L’ancien ministre de l’Education nationale Luc Chatel ( l’un des dirigeants actuels auprès de François Copé à la tête de l’UMP, un parti qui revendique pourtant volontiers sa filiation « gaulliste » ) a eu le front de prétendre le jeudi 11 avril sur France 2 que « ce qui crée des ghettos, c’est le système inventé dans les années 60, qui consistait à entasser les élèves d’un même quartier dans le même établissement ». Certes Luc Chatel est un pur produit de l’Oréal ( où l’on ne prise guère la mémoire ), mais il faut le mettre au parfum de l’histoire « gaullienne ».
La mise en place de la « sectorisation » ( décidée en 1963 ) appartient en effet au moment des grandes réformes ‘’gaulliennes’’, et elle est contemporaine de la création – en 1963 également – du collège d’enseignement secondaire ( le CES ). Cette création a été voulue par le président de la République Charles de Gaulle lui-même. Il s’agit de réunir « sous un même toit – comme l’a dit alors le ministre de l’Education nationale Christian Fouchet – toutes les formes d’enseignement entre la fin des études élémentaires et la fin de la scolarité obligatoire » ( dont il a été décidé en 1959 qu’elle serait prolongée de deux ans, le terme passant de 14 ans à 16 ans révolus ).
Comme les CES peuvent être certes des créations de toutes pièces, mais aussi des transformations des premiers cycles d’établissements secondaires ( les anciens collèges ou lycées ), ou bien des transformations d’établissements secondaires ( les CEG, collèges d’enseignement généraux, anciens cours complémentaires ) il convient de prendre des mesures pour éviter certains effets pervers.
En effet, la ventilation des différentes catégories d’enseignants ( agrégés, certifiés ou PEGC souvent anciens instituteurs ) doit théoriquement se faire de façon égale entre les établissements restructurés. Mais au début, les anciens premiers cycles de lycée sont inévitablement mieux ‘’dotés’’ que d’autres. Laisser les inscriptions se faire librement ouvrait le risque d’un afflux difficile à maîtriser vers les établissements les plus ‘’dotés’’, les plus ‘’côtés’’, les autres étant délaissés.
Surtout, les CES ( qu’ils soient issus d’une transformation d’un premier cycle d’un établissement secondaire, ou d’un établissement du primaire supérieur, ou encore d’une création entièrement nouvelle ) doivent être le creuset au sein duquel se retrouvent des élèves d’origines sociales différentes. Seule une affectation ‘’autoritaire ( la ‘’sectorisation’’ ) peut permettre ce résultat .
In fine, la méconnaissance historique dont fait preuve Luc Chatel et l’expression même – stigmatisante – qu’il emploie ( « entasser les élèves d’un même quartier dans un même établissement » ) donne la mesure de la forte régression de l’UMP en matière de démocratisation scolaire, fort en dessous des objectifs de la période des années 1960, du moment ‘’gaullien’’…
Claude Lelièvre