d’IUFM, Jean-Louis Auduc dresse un tableau contrasté des nouvelles maquettes des concours. Si sur certains point la part de la professionnalisation est accrue, sur d’autres le danger d’un retour à des concours basés sur l’érudition disciplinaire n’est pas écarté. Il n’y a pas de véritable refondation pour les nouvelles épreuves de concours.
Les nouvelles épreuves des concours de recrutement des concours enseignants qui se dérouleront au printemps et à l’été 2014 pour les candidats entrés en master à la rentrée 2013 ou s’étant inscrits au concours 2014 en possédant les diplômes requis viennent d’être publiés. On peut y remarquer l’absence de tout pré-requis : exit le CLES2 pour la vérification du niveau en langues ou le C2Ei. La nécessité d’avoir effectué un stage dans un établissement du niveau choisi pour le concours n’y figure pas non plus.
A lire les maquettes des divers concours, on voit qu’elles s’éloignent des projets publiés en janvier et qu’elles ressemblent beaucoup à ce qu’étaient les maquettes de concours avant 2009 et la « mastérisation ».
Ces maquettes laissent également une large marge aux jurys des différents concours pour faire « pencher » les épreuves, soit vers des savoirs très disciplinaires ou ouvrir les épreuves vers une réflexion dès la première année de master autour des exigences nécessaires à l’exercice du métier enseignant. Beaucoup d’éléments dépendront donc des jurys de concours qui avaient à la fin des années 1990 et au début des années 2000, clairement fait dériver certains concours vers des épreuves d’érudition sans beaucoup de liaison avec les programmes scolaires. Souhaitons de ce point que le Conseil national des programmes prévu par la loi de Refondation qui aura pour but « de formuler des propositions sur la nature et le contenu des épreuves des concours de recrutement d’enseignants » joue tout son rôle !
Il y a, en effet, à lire les actuels textes de cadrage beaucoup d’ambiguïtés qui subsistent qui devront être levées.
Ainsi un certain nombre de disciplines vont conserver un certain nombre de questions au programme du concours. Le CAPES Arts Plastiques doit « comporter deux questions en lien avec les contenus d’enseignement du second degré ». Pour le CAPES Histoire-géographie : « Le programme des épreuves d’admissibilité et d’admission est constitué par trois grandes questions d’histoire et trois grandes questions de géographie articulées aux programmes scolaires. Il est périodiquement révisé et publié sur le site internet du ministère chargé de l’éducation nationale. » On peut de demander pourquoi avoir écrit pour ces CAPES « en lien » ou « articulées aux programmes scolaires », plutôt que « présent dans les programmes scolaires » ?
Il faut cependant se réjouir de voir :
– valoriser les épreuves d’admission par rapport aux épreuves d’admissibilité. Elles représenteront les 2/3 des coefficients et seront donc décisives ;
– apparaître pour tous les CAPES une phrase concernant les épreuves d’admission évoquant : « l’enseignement du champ disciplinaire du concours, notamment dans son rapport avec les autres champs disciplinaires. »
– apparaître pour tous les concours ce qui ne figurait pas dans le texte rendu public en janvier une phrase concernant la possibilité d’interrogations sur « le contexte dans ses différentes dimensions (classe, équipe éducative, établissement, institution scolaire, société), et les valeurs qui le portent dont celles de la République. »
Mais, à lire les différents textes de cadrage, les ambiguïtés évoquées plus haut demeurent concernant ces points :
• Pourquoi aucune évocation explicite à propos des rapports entre champs disciplinaires de « L’Histoire des arts » en Arts plastiques, éducation musicale, Histoire-Géographie ou lettres ?
• Pourquoi avoir réservé au seul concours de professeur des écoles la formulation sur la connaissance « des éléments du socle commun de connaissances, de compétences et de culture » . Est-ce à dire que le socle commun ne concerne que le primaire et pas le collège ? cela va rendre plus problématique des formations communes sur cette question dans les ESPE.
• Pourquoi dans le cadre du CAPES Histoire-Géographie aucune évocation de l’éducation civique ( ou morale civique) que l’enseignant aura à enseigner au collège ?
• L’épreuve « Agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable » est supprimée. On peut penser qu’elle est remplacée par l’interrogation possible aux moments des épreuves d’admission sur « le contexte dans ses différentes dimensions (classe, équipe éducative, établissement, institution scolaire, société), et les valeurs qui le portent dont celles de la République. ». Mais, si c’est le cas et pour clarifier les réflexions des jurys et éviter les dérives, pourquoi avoir réservé au seul concours de professeur des écoles la formulation pour les épreuves d’admission de vérifier chez le candidat « sa capacité à se situer comme futur agent du service public (éthique, sens des responsabilités, engagement professionnel) », alors que ces enjeux concernent tous ceux qui souhaitent exercer le métier enseignant ?
Ces épreuves montrent bien qu’on reste au milieu du gué entre un concours tourné comme auparavant vers l’amont , c’est-à-dire les savoirs académiques, pourtant validés par les universitaires les années précédentes et un concours tourné vers l’aval, c’est-à-dire vers le métier qu’ils auront à exercer.
Mais cette ambiguïté, elle est inhérente à la place du concours totalement en fin de M1 ! Si les mêmes dérives que celles connues il y a une dizaine d’années se produisent, il faudra sérieusement réaborder cette question et se poser la question d’un concours d’entrée en ESPE basé sur un écrit disciplinaire et après deux années intégrées de formation d’un concours de sortie basée sur des épreuves orales validant la possession des compétences nécessaires à l’exercice du métier enseignant.
Jean-Louis Auduc